J'essaie de ne pas être idéologique, mais on ne peut pas s'occuper d'addiction sans s'intéresser au contexte de consommation.
Je le répète : il convient de modifier la représentation des pathologies addictives, de soutenir les familles, de reconnaître ces pathologies comme des pathologies de longue durée, de diminuer les dommages chez les simples consommateurs en développant l'éducation par les pairs et les compétences des acteurs sur Internet, de soutenir le développement des associations de patients et de développer l'éducation thérapeutique du patient, comme cela se fait déjà par exemple pour les diabétiques.
Il faut aussi améliorer le repérage et l'intervention précoce avant l'installation des dommages, en faisant des addictions un volet obligatoire des réseaux territoriaux de santé, qui devraient disposer de structures médico-sociales, de services de soins résidentiels et de dispositifs innovants – je pense notamment aux salles de consommation.
Pour améliorer le dispositif sanitaire général, il faut adapter l'addictologie hospitalière aux besoins et l'inscrire dans les critères d'accréditation, le projet d'établissement et le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens – 20 % des patients des hôpitaux ont des problèmes d'addiction. Un médecin et un directeur devraient être chargés de présenter leur plan addiction devant le conseil d'administration et devant la commission médicale d'établissement. Il faut renforcer, outre les unités d'enseignement et de recherche, les unités de soins – les équipes de liaison, mises en place dans le plan addiction 2007-2012, rencontrant à l'heure actuelle beaucoup de difficultés pour répondre à la demande.
Pour réduire les dommages liés à l'alcool, il faut adopter des stratégies thérapeutiques, notamment de réduction de la consommation, modifier la fiscalité des boissons alcooliques, affecter les nouvelles recettes à l'assurance maladie et à la prévention au prorata des coûts de marketing, expérimenter des éthylomètres non pas punitifs, qui empêchent le démarrage, mais éducatifs et préventifs dans les véhicules, et mettre en place une politique de prévention de la récidive.
Pour réduire les dommages liés au tabac, il faut rembourser les traitements de la dépendance tabagique – l'argent investi dans le traitement de la dépendance est rentabilisé par la diminution des pathologies –, éviter les petites augmentations du prix du tabac, qui ne servent à rien si ce n'est à augmenter les ressources de l'État – Bercy constitue un des blocages majeurs de la lutte contre le tabac – et mettre fin au plan d'avenir des buralistes, qui n'a plus d'objet.
Pour réduire les dommages chez les jeunes, il faut se donner les moyens d'une intervention précoce, renforcer le dispositif « jeunes consommateurs », le service d'urgences et les équipes de liaison, et établir un référentiel de prise en charge déclinant les modalités d'intervention adaptées.
En matière de stratégies sur le marketing de l'alcool et du tabac, il convient de contrôler les actions publicitaires et de revenir à l'essence même de la loi Évin : la publicité pour l'alcool sur Internet doit être limitée aux sites des viticulteurs, des producteurs et des distributeurs. Il faut également faire financer la prévention par les industriels, créer un observatoire du marketing de l'alcool et du tabac et élargir les missions du Comité pour la modération à toute l'évaluation de la communication sur l'alcool, de façon que les publicités pour l'alcool ne soient pas contradictoires avec les intérêts de la santé publique.
Il est également nécessaire d'analyser les législations afin de rapprocher au maximum la lutte contre les différentes addictions, d'évaluer systématiquement le statut addictologique et de contraventionnaliser l'usage illicite de cannabis.