Intervention de Bernard Perrut

Réunion du 9 juillet 2013 à 9h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Perrut :

Nous sommes tous conscients des dommages causés par les addictions pour soi-même, pour autrui et pour la société – maladies, vies perdues, comportements dangereux –, la consommation pouvant conduire du plaisir à la dépendance. Nous vous rejoignons s'il s'agit de diminuer la dangerosité de certains produits et d'agir sur les populations les plus vulnérables et les situations à risque dans le cadre d'une véritable politique de santé publique qui passe par la prévention, l'accès aux soins et le soutien aux personnes concernées et à leurs proches.

Toutefois, on peut s'interroger sur la présentation globale de tous ces produits dans le rapport. Pour vous, l'alcool devient le produit le plus dangereux devant l'héroïne, la cocaïne et le tabac, en raison du nombre élevé de consommateurs et de l'importance de l'alcoolisation ponctuelle des jeunes, alors même que la consommation quotidienne diminue. Ne faut-il pas distinguer les alcools forts du vin ?

La filière viticole est particulièrement responsabilisée : elle a engagé depuis plusieurs années des actions concrètes de prévention, d'éducation et de communication responsable. Elle a d'ailleurs sollicité au mois de février dernier la ministre de la santé sur le travail du Conseil de la modération et de la prévention, qui ne s'est toujours pas réuni depuis la mise en place du nouveau gouvernement. La filière viticole a également demandé à la ministre une campagne d'information nationale sur les repères de la modération par l'intermédiaire de l'INPES – toutes demandes qui sont demeurées sans réponse.

La lutte contre l'alcoolisme portait jusqu'à présent essentiellement sur les comportements abusifs : or les mesures proposées ne laissent pas d'interroger la profession. S'il s'agit de faire diminuer la consommation globale, faut-il y arriver en culpabilisant tous les consommateurs, y compris ceux qui consomment de manière responsable ? Vos propositions pourraient conduire à infantiliser les citoyens en privilégiant des mesures d'interdiction au détriment de messages de responsabilité. Certaines mesures peuvent paraître simplistes, comme l'augmentation de la fiscalité qui est considérée comme la solution aux maux de la société. D'autres sont choquantes, lorsqu'elles présentent l'alcool comme le produit le plus dangereux alors qu'il s'agit du deuxième secteur exportateur français, qui est un patrimoine non seulement économique mais également culturel et gastronomique. N'oublions pas que ce secteur, ce sont 500 000 hommes et femmes, qui travaillent dur et avec fierté sur les territoires au sein de 87 000 exploitations. On ne saurait les ignorer.

Vos propositions fiscales auraient pour effet d'augmenter de 30 à 60 centimes d'euro le prix d'une bouteille – une augmentation insupportable pour la profession. Vous proposez également de revenir sur la publicité sur Internet. Il faut savoir que les messages publicitaires de la profession sont responsables et que celle-ci s'est engagée dans des actions, je pense notamment à celles menées dans le cadre de Vin et Société, qui permettent d'associer des professionnels de la viticulture, des hommes de santé et des élus des territoires.

Mon point de vue n'est pas uniquement partagé par les députés de l'actuelle opposition, puisque la présidente du groupe d'études sur la viticulture, Catherine Quéré, députée socialiste de la troisième circonscription de la Charente-Maritime, vient d'adresser au Premier ministre une lettre dans laquelle elle évoque le « caractère caricatural » des arguments développés dans le rapport du professeur Reynaud, ajoutant que ses mesures sont « culpabilisatrices », « infantilisantes », « simplistes » et « choquantes ». Des représentants de la majorité considèrent donc eux aussi que les propositions du rapport sont « inconcevables » et demandent : « Veut-on tuer la filière vin ? »

Monsieur le professeur, nous sommes à vos côtés pour toutes les mesures nécessaires à la santé et à la modération. En revanche, nous nous opposons aux mesures simplistes qui conduiraient à nuire à une filière qui constitue une activité économique et un patrimoine. N'agissons pas n'importe comment : c'est ainsi que nous réussirons.

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