Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, aujourd'hui, 80 % de nos concitoyens vivent en zone urbaine, et 60 % dans les grandes villes. Le texte qui nous est proposé reconnaît cette réalité pour la première fois. C'est une véritable révolution dans un pays de tradition jacobine, un pays centralisateur pour qui la grande ville, depuis la Commune de Paris, toujours représenté une menace. Longtemps, on a considéré la population urbaine comme « stérile », estimant que seule la terre produisait de vraies richesses. Cette croyance, dominante sous la IIIe République, construite sur l'antagonisme entre agriculture et industrie, a nourri un front anti-urbain qui a perduré jusqu'à nos jours.
Avec les communautés urbaines et les pôles métropolitains, déjà introduits dans la loi de décembre 2010, le fait d'accorder aux plus grandes agglomérations le statut de métropole, échelon majeur du développement dans une économie mondialisée, nous offre l'occasion de redéfinir un chemin de croissance durable et solidaire pour notre pays.
En ce sens, ce projet de loi constitue un véritable projet de territorialisation fondé sur la mobilisation des territoires, pour ne pas dire sur la libération des territoires – bref, un projet où l'État n'agit plus seul, mais en coopération avec les collectivités territoriales : la création du Haut conseil des territoires en est une parfaite illustration.
Cette dynamique doit être une bonne occasion de consolider l'existence des conseils de développement, qui ont déjà fait preuve de leur efficacité, mais doivent voir leur rôle davantage reconnu. Sans vouloir opposer les territoires les uns aux autres, disons tout de même que les grandes villes créent de la richesse. Leur production économique est souvent bien supérieure à leur poids démographique. De puissants flux de redistribution sont à l'oeuvre et irriguent les territoires qui les environnent, amenuisant ainsi les oppositions entre l'urbain et le rural. Certaines grandes villes affichent des taux de croissance largement supérieurs à 2 % et jouent indéniablement un rôle économique majeur pour notre pays.
En créant des métropoles de droit commun en plus de Paris, Lyon et Marseille, le texte conforte et valorise, aux côtés des régions – je le dis en accord avec mon collègue Alain Rousset, président de l'Association des régions de France –, la place des grandes agglomérations dans une synergie gagnante entre régions et métropoles. Cela doit donner à notre pays les moyens d'améliorer sa trajectoire économique au service de l'emploi. Demain, ces grandes agglomérations, dans une bonne synergie avec les régions, auront la taille suffisante pour se comparer à d'autres grandes métropoles européennes.
Je prends acte avec satisfaction, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, du fait que la commission des lois ait rétabli l'automaticité de la transformation des métropoles de droit commun, qui permettra, comme en 1966, de donner une véritable et rapide impulsion à cette orientation. Je prends également acte du fait que la commission ait adopté une ouverture de ce statut à d'autres grandes agglomérations qui ne remplissent pas les conditions démographiques, mais remplissent les conditions de fonctions métropolitaines requises.
Mes chers collègues, la métropole n'est pas seulement un outil au service de la croissance. Les grandes villes concentrent des zones de pauvreté qui comptent de nombreux habitants. Il y a vingt ans, le pauvre de la statistique était une personne âgée vivant en milieu rural. Aujourd'hui, c'est plutôt un jeune vivant en milieu urbain, généralement issu d'une famille monoparentale et d'origine étrangère. La métropole doit être en mesure d'y apporter des réponses en termes de logement, de politique de la ville, bref, en termes de solidarité, en définissant avec les départements, par convention, les compétences qu'elles assureront – en tenant compte de la diversité des situations dans notre pays, car l'unité nationale peut s'enrichir de la diversité de nos territoires.
La réussite de cette politique de territorialisation passe, bien sûr, par la réussite de la métropole parisienne, qui ne doit pas être considérée comme un enjeu uniquement francilien, j'insiste sur ce point, mais comme un enjeu national. Il est temps de changer de regard. Il est temps de comprendre qu'entre Paris et les autres métropoles, la coopération s'impose. L'enjeu de cette vision territoriale est directement lié à la capacité de notre pays de renforcer sa place dans le monde, sa vitalité, sa créativité, sa capacité à capter les bénéfices de l'ouverture au monde.
Je veux conclure en plaidant pour une dimension plus démocratique à conférer aux nouvelles structures. Il faut qu'au-delà du mode de fléchage prévu en 2014 pour l'élection des conseillers communautaires, on indique le sens dans lequel on veut aller. Il importe, mesdames les ministres, que l'on rappelle l'engagement du Président de la République, alors candidat, dans son discours de Dijon, appelant à ce que les représentants des exécutifs intercommunaux des plus grandes agglomérations de notre pays soient élus au suffrage universel direct.
Enfin, mes derniers mots seront pour remercier Mmes les ministres et M. le rapporteur de la commission des lois pour leur travail, leur engagement, leur esprit de responsabilité et de concertation.