Intervention de Antoine Bozio

Réunion du 9 juillet 2013 à 17h30
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Antoine Bozio, président de l'Institut des politiques publiques, IPP :

Absolument. On peut même imaginer de supprimer les bonifications pour enfant, ce qui permettrait d'utiliser 5 milliards pour d'autres dispositifs.

Si les différences de participation au marché du travail entre hommes et femmes ont tendance à se réduire, les projections montrent que les inégalités salariales entre hommes et femmes vont se maintenir. Par conséquent, un dispositif qui ne toucherait que la durée d'assurance serait insuffisant.

Nous proposons donc de remplacer les deux dispositifs existants par des majorations en fonction du nombre d'enfants qui prennent en compte l'effet MDA et la perte subie au niveau du salaire. Il s'agirait donc d'une majoration de pension par enfant dégressive en fonction du niveau de la pension, car il faut davantage compenser les petites retraites des femmes ayant subi des interruptions de carrière, mais sans pénaliser les autres femmes. Un tel mécanisme ne serait donc pas incitatif au retrait d'activité. Notre rapport présente des graphiques avec plusieurs types de barème.

En définitive, ce dispositif utilisera les crédits budgétaires des bonifications de pension et des MDA pour les rendre plus efficaces en réduisant les inégalités de pension hommes-femme. Il permettra aussi de réduire les inégalités dans la population féminine entre les différents niveaux de pension. Évidemment, la pente du barème peut être modulée en fonction du niveau budgétaire choisi, du niveau de dégressivité, etc.

Ce qui est important à mon sens est que ce dispositif ne tombe pas dans le piège des modifications soit de durée d'assurance, soit du calcul du salaire de référence. En intervenant à la fin du calcul de la pension, il permet de rajouter une bonification de pension pour chaque femme et chaque enfant : c'est à mon sens la condition pour qu'il soit utile à la réduction des inégalités de pension entre hommes et femmes.

Les droits conjugaux dans le système de retraite français sont l'ensemble des droits dits « dérivés », c'est-à-dire essentiellement les pensions de réversion en cas de décès et les pensions de réversion en cas de divorce.

Dans un monde idéal, les femmes devraient plutôt avoir des droits propres. Néanmoins, les dispositifs des droits dérivés ne peuvent pas être supprimés du jour au lendemain. Un objectif envisageable serait donc de renforcer progressivement les droits propres des femmes.

Dans la mesure où les femmes survivent plus souvent à leur mari, un objectif possible serait d'assurer le risque veuvage en maintenant le niveau de vie du conjoint survivant. Le système actuel permet de maintenir en moyenne le niveau de vie des veuves, mais cette moyenne cache des disparités avec des effets soit de surcompensation, c'est-à-dire que des femmes se retrouvent avec un niveau de vie plus élevé qu'avant le décès de leur conjoint, soit des pertes sensibles de niveau de vie. Cette hétérogénéité est peu justifiable.

Sans proposer de chiffrage, nous préconisons des pensions de réversion à un taux des deux tiers couplé avec un plafond de ressources dégressif en fonction de la pension. En prenant en compte la composition des revenus du ménage, ce mécanisme permettrait de maintenir le niveau de vie – et non les droits d'un point de vue matrimonial.

Dans le système actuel, les pensions de réversion ne sont offertes qu'aux personnes mariées, ce qui signifie qu'elles sont financées par la collectivité, c'est-à-dire par les couples en union libre ou pacsés. Or un objectif de maintien du niveau de vie et du risque veuvage devrait pouvoir être étendu à tous les types d'union.

Le système actuel des pensions de réversion en cas de divorce est inadéquat, car ces dernières dépendent du parcours marital de l'ex-conjoint et ne permettent pas de protéger les femmes divorcées.

Selon nous, la solution la plus efficace est le partage des droits à la retraite. Au moment du divorce, les droits acquis pendant la durée du mariage devraient être partagés entre les conjoints pour créditer à la femme des droits propres. Une fois crédités, ces droits resteraient acquis au moment du décès du conjoint.

Le partage des droits existe dans la plupart des autres pays d'Europe. Néanmoins, sa mise en oeuvre semble difficile dans le système français, caractérisé par de très nombreuses non-linéarités. Au contraire, dans les régimes complémentaires en points, par exemple, il suffit de partager les points du couple.

Une autre solution pour le partage des droits est la prise en compte, au moment de la fixation de la prestation compensatoire, des droits à la retraite. En effet, la législation actuelle prévoit que, pour fixer la prestation compensatoire, le juge prend en compte notamment la situation respective des époux en matière de pensions de retraite. Mais cela suppose que le juge comprenne la complexité de notre système de retraite actuel.

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