La loi dite « de renforcement de la sécurité des produits de santé » du 29 décembre 2011, nécessite 37 décrets d'application. Si cette loi comporte des dispositions intéressantes, elle présente néanmoins des limites sur lesquelles il sera nécessaire de revenir dans notre débat.
Sur les 37 décrets nécessaires, 29 décrets ont déjà été pris, dont 19 depuis mai 2012, et 6 sont en train de l'être. Un autre décret, portant sur les données de santé, dépendra des conclusions d'une mission que j'ai confiée à Pierre-Louis Bras, inspecteur général des affaires sociales, dont les conclusions me seront remises au mois de septembre. Par ailleurs, 12 arrêtés et une circulaire étaient nécessaires : je les ai signés. J'ai également pris une ordonnance et trois autres le seront très prochainement.
Le travail d'évaluation de cette loi représente un enjeu tout à fait important en termes de sécurité sanitaire, c'est pourquoi je veux remercier et féliciter les deux co-rapporteurs qui s'étaient par ailleurs fortement impliqués dans l'examen de ce texte et résolument engagés en faveur de la sécurité sanitaire.
L'action que le Gouvernement mène pour appliquer la loi, telle qu'elle a été votée par le Parlement, s'articule autour de six priorités.
La première d'entre elles est le renforcement des instances chargées d'évaluer la sécurité, la qualité et l'efficacité des médicaments : c'est tout le sens de la création de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Il ne s'agit pas là d'un simple changement de nom, pour cette structure qui a pris le relais de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), car cette agence s'est vue confier de nouvelles responsabilités pour mieux surveiller, pour mieux informer.
Cette agence ne fonctionne réellement, selon les nouveaux principes de la loi, que depuis six mois. Le renouvellement de son organisation et de sa gouvernance ont demandé un peu de temps. Désormais, et comme l'ont montré les crises sanitaires récentes, l'ANSM est opérationnelle et je tiens à saluer devant vous la qualité du travail qu'elle réalise au quotidien, même si nous pouvons réfléchir à la manière de toujours mieux garantir la sécurité de nos concitoyens.
La deuxième priorité est celle de la sécurisation des produits de santé. La loi a mis en place un renforcement du système de pharmacovigilance. En deux ans, plus de 110 révisions de médicaments ont été lancées en France et un programme de réévaluation des médicaments a été initié : la commercialisation de certains produits a ainsi été suspendue ou arrêtée. Parmi les 58 médicaments qui ont été réévalués, je citerai plus particulièrement Diane 35, qui nous a préoccupés cet hiver, ou, plus récemment encore, le tétrazépam (ou Myolastan).
La loi a également permis d'encadrer les prescriptions de médicaments en dehors des indications de leur autorisation de mise sur le marché (AMM). L'ANSM a ainsi reçu une trentaine de demandes de recommandation temporaire d'utilisation (RTU). La première RTU vient d'être annoncée par l'agence : elle concerne le Baclofène dans le traitement de la dépendance à l'alcool et devrait être mise en place à la rentrée.
Ce mouvement, je l'ai prolongé en renforçant encore la sécurisation des utilisations hors AMM pour des raisons économiques. J'ai ainsi soutenu, dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, le principe d'une nouvelle forme de RTU. Le décret est en cours de finalisation.
Ce sont des avancées majeures pour la sécurité des patients. Cependant, les crises récentes ont montré qu'il nous fallait aller plus loin. Je proposerai prochainement des mesures pour sécuriser encore les dispositifs médicaux, pour simplifier notre système de vigilance et pour promouvoir la notification.
La troisième priorité du Gouvernement est celle de la transparence et de l'indépendance de l'expertise.
Le crédit d'une étude ou d'une décision se mesure à l'aune de ces deux critères. S'assurer de leur effectivité, c'est là la condition de la confiance dans nos médicaments. Désormais, les responsables publics doivent publier une déclaration d'intérêts. C'est le cas, par exemple, des membres de mon cabinet et des dirigeants des agences sanitaires et des agences régionales de santé. Ces déclarations publiques d'intérêts sont disponibles sur Internet.
Dans le même temps, le décret qui instaure une charte de l'expertise dans le domaine de la santé et de la sécurité sanitaire, a été publié. Cette charte permettra de veiller aux principes d'impartialité, de transparence, de pluralité et d'indépendance de l'expertise.
Enfin, le décret dit « Sunshine Act », publié le 21 mai dernier après un important travail de concertation, permet désormais de clarifier les liens entre l'industrie et les professionnels de santé. Ce dispositif garantit la plus grande transparence possible dans l'état actuel de la loi. En effet, tout avantage d'une valeur supérieure ou égale à 10 euros sera rendu public. Ce seuil est le plus bas qui soit compatible avec la rédaction de la loi du 29 décembre 2011, comme l'a précisé le Conseil d'État. J'avais marqué ma préférence pour un seuil d'un euro, car j'estimais que tout avantage, aussi minime soit-il, méritait d'être rendu public. Mais le texte de la loi votée ne le permet pas et je le regrette. Par ailleurs, la publication des informations sera centralisée dans les meilleurs délais sur un site Internet unique. Dans l'attente de sa mise en place, ces informations seront publiées sur le site Internet des ordres professionnels concernés et sur ceux des entreprises, à partir du 1er octobre.
Dans cette bataille pour la transparence, il nous faudra encore franchir de nouvelles étapes : je pense notamment que le champ de la disposition pourrait être élargi, par exemple, aux organismes qui certifient les dispositifs médicaux. J'ai également à l'esprit le niveau du seuil visé à l'article 2.
La quatrième priorité est celle de l'accès à l'information, enjeu qui concerne aussi bien les professionnels de santé que les patients. Une large base de données sur le médicament est en train d'être créée. Une première version sera accessible à tous, dès le mois d'octobre. Elle permettra d'avoir un site unique, officiel, gratuit, exhaustif et indépendant. Cette version sera la première pierre d'un service public d'information en santé qui doit être lancé ensuite, au-delà du seul domaine du médicament.
La cinquième priorité, c'est de nous assurer du bon usage des médicaments.
Dans ce domaine, notre pays a progressé, même si nous restons dans le peloton de tête des grands consommateurs de médicaments.
Un mot sur la vente sur Internet des médicaments : comme l'imposaient la loi et les textes européens, nous l'avons autorisée, par l'ordonnance du 19 décembre 2012. Néanmoins, les médicaments ne sont pas des produits comme les autres. Il est du devoir des pouvoirs publics de garantir la sécurité de la chaîne d'approvisionnement, notamment pour combattre la contrefaçon. Il est aussi essentiel de ne pas encourager la surconsommation de médicaments. Voilà pourquoi le choix a été fait d'encadrer la vente sur Internet en mettant en place des garde-fous. Par exemple, les médicaments sous ordonnance n'y seront pas accessibles. Par ailleurs, seuls les sites Internet qui sont adossés à une pharmacie « physique » pourront vendre en ligne : les patients pourront ainsi se rendre dans une officine et échanger avec un pharmacien, si besoin. C'est également pourquoi le Gouvernement ne s'engagera pas dans l'ouverture partielle du monopole officinal, comme le suggère l'Autorité de la concurrence.
La dernière priorité vise à donner un souffle nouveau à la démocratie sanitaire. La participation des citoyens aux instances de santé est primordiale pour garantir la confiance. L'ANSM permet désormais à des représentants de patients et d'usagers d'intégrer ses instances de gouvernance, ainsi que ses groupes de travail. Je me réjouis de cette décision et je souhaite que ce mouvement se prolonge dans l'ensemble de nos instances de santé.
La réforme engagée en 2011 est une première étape importante, mais elle reste incomplète. Il nous revient ainsi de poursuivre les chantiers engagés, en centrant notre action sur le bon usage des médicaments, sur leur sécurisation, par la simplification de la pharmacovigilance et par la mise en place d'une surveillance de l'utilisation des médicaments. J'ai ainsi diligenté une mission, afin que soient étudiés les moyens d'analyser en continu les pratiques collectives de prescription. Enfin, le chantier de la sécurité des dispositifs médicaux doit être ouvert. Tous ces enjeux seront au coeur de la prochaine loi de santé publique : il nous appartient donc d'y travailler tous ensemble.