Intervention de Sylvie Pichot

Réunion du 17 juillet 2013 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvie Pichot, rapporteure :

Il nous revient de vous présenter les travaux de la mission d'information sur l'exécution des crédits de la mission « Anciens combattants » pour les années 2011 et 2012.

L'exécution de ces crédits se déroule généralement sans surprise majeure, les paramètres à prendre en compte, le nombre de bénéficiaires et le montant des prestations, n'étant pas soumis à des aléas significatifs en cours d'exécution. Tel a été le cas pour les exécutions 2011 et 2012.

Aussi, pour enrichir cette analyse budgétaire, nous avons souhaité rencontrer les principaux responsables des programmes de la mission, tels que directeur du service national, la directrice de l'Office national des anciens combattants (ONAC), le directeur de la mémoire du patrimoine et des archives ou encore le directeur de l'Institution nationale des Invalides (INI) mais aussi les associations d'anciens combattants. Nous nous sommes également rendus en Algérie pour comprendre comment fonctionnait le service des anciens combattants sur place – et nous avons été surpris par son niveau très élevé d'activité.

Nous avons choisi, après l'analyse de l'exécution des crédits des années 2011 et 2012 de consacrer une partie de notre rapport au dispositif d'indemnisation des victimes des essais nucléaires, à l'avenir de l'Institution nationale des Invalides et à la réforme de l'Office national des anciens combattants.

Examinons tout d'abord l'exécution des crédits.

Conformément à la programmation triennale des finances publiques pour les années 2011 à 2014, les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » ont suivi une trajectoire régulière de baisse au cours des années 2011 et 2012.

Cette baisse est le corollaire, d'une part, de la diminution du nombre de bénéficiaires des pensions militaires d'invalidité et de la retraite du combattant et, d'autre part, de la diminution des effectifs de la direction du service national. Elle n'a cependant pas empêché l'augmentation du montant de certaines prestations.

Hors dépenses de personnel, les dépenses du programme 167 « Liens entre la nation et son armée » se sont élevées à 32,8 millions d'euros en 2012, soit 5 % de plus que prévision de la loi de finances initiale pour 2012, 31,2 millions d'euros. Ces dépenses sont presque stables car elles n'ont augmenté que d'1 % par rapport à 2011.

Ces crédits financent l'organisation de la Journée défense et citoyenneté ainsi que la politique de mémoire, notamment la commémoration du centenaire de la Grande Guerre.

Concernant le programme 169, qui finance les pensions militaires d'invalidité et la retraite du combattant, les dépenses sont également très proches de la prévision puisque 2 909,8 millions d'euros ont été exécutés en 2012, soit légèrement en dessous de la prévision, qui était de 2 914,6 millions. Elles sont en diminution de 3,5 % par rapport à 2011.

Les annulations de crédits pendant l'année 2012 ont été une nouvelle fois importantes : 37,6 millions d'euros, dont 24,60 millions destinés à abonder les crédits de la mission « Défense » pour couvrir les dépenses de personnel et de carburants. Cela n'a cependant pas nui au versement des différentes prestations prévues par ce programme.

Les dépenses liées à la retraite du combattant se sont élevées en 2012 à 815,6 millions d'euros, soit 1,6 % de plus que la prévision, qui était de 802,5 millions d'euros. Cette augmentation est due principalement, malgré la baisse des effectifs, au passage de 44 à 48 points au 1er juillet 2012. Le coût budgétaire théorique de cette mesure en année pleine est de 72,38 millions d'euros.

Conformément aux amendements parlementaires à la loi de finances, le Gouvernement a remis au Parlement plusieurs rapports.

L'un fait le point sur la situation, souvent évoquée ici, des veuves des plus grands invalides de guerre et sur les pistes envisagées pour augmenter le niveau de leurs pensions à proportion de celles touchées par leurs époux. Il a estimé à 44 millions le coût d'une telle mesure, ce qui nous semble un peu exagéré, compte tenu du faible nombre de veuves concernées : le rapport les estime à 8 000 alors qu'elles sont vraisemblablement moins nombreuses. C'est un sujet sur lequel notre commission devra se pencher à l'avenir.

L'autre rapport étudie la possibilité d'étendre l'aide différentielle aux conjoints survivants aux résidents étrangers. Le coût potentiel de cette mesure est prohibitif : 55 millions d'euros. Ce n'est donc pas envisageable pour l'instant mais cela ne doit pas nous faire oublier la fragilité juridique du dispositif actuel, servi aux seuls ressortissants français.

Venons-en à présent aux trois thèmes que nous avons choisis cette année.

Plus de trois ans après son entrée en vigueur, le dispositif d'indemnisation des victimes des essais nucléaires français n'a pas répondu aux attentes qu'il avait suscitées : 11 indemnisations seulement ont été versées pour moins de 300 000 euros au total, sur 800 dossiers reçus, alors que 30 000 personnes sont potentiellement concernées et que 10 millions d'euros sont inscrits chaque année.

Nous avons rencontré les associations de victimes et avons pu mesurer leur souffrance et leur sentiment d'être injustement oubliées. Seul 1 % des dossiers déposés auprès du Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) ont été indemnisés.

Nous avons également rencontré le CIVEN qui nous a expliqué ses méthodes d'analyse des dossiers, notamment l'appréciation de la « présomption de causalité », que les associations souhaiteraient voir appliquer de façon automatique. Les membres du CIVEN sont également surpris par le faible nombre de dossiers déposés.

Que faire ? La situation semble aujourd'hui bloquée. Tout le monde s'accorde à dire que quelques centaines, au maximum quelques milliers, de personnes devraient pouvoir être indemnisées. Le Gouvernement a déjà élargi la liste des maladies radio-induites et les zones géographiques ouvrant droit à indemnisation sans que cela aboutisse à des résultats significatifs.

Nous pensons qu'il faut d'abord rétablir le dialogue avec les victimes. Pour cela, le CIVEN doit sortir de sa position d'attente et, avec l'aide des services du ministère de la Défense, aller chercher, grâce aux archives dont il dispose, les dossiers des travailleurs fortement irradiés pour leur proposer, le cas échéant, une indemnisation. Cela témoignerait d'une volonté politique forte de sortir du blocage constaté.

Concernant les populations, le CIVEN devrait se rendre en Polynésie et en Algérie pour les rencontrer et expliquer ses méthodes de travail.

Faut-il également, comme le demandent les associations et certains parlementaires, supprimer le calcul de causalité de probabilité et mettre en place une indemnisation automatique, sans analyse individuelle des dossiers ?

Nous estimons ne pas disposer d'assez d'éléments pour nous prononcer sur ce sujet et attendons les résultats de l'audit interne demandé par le ministre de la Défense à l'Inspection générale des affaires sociales et au Contrôle général des armées ainsi que le rapport demandé au Gouvernement par le Parlement par un amendement à la loi de finances pour 2013.

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