Je voudrais tout d'abord avoir une pensée pour les six militaires français, un officier et six sous-officiers, tués dans l'accomplissement de leur mission au service de la France.
Le feu a été engagé le 11 janvier 2013 sur ordre du Président de la République, dans le cadre de ses prérogatives de chef des armées, telles que prévues par l'article 15 de notre Constitution. Dès le 15 janvier, le bureau de notre commission a décidé de créer une mission d'information sur l'opération Serval au Mali, qui s'inscrit pleinement dans son rôle de contrôle et d'évaluation.
Je remercie les membres de cette mission, dont huit se sont rendus au Mali, qui ont tous participé activement à cette mission. Notre programme de travail a été chargé, avec plus de dix-huit auditions et un déplacement au Mali du 23 au 28 avril 2013 pour rencontrer les militaires français en opération et se déplacer sur le terrain afin de mieux appréhender les conditions concrètes de leur engagement. Pour ma part, je me suis déplacé, dans le cadre d'une session nationale de l'Institut des hautes études de la défense nationale (IHEDN), en Côte d'Ivoire, où se déroule l'opération Licorne, au Ghana et au Togo, premier pays à avoir déployé une partie de ses troupes au Mali dès le 13 janvier.
Ce rapport, publié à la veille de la prochaine loi de programmation militaire, est attendu et je mesure toute son importance. Je rappelle également que, le 22 avril 2013, l'Assemblée nationale a autorisé, par un vote unanime, la prolongation de l'intervention des forces françaises au Mali, pays ami avec lequel nous partageons une langue commune et dont environ 80 000 ressortissants résident en France, témoignant ainsi d'une vraie cohésion nationale.
Au terme des travaux de la mission, il apparaît en premier lieu que la France est intervenue légitimement au profit d'un État faible de la zone instable du Sahel et qu'elle a su, malgré d'importants défis, y remporter une victoire militaire indéniable et montrer sa détermination à lutter contre le terrorisme.
La France s'est très tôt impliquée dans la résolution de la crise malienne, suivant une recommandation du Livre blanc de 2008 selon laquelle le bassin sahélo-saharien présente un intérêt stratégique pour la France. Le Livre blanc de 2013 reprend d'ailleurs largement cette analyse puisqu'il confirme que le Sahel demeure une zone d'intérêt prioritaire pour la France et analyse les « risques de la faiblesse ».
Il faut en effet se souvenir que l'État malien était fragile de longue date - en proie à de fréquents coups d'État depuis son indépendance en 1960 -, que ce pays grand comme deux fois et demi la France – avec 1 400 kilomètres entre sa capitale et les zones de combat – était devenu une zone de trafics en tout genre et que des groupes armés djihadistes avaient défait le mouvement de rébellion touareg de 2012 revendiquant leur indépendance.
C'est l'offensive imprévue de trois groupes djihadistes (AQMI, MUJAO et Ansar Eddine) qui a précipité l'intervention française, intervention qui, dois-je le rappeler, s'appuie sur une base juridique incontestable, puisqu'elle répond à une demande d'aide formulée par le Président du Mali et qu'elle s'inscrit dans le cadre de l'article 51 de la Charte des Nations unies relatif à la légitime défense.
Les objectifs poursuivis par la France ont tout de suite été clairement énoncés : arrêter l'avancée des groupes terroristes descendant vers Bamako ; préserver l'existence de l'État malien et lui permettre de recouvrer son intégrité territoriale ; favoriser l'application des résolutions internationales.
Bien que certains en doutaient au début, l'opération Serval est une réussite militaire. Une parfaite maîtrise du feu a de plus évité des dégâts collatéraux, toujours possibles dans ce type de conflit. La devise de la Brigade Serval est « Un seul but, la victoire » : cette dernière est désormais militairement acquise, grâce à l'aide de forces africaines.
Par rapport à l'intervention en Afghanistan, où elle intervenait à côté de quarante-sept nations et sous la conduite des États-Unis, la France a joué au Mali un rôle de « leader » et a démontré sa capacité à entrer en premier sur un théâtre.
L'opération Serval a réussi à surmonter des défis considérables : climatique, logistique mais aussi médiatique. J'ai été personnellement impressionné par l'audition de la Délégation à l'information et à la communication de la défense (DIcOD), qui a bien mis en évidence le rôle crucial de la communication militaire.
L'objectif était de reconquérir l'intégrité territoriale du Mali et de détruire le potentiel de combat des groupes armés djihadistes (GAD) ; c'est désormais chose faite. La France a permis au Mali de retrouver une forme d'indépendance et il faut désormais que ce pays puisse s'assumer seul, avec d'abord l'organisation d'élections.
S'il est fréquent d'entendre des critiques sur l'état de notre armée, parfois reprises par les chefs d'état-major eux-mêmes, plusieurs équipements et matériels ont fait, au cours de cette opération, la démonstration de leur haut niveau de technicité, qu'il s'agisse du véhicule blindé de combat d'infanterie (VBCI), de l'hélicoptère Tigre, qui a montré toute sa puissance de feu, du canon Caesar, dont quatre ont été engagés dans l'Adrar des Ifoghas ou des Rafale et des Mirage 2000, qui ont réalisé un travail quasi chirurgical, avec des outils performants comme les pods de reconnaissance et les munitions de précision, sans oublier la Marine nationale dont le bâtiment de projection et de commandement (BPC) Dixmude a amené de Toulon toute une logistique indispensable. Tout cela montre la cohérence globale de nos choix capacitaires et de la complémentarité de nos moyens interarmées.
Toutefois, si la France a su entrer en premier sur un théâtre d'opération distant de plus de 4 000 kilomètres de la métropole, l'opération Serval a été menée avec l'aide de nos alliés naturels, américains – transport aérien, ravitaillement en vol, et qui ont en outre apporté une aide de 50 millions de dollars –, canadiens – transport stratégique –, allemands – transport aérien et groupe médical –, belges – transport aérien tactique et moyens d'évacuation sanitaire –, danois – transport aérien –, espagnols –transport aérien –, hollandais – transport aérien –, britanniques – transport maritime et aérien – et polonais – démineurs et munitions –. L'Europe de la défense a su être présente et il convient donc de remercier nos alliés et partenaires européens.