Intervention de Andreas Kortenkamp

Réunion du 17 juillet 2013 à 15h00
Commission des affaires européennes

Andreas Kortenkamp :

Relativement aux perturbateurs endocriniens, la France a présenté un certain nombre de suggestions productives.

J'ai en main des cartes qui décrivent l'évolution de l'incidence des cancers du testicule, en Scandinavie, depuis 1970 : à mesure que le temps passe, le nombre de cancers du testicule y est de plus en plus élevé – notamment en Norvège et en Finlande –, au point de connaître une multiplication par dix en trente ans.

Cela ne s'explique ni par l'amélioration des diagnostics, ni par des facteurs génétiques, mais uniquement par des facteurs environnementaux. Une étude menée sur des migrants le démontre : en une ou deux générations, le taux de cancer du testicule sur les populations suivies se rapproche de celui constaté globalement dans le pays hôte. Les facteurs d'explication sont donc locaux et environnementaux, mais nous ne le connaissons pas de manière certaine.

Parallèlement, en Europe de l'Est, apparaissent des épidémies d'autres cancers d'origine hormonale, comme le cancer du sein. Les cas de malformation du pénis, chez le jeune garçon, sont en recrudescence. De même, dans certaines régions du monde, la fécondité des hommes comme des femmes chute. L'obésité se répand également. La charge de morbidité liée aux systèmes endocriniens se développe un peu partout mais l'on en ignore la cause.

Des études sont menées sur des animaux de laboratoire afin de mettre en évidence le rôle de telle ou telle substance chimique sur les hormones, qui jouent un rôle important, puisqu'elles régulent l'organisme et programment le développement.

J'en viens à la différence entre les « perturbateurs endocriniens » et les « substances actives sur le système endocrinien ». Le développement des organes sexuels du jeune garçon intervient pendant la grossesse. Si, durant les trois premiers mois d'une grossesse, certaines hormones mâles viennent à manquer, le garçon aura des signes de féminisation – la trajectoire par défaut étant celle qui conduit l'embryon à évoluer en fille – et subira des malformations à l'âge adulte. Or certaines substances chimiques influent sur les hormones sexuelles mâles au cours de la grossesse. Ainsi, les « perturbateurs endocriniens » troublent la progression des hormones mâles pendant la grossesse tandis que les « substances actives sur le système endocrinien » sont de nature plus classique. La confusion entre ces deux termes a été introduite par certains cercles, afin de semer le doute.

Je précise qu'il est faux de parler de controverse dans le monde scientifique. Les chercheurs ont en effet dégagé un consensus, comme en témoignent le rapport de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) de début 2013, le rapport de l'Agence européenne pour l'environnement (AEE), le rapport de la Société d'endocrinologie des États-Unis, ainsi que le bilan de l'Institut pour l'environnement de la Brunel University. Tous parviennent aux mêmes conclusions mais il est vrai que certains cercles souhaitent semer le doute et alimentent la controverse.

À titre d'exemple, la mise en garde contre le « recours de précaution abusif », est proprement scandaleuse. Elle vise à induire en erreur et n'a aucune justification scientifique.

La définition des perturbateurs endocriniens a été établie par l'OMS et n'est sujette à aucune controverse. La dose crée-t-elle le poison ? Cela fait débat. L'effet est indéniable si une exposition aux perturbateurs a lieu durant la phase critique de la grossesse. Il existe un consensus sur cette « fenêtre de vulnérabilité », c'est-à-dire la période durant laquelle les effets de l'exposition seront nocifs.

L' » effet cocktail » existe et n'est pas sujet à débat. C'est la toxicité des produits chimiques qui permet d'en déduire les effets combinés.

Je souhaiterais également dénoncer plusieurs mythes et contrevérités qui ont circulé à propos des perturbateurs endocriniens.

Tout d'abord, certains cercles intéressés font valoir le fait qu'une action concertée de la Commission européenne dans ce domaine serait synonyme d'interdiction de tout type de substance d'origine chimique. C'est totalement inexact : l'interdiction des substances chimiques ne concerne que celles impliquées dans la perturbation endocrinienne.

Second mythe, la mise en place d'une étude de risques. Il faudrait autoriser l'introduction des substances chimiques dans l'eau, l'environnement, la nourriture puis procéder à une évaluation. Le règlement de l'Union européenne relatif aux produits phytosanitaire, par exemple, interdit clairement la mise sur le marché des substances mutagènes, toxicologiques pour le système reproductif et cancérigènes, ainsi que celles susceptibles d'induire des perturbations endocriniennes. L'interdiction des substances cancérigènes n'est pas sujette à controverse : il n'est pas procédé à une étude de risques ; une fois établi le profil toxicologique d'une substance donnée et son caractère cancérigène avéré, elle n'obtient pas l'autorisation de mise sur le marché. Il en va de même de la législation relative aux perturbateurs endocriniens.

Certains cercles intéressés, mécontents, font valoir le fait que tous les pesticides seraient bientôt interdits aussi devrait-on procéder à une analyse des risques en fonction des effets induits. Cette analyse porterait clairement préjudice à la volonté politique du législateur européen d'interdire l'utilisation de certains pesticides, eu égard à leur rôle de perturbateurs endocriniens.

Enfin, le règlement européen serait trop prudent, car il ne se fonderait pas sur l'ensemble des éléments scientifiques en provenance des agences compétentes au sein de l'Union européenne dans ce domaine.

Un rapport récent de l'Institut supérieur pour la protection et la recherche environnementales italien (ISPRA) souligne le consensus entre les différentes autorités compétentes d'Europe à ce sujet. L'analyse erronée que j'évoquais n'est donc portée que par ceux qui ne connaissent pas véritablement le fond du sujet.

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