Intervention de Jean-Ludovic Silicani

Réunion du 11 juillet 2012 à 10h30
Commission des affaires économiques

Jean-Ludovic Silicani, président de l'ARCEP :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de m'avoir invité à m'exprimer devant vous. Je serai, comme j'en ai l'habitude, franc et transparent avec vous, car il est essentiel que le Parlement soit parfaitement éclairé face à des informations souvent contradictoires, données par les acteurs, les commentateurs et la presse, et parfois, ces derniers mois, empruntes d'esprit polémique. J'ai toujours préféré la raison à la passion, peut-être est-ce un reliquat de ma formation scientifique, d'origine.

Le moment est très important pour le secteur des communications électroniques à un triple titre. C'est une période de transition entre l'achèvement des réseaux classiques que nous utilisons aujourd'hui encore pour l'essentiel et l'émergence de nouveaux réseaux qui donnent de réelles perspectives de développement de l'activité, des investissements et de l'emploi : il s'agit là d'une bonne nouvelle pour le futur proche. C'est aussi le moment où arrive le 4ème opérateur mobile. Enfin, ce secteur, comme tous les autres, est marqué par la situation économique morose que connaissent l'Europe et donc notre pays.

Dans ce contexte, le rôle du régulateur est important mais il s'inscrit dans un cadre plus large : celui de l'action publique menée par le Parlement et le Gouvernement, qui ont un rôle considérable et, bien sûr, s'agissant du Parlement, le rôle principal. Je crois, et c'est quelque chose que je n'ai véritablement perçu qu'au bout d'un certain temps, que les Gouvernements successifs ont pensé, depuis la création de l'Autorité, que l'existence d'un régulateur suffisait à assumer l'ensemble des politiques publiques dans le secteur des télécommunications. Je crois que c'est une erreur. Le régulateur a un rôle technico-économique, précisé par le cadre communautaire et la loi, qu'il essaie d'assumer le mieux possible – et, vous l'avez dit, je crois que nous sommes une référence en Europe en matière de régulation avec l'OFCOM, le régulateur anglais. Mais il existe tout un espace politique qui relève du Gouvernement et du Parlement qui doit être mieux occupé. Je pense aux aspects fiscaux, aux aspects industriels, au soutien à l'innovation, aux missions régaliennes, qui existent dans ce secteur. Tous ces sujets relèvent du Gouvernement et du Parlement. Le régulateur n'a pas vocation à épuiser tout l'espace de l'action publique sur ce secteur. Or, comme le régulateur a été souvent seul en première ligne, il a parfois, pour faire simple, pris des coups qui auraient dû s'adresser à d'autres.

Je vous propose, après avoir dressé un panorama du secteur, de faire le point sur les principaux chantiers qui vont occuper l'ARCEP au cours des prochains mois, puis sur le sujet le plus d'actualité, l'entrée de Free sur le marché. J'ai bien noté, aussi, monsieur le président, les autres points que vous m'avez indiqués.

Il est toujours utile de jeter un coup d'oeil dans le rétroviseur. Le secteur des communications électroniques a connu une croissance ininterrompue pendant près de 15 ans. Il générait 23 milliards d'euros de revenus en 1998, 41 milliards 14 ans plus tard, c'est-à-dire 60 % de plus alors que le PIB n'a cru que de 25 % durant cette période. De nouveaux services sont apparus, comme l'accès au haut débit (et demain au très haut débit) qui représente désormais 9 milliards d'euros pour 22 millions d'accès, soit un des taux de pénétration les plus élevés du monde (73 % de la population fin 2011). Depuis 2 ans, sur le marché mobile, le volume de données acheminées – ce qu'on appelle la data – a quadruplé et cette croissance va encore s'accélérer avec l'ouverture très prochaine des services à très haut débit mobile sur la 4G, annoncée dès 2013 par les opérateurs qui ont déjà lancé des expérimentations.

Ces éléments de contexte étant rappelés, j'en viens aux grands chantiers sur lesquels l'Autorité est mobilisée. Le premier est celui du passage du haut au très haut débit. La France a été l'une des championnes du haut débit : sur les réseaux fixes, l'ADSL a été, grâce notamment au dégroupage, une grande réussite, qui a permis de faire apparaître des opérateurs alternatifs disposant d'une réelle maîtrise de leur infrastructure et capables d'innover. A cet égard, j'éprouve parfois quelque surprise d'entendre certains opérateurs alternatifs se plaindre de la régulation. Sans régulation, il n'aurait pu y avoir ni opérateurs alternatifs (SFR, Bouygues Telecom, Free), ni MVNO, ni les conséquences positives que l'on connaît en termes d'activité et d'emploi. Je voulais rappeler cette évidence perdue de vue par certains.

Aujourd'hui, 99 % des foyers peuvent accéder au haut débit, 70 % disposent d'un débit suffisant pour accéder au triple play – une invention française – sur ADSL et la France occupe la troisième place en Europe en termes de taux de pénétration du haut débit, devant tous les autres grands pays comparables. Contrairement à ce que l'on entend, elle dispose aussi désormais en Europe, comme l'a confirmé une étude de l'IDATE récemment, du plus grand nombre de logements éligibles au très haut débit : environ 5,4 millions soit environ 20 % des foyers, évidemment par les différentes technologies que sont le FttH et les réseaux câblés boostés par la fibre optique.

Ce qui a été réalisé sur le haut débit doit désormais l'être pour les réseaux à très haut débit fixe et mobile. Pour les réseaux mobiles 4G, les conditions nécessaires me semblent réunies. Les enchères menées par l'ARCEP, au cours de l'automne 2011, ont été un plein succès. La recette pour l'Etat s'est élevée à 3,6 milliards d'euros…

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