…C'est vrai, même si ensuite les opérateurs doivent verser des redevances annuelles, qui sont cependant d'un niveau moindre. Les lauréats de l'appel à candidatures ont tous souscrit un engagement de couverture de 95 % de la population de chaque département, qui vient s'ajouter à des obligations déjà très ambitieuses : la couverture de 99,6 % de la population nationale et l'obligation, pour la première fois, de couvrir, en parallèle des grandes villes, une zone prioritaire représentant 63 % de la surface du territoire mais seulement 18 % de la population, essentiellement rurale. Cette zone devra être couverte avant les autres. Nous avons donc inversé la logique du marché, qui est de couvrir d'abord les zones les plus denses. Pour simplifier et imager cette obligation qui figure dans les licences, elle correspond à l'idée suivant laquelle chaque fois qu'un opérateur installe une station dans une zone dense, il doit installer au moins une station en zone moins dense. Par ailleurs, un mécanisme a été fixé dans les appels à candidatures et se retrouve dans les licences accordées afin non seulement de permettre mais d'encourager les opérateurs à mutualiser leurs réseaux, précisément dans cette zone la moins dense et la moins rentable, afin de réduire les coûts. Vous voyez que nous ne sommes pas des idolâtres de la concurrence par les infrastructures : cette forme de concurrence a été utile au début de la régulation mais nous l'avons beaucoup tempérée au cours des dernières années. Les opérateurs ont déjà confirmé leur intention de déployer rapidement, ce qui montre que la 4G constitue un important facteur de différenciation. Lorsqu'on parle franchement avec eux, ils affirment que la 4G sera le moyen de revenir dans un cycle de croissance et d'avoir des revenus supplémentaires, ce qui facilitera les investissements.
Sur les réseaux fixes à très haut débit, il était important de pouvoir s'appuyer sur le succès français que représentait le dégroupage en jouant sur les mêmes ressorts vertueux, en particulier la volonté de plusieurs opérateurs, au-delà de l'opérateur historique, d'investir. Nous avons organisé, hier, une réunion d'échange et de travail avec de grands élus, parlementaires, présidents d'associations de collectivités territoriales. Il existe une grande attente sur ce sujet de la 4G.
Nous avons aujourd'hui une coïncidence entre les attentes de la population et des élus et la volonté des opérateurs de déployer. On peut penser que cette arrivée rapide, dès 2013, du très haut débit mobile, y compris en zone peu dense, va donner le goût du très haut débit à nos concitoyens ainsi qu'aux entreprises qui sont sur ces territoires. Aujourd'hui, la fibre arrive à proximité, je l'ai dit, de plus de 5 millions de logements, mais seuls 10 % des ménages s'abonnent : la question qui se pose est de savoir comment passer de foyers éligibles à des foyers abonnés. Une des explications est la qualité de l'ADSL, le haut débit : le triple play français est efficace. Il arrive souvent, dans les secteurs innovants, que la qualité d'une étape entrave le développement de l'étape suivante : c'est la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui. Il faut donner un appétit pour le très haut débit en montrant les services auxquels cela correspond : services individuels, comme l'accès aux images ou aux données ; services collectifs comme l'éducation, la santé, les transports. C'est par la démonstration concrète de ce que peut apporter le très haut débit mobile que nous donnerons à nos concitoyens l'envie de s'abonner au très haut débit fixe.
Sur le très haut débit fixe, nous avons aujourd'hui largement tempéré la concurrence par les infrastructures en fixant un cadre réglementaire, pour 95 % du territoire, favorisant la mutualisation des réseaux. Pour ces 95 % du territoire national, 90 % de l'investissement sera mutualisé. C'est un taux particulièrement élevé et je crois que vous comprendrez qu'il est difficile d'aller au-delà. En dehors des zones très denses (5 % du territoire) où la concurrence pour l'accès aux immeubles est possible, il y aura un seul réseau, avec un mécanisme de co-investissement public et privé, et ouvert à tous les acteurs pour la commercialisation des services. Cela permettra d'économiser de l'argent, d'investir plus vite et de déployer plus rapidement sur l'ensemble du territoire. Ainsi, dans les zones semi-denses, ces réseaux pourront être ceux des acteurs privés ou des acteurs publics : il n'y a pas de monopole sur les déploiements fixes. Dans les zones les moins denses, ce seront vraisemblablement des réseaux publics. Il importe donc que le fonds d'aménagement numérique prévu par la loi Pintat soit créé et abondé, afin d'assurer une solidarité et une péréquation territoriales.
Comme vous le voyez, la complémentarité des interventions public-privé est la clef pour ce chantier national, qui s'étendra sur une quinzaine d'années. Il est crucial, pour le maintien de notre compétitivité, que ce soit une réussite. Mais c'est un chantier de longue haleine, une course de fond. Il implique, comme nous le disons à l'ARCEP depuis deux ans, et je suis content de voir que c'est devenu quelque chose de consensuel, un pilotage national : on ne peut pas imaginer que, par génération spontanée, l'addition des initiatives publiques et privées réalise in fine un réseau national cohérent. Il a fallu quinze ans, à la fin du 19ème siècle, pour que le Parlement français élabore un plan national pour les chemins de fer ; peut-être irons-nous plus vite pour la fibre optique…
Je souhaiterais également évoquer une question à laquelle les élus sont très sensibles, la qualité de service, sujet dont s'est saisie de longue date l'ARCEP, à la demande du Parlement, mais qui est revenue récemment dans le débat public, d'abord avec Free Mobile puis avec la panne d'Orange vendredi dernier. La qualité du service fourni par les opérateurs est une question essentielle : d'abord parce que cette qualité est déterminante pour des services qui, on l'a vu la semaine dernière, constituent désormais l'un des moyens du fonctionnement normal de notre économie et plus largement de notre société ; ensuite, parce qu'ils représentent un facteur de différenciation entre opérateurs et apportent ainsi une incitation à toujours mieux faire. Cela ne nous prémunit pas contre les défaillances, comme on l'a vu vendredi.
A cet égard, je voudrais apporter les précisions suivantes sur la panne de France Télécom. Je crois qu'il faut être très clair et nous le repréciserons publiquement prochainement.
Il faut bien distinguer plusieurs aspects : la responsabilité de la prévention des risques de défaillance et de leur traitement relève du Gouvernement, en l'occurrence du ministre de l'intérieur et du ministre chargé des communications électroniques épaulé par le haut fonctionnaire de défense et de sécurité. Il était donc tout à fait légitime que le Gouvernement se saisisse en premier lieu de la question. La transposition des directives de 2009 a encore renforcé la compétence du ministre chargé des télécoms en lui donnant la possibilité de se faire communiquer par les opérateurs, en amont, les dispositions qu'ils prennent pour sécuriser leurs réseaux. Le ministre chargé des télécoms peut aussi édicter des prescriptions particulières s'appliquant aux opérateurs dans ce domaine. Le projet de décret, dont Mme Fleur Pellerin a parlé récemment, en cours d'adoption et qui a reçu un avis favorable de l'ARCEP, permet en outre au ministre chargé des télécoms d'imposer des audits de sécurité. Lorsqu'un évènement comme celui de vendredi survient, l'opérateur est tenu d'informer le Gouvernement - en l'occurrence le centre opérationnel de gestion interministérielle des crises placé auprès du ministre de l'intérieur – puis de lui rendre un rapport détaillé sur l'incident et ce qui l'a causé. Le ministre de l'intérieur est alors chargé de prévenir le ministre chargé des communications électroniques. Dans ce cas de figure, la loi ne permet à l'ARCEP que d'intervenir a posteriori, soit de sa propre initiative, soit à la demande du Gouvernement, afin de vérifier que l'opérateur en cause a bien rempli ses obligations. Comme pour tout manquement éventuel d'un opérateur à ses obligations, l'Autorité a la faculté, après mise en demeure, de prononcer une sanction. Cette procédure qui peut conduire à une mise en demeure, voire à une sanction, qui ne valent que pour l'avenir, comme l'a rappelé une décision du Conseil d'Etat de la semaine dernière, pourra être utilisée par l'ARCEP.
Dès que nous avons eu connaissance de cet incident – par le web, le président de France Télécom m'ayant appelé le lendemain matin pour s'excuser de ne pas nous avoir prévenus la veille -, des équipes de l'ARCEP ont été mobilisées afin de suivre de près ce qui se passait. Depuis lundi, l'analyse de cet incident, qui a mis en cause les conditions d'accessibilité et de disponibilité du service prévu par le code des postes et des communications électroniques, est faite en collaboration entre les équipes de l'ARCEP, du ministère et de France Télécom. L'ARCEP prendra connaissance du rapport que France Télécom doit remettre prochainement au Gouvernement. Enfin, nous auditionnerons la semaine prochaine le président de France Télécom. Nous prendrons ensuite les mesures nécessaires.