Au sujet de la neutralité des réseaux, je vous invite à prendre connaissance du rapport complet que l'ARCEP remettra très prochainement au Parlement, à sa demande. Sur ce sujet, nous sommes à la disposition des députés qui suivent habituellement ces questions, pour une réunion de travail consacrée spécifiquement à ce sujet.
En ce qui concerne la panne du réseau Orange, j'ai été conduit à rappeler les rôles respectifs de chacun. Mais cela me conduit à faire une remarque plus générale. Il y a un véritable problème dans notre pays : lorsqu'une administration applique la loi, certains le lui reprochent parce que cela cause du tort à x ou à y. Nous appliquons la loi, que cela fasse plaisir ou pas aux acteurs, mais nous n'appliquons que la loi : il n'est pas question de nous introduire sur des sujets qui ne sont pas de notre compétence. Le Gouvernement est compétent en matière de sécurité des réseaux : il est normal qu'il soit en première ligne. L'action préventive est assurée par le haut fonctionnaire de défense relevant du SGDSN et placé auprès du ministre concerné, qui dialogue avec les opérateurs afin de veiller à ce que les réseaux fonctionnent bien et qu'ils soient protégés contre les incidents ou les attaques. En situation de crise, comme je l'ai rappelé, c'est le Gouvernement qui est en première ligne. L'ARCEP ne peut intervenir qu'ex post. C'est au Parlement de réfléchir à une évolution de cette répartition des rôles.
Nous intervenons en revanche en continu pour contrôler la qualité de service, comme nous le faisons deux fois par an, ce qui va donner lieu, comme je l'ai dit, à un rapport public à l'automne. Je signale que dans ce prochain rapport sur la qualité de service, nous avons souhaité traiter en parallèle la question de la couverture et celle de la qualité du service, afin de mettre en évidence leur lien et leur complémentarité. Nous vérifions que les obligations de couverture prévues dans les licences sont respectées. Nous l'avons déjà fait deux fois pour l'opérateur Free depuis le début de l'année. A cet égard, j'observe qu'un certain nombre d'opérateurs qui avaient déclaré, y compris devant cette commission, que les mesures faites par l'ARCEP étaient inexactes ont changé d'avis et déclarent qu'ils n'avaient jamais énoncé un tel jugement. Je pense que cela montre bien que l'administration de l'Etat que nous sommes est la plus compétente pour savoir quelle est la définition de la couverture réglementaire, que des opérateurs qui sont à la fois juge et parties. Dans notre rapport, nous repréciserons ce qu'on entend aujourd'hui par « couverture » dans les licences – et il s'agit d'une définition européenne – ainsi que la manière dont cette définition pourrait évoluer, dans des limites raisonnables, et pour les futures licences, car on ne peut pas donner un effet rétroactif à cette éventuelle modification. Ensuite, nous ferons des mesures de couverture et de qualité de services, pour tous les opérateurs. Pour Free, nous effectuerons ces mesures à la fois sur son réseau propre et en itinérance. Nous sommes bien conscients qu'il s'agit de sujets importants.
Le volet concernant la transparence et la fluidité des marchés est déterminant pour les utilisateurs. A cet égard, il me semble que le volet télécom du projet de loi qui avait été examiné par le Parlement à la fin de la dernière législature paraissait assez équilibré. Il faut en effet éviter, à la fois, des demandes excessives venant des consommateurs, mais il ne faut pas non plus tomber dans l'excès inverse en affirmant que toute amélioration de la situation des consommateurs est néfaste.
Pour terminer sur la question de la panne, nous attendons le rapport de France Télécom et l'audition de M. Stéphane Richard, la semaine prochaine, et, à la lumière des informations supplémentaires que nous aurons obtenues, nous pourrons nous faire une appréciation sur ce qui s'est passé. Nous savons déjà que cette panne a été causée par le dysfonctionnement d'un logiciel du coeur de réseau fourni par Alcatel-Lucent, sur un réseau de signalisation qui donne l'indication de la localisation des messages transmis. Lorsque ce réseau se dérègle, toutes les informations deviennent fausses et le réseau tombe en panne. Nous allons voir ce qui peut être fait pour éviter que de tels évènements se reproduisent à l'avenir.
Je répète qu'en vertu de la loi, nous ne pouvons prononcer des mesures impératives qu'a posteriori. Le directeur général de l'ARCEP peut prononcer des mises en demeure et le collège de l'ARCEP des sanctions. Nous devons prendre des mesures lorsque la situation l'exige : quelques mois après mon arrivée, nous avons d'ailleurs mis en demeure les opérateurs mobiles de respecter leurs obligations de déploiement concernant les réseaux 3G. Mais, comme l'a rappelé un arrêt du Conseil d'Etat de la semaine dernière, nous ne pouvons intervenir que pour l'avenir et sommes impuissants pour le passé. Si les règles constitutionnelles et européennes le permettent, il pourrait être judicieux de nous donner la possibilité d'intervenir pour le passé.
En ce qui concerne la mutualisation, je comprends très bien l'impatience des élus, face aux délais de déploiements, particulièrement dans les zones les moins denses. Quand j'évoquais, tout à l'heure, le développement de la mutualisation et que je soulignais que la régulation la favorisait, cela concernait les nouveaux réseaux à très haut débit : fibre optique et 4G. Pour les réseaux classiques (3G, haut débit), le cadre adopté au début des années 2000 l'a été dans une logique de déploiement plus concurrentiel. Toutefois, une mesure très importante a été prise afin de réduire les investissements : en 2008, l'ARCEP a obligé France Télécom à ouvrir ses fourreaux à tous les opérateurs. La mesure paraît naturelle mais lorsque j'ai rencontré mon homologue américain de la Federal Communication Commission, il y a un an à Paris, celui-ci m'a indiqué qu'il n'avait jamais réussi à imposer la même obligation à l'opérateur puissant et que le Congrès l'en avait empêché. La mutualisation des réseaux 4G, je l'ai dit, est encouragée, et des objectifs de couverture très précis ont été assignés : 95 % de la population de chaque département devra être couverte dans un certain délai. Il ne paraît pas possible d'aller plus loin en fixant des obligations infra-départementales…