Intervention de Jean-Marc Germain

Réunion du 16 juillet 2013 à 18h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Marc Germain, rapporteur pour avis :

Cette proposition de loi fait suite à de nombreux textes déposés depuis le début du quinquennat en vue de refonder le capitalisme. Chacun en a fait le constat, la crise qui a éclaté en 2008 est une crise profonde, une crise systémique, qui vient de ce que la finance a pris le pas sur l'économie réelle. Le Gouvernement et la majorité se sont engagés sur plusieurs fronts pour redonner du sens au capitalisme et remettre la finance au service de l'économie : d'où, notamment, la loi de séparation et de régulation des activités bancaires, la création de la Banque publique d'investissement (BPI), pour aider au financement des PME et des filières d'avenir, et la loi relative à la sécurisation de l'emploi. Celle-ci a donné de nouveaux droits aux salariés : représentation au conseil d'administration ou de surveillance avec voix délibérative ; information et consultation sur les orientations stratégiques de l'entreprise avec possibilité d'avancer des contre-propositions en bénéficiant de moyens d'expertise ; négociations obligatoires sur la formation professionnelle ou, en cas de difficultés économiques, sur le plan de sauvegarde de l'emploi.

À l'origine de ces évolutions se trouve l'idée que les entreprises ne doivent pas être soumises aux seuls actionnaires. Elles doivent prendre en compte, outre les intérêts de ceux qui apportent des capitaux, ceux des salariés qui donnent le fruit de leur travail, mais aussi ceux des territoires qui investissent pour créer un environnement favorable à l'entrepreneuriat.

La proposition de loi s'inscrit dans cette perspective, en utilisant trois leviers.

En premier lieu, honorant une promesse faite par le candidat François Hollande en février 2012, elle contraint toute entreprise qui envisage de fermer un établissement en France à rechercher un repreneur.

Ce point figurait dans la feuille de route fixée aux partenaires sociaux pour 2012-2013. Le patronat, la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC en ont accepté le principe et cette obligation a donc été inscrite dans l'article 19 de la loi relative à la sécurisation de l'emploi, qui précise que le comité d'entreprise doit être tenu informé de ces recherches et peut recourir à l'expertise pour analyser les offres de reprise.

La proposition de loi va plus loin en tirant les conséquences du refus, sans motif légitime d'une offre de reprise sérieuse. Dans ce cas, le comité d'entreprise pourra saisir le tribunal de commerce et celui-ci pourra infliger une pénalité pouvant atteindre, pour chaque emploi supprimé, jusqu'à vingt fois le SMIC, soit environ 30 000 euros. L'objectif n'est bien sûr pas de pénaliser les entreprises, mais de les inciter à reconsidérer leur décision dans un sens plus favorable à l'emploi.

Afin que toutes les intelligences soient mobilisées en faveur d'une solution pour l'entreprise, le texte donne aussi aux salariés la possibilité de participer directement à la recherche d'un repreneur, voire de déposer une offre de reprise, en constituant par exemple une société coopérative et participative (SCOP), notamment dans les cas où il n'y aurait pas recherche effective d'un employeur.

Ces dispositions figurent aux articles 1er et 2.

En second lieu, la proposition de loi comporte des dispositions pour lutter contre les OPA hostiles. Actuellement, afin d'éviter les prises de contrôle rampantes, un actionnaire souhaitant augmenter sa part dans le capital doit déposer une offre publique d'acquisition (OPA) dès lors qu'il détient 30 % des actions – au lieu de 33,33 % jusqu'en 2011. Le texte propose d'abaisser ce seuil à 25 %, car le seuil actuel ne suffit pas à éviter les situations de contrôle de fait, compte tenu des taux d'abstention élevés aux assemblées générales d'actionnaires.

En troisième lieu, la proposition de loi favorise l'actionnariat de long terme. Nous souhaitons en effet encourager à investir de manière sérieuse et durable. Dans de nombreuses entreprises françaises, le principe d'une augmentation des droits de vote en fonction de la durée de détention des actions est déjà appliqué. Il est ici proposé de les doubler au bout de deux années de présence au capital.

Cette proposition de loi très importante vise donc à agir sur la structure même du capitalisme. Nous voulons favoriser les vrais entrepreneurs et protéger les entreprises des appétits des spéculateurs. Il ne s'agit pas de jeter l'opprobre sur tous les investisseurs, mais de faire le tri entre ceux qui se préoccupent des intérêts de l'entreprise et du pays et ceux qui n'ont à l'esprit que leurs intérêts à court terme.

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