Voici donc la « loi Florange », traduction de l'engagement n° 35 par lequel le candidat François Hollande promettait de dissuader les licenciements boursiers « en renchérissant le coût des licenciements collectifs pour les entreprises qui versent des dividendes ou rachètent leurs actions ».
D'abord conçu en vue de la « cession obligatoire de sites rentables », ce texte a été opportunément rebaptisé « proposition de loi visant à redonner des perspectives à l'économie réelle et à l'emploi industriel ». Mais les mots ne changent malheureusement rien à la réalité : cette proposition de loi est un texte d'affichage et de circonstance, afin d'entretenir l'illusion que le Gouvernement peut empêcher les licenciements dans une économie ouverte.
Tout d'abord, alors qu'il est présenté comme le grand levier du redressement productif, ce texte ne concerne que les entreprises de plus de 1 000 salariés. Or la majorité des entreprises françaises qui connaissent des difficultés sont en deçà de ce seuil. Rien ne sera donc fait pour ces entreprises de 100, 200 ou 300 salariés qui sont les premières victimes de redressements ou de liquidations judiciaires en nombre croissant – on en attend 62 000 d'ici à la fin de l'année !
Deuxièmement, vous adressez là un bien mauvais signal aux investisseurs nationaux et internationaux. Vous faites peser sur les dirigeants d'entreprise qui souhaitent fermer un établissement de lourdes obligations : ils devront informer les salariés par le biais du comité d'entreprise et rechercher un repreneur dans un délai de trois mois, en étant tenus par une obligation de moyens. En outre, le comité d'entreprise pourra saisir le tribunal de commerce, qui devra s'assurer de la réalité de l'effort de recherche et pourra, si celui-ci n'est pas avéré, condamner l'entreprise à une pénalité. Est-il bien raisonnable de confier une telle responsabilité à un juge et de le doter d'un pouvoir exorbitant ? Et que dire du montant de la pénalité qui peut aller jusqu'à vingt fois le SMIC par emploi supprimé !
Troisièmement, vous faites fi d'une disposition de l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 que nous venons de transposer dans la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, disposition créant justement aux entreprises d'au moins 1 000 salariés une obligation de rechercher un repreneur. Je constate avec stupéfaction que l'un des amendements du rapporteur pour avis tend à abroger l'article L. 1233-90-1 du code du travail qui en est issu, au motif qu'il est repris dans la proposition de la loi. C'est incompréhensible. Vous supprimez un article à peine voté au prétexte de votre loi d'affichage.
Enfin, en adoptant ce texte, la France se rapproche dangereusement de l'économie administrée. Vous remettez en cause la liberté d'entreprendre et le droit de propriété, protégés par la Constitution, en dessaisissant l'entrepreneur de son outil de travail – en l'occurrence les murs, mais rien n'est dit sur les moyens de production.
Le groupe UMP est résolument opposé à ce texte et vous demande de ne pas laisser croire qu'il est de nature à faire cesser les plans sociaux dans notre pays. Votre seul but est de convaincre que le président de la République respecte sa promesse, faite dans l'euphorie d'une campagne électorale, un certain 24 février 2012. Mais les ouvriers ne sont pas dupes de ce « serment de Florange » !
Nous vous laisserons discuter entre vous du seuil à fixer pour déterminer les entreprises concernées par ces nouvelles obligations, de ce que le juge devra entendre par le caractère « sérieux » ou crédible d'une offre de reprise, ou encore du seuil de déclenchement d'une OPA. En ce qui nous concerne, ce texte nous est surtout un nouveau motif de vous exhorter à créer les conditions de la compétitivité des entreprises industrielles. Vous les connaissez : ce sont la diminution du coût du travail – et donc la maîtrise des dépenses publiques, la mise en oeuvre des accords compétitivité-emploi consacrés par la loi relative à la sécurisation de l'emploi, la réforme de la formation professionnelle, attendue avec impatience pour sécuriser les parcours professionnels des salariés, ou encore l'amélioration de l'efficacité du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi. S'agissant de ce dernier, bien des interrogations, soulevées jusque dans vos rangs, restent en effet à lever – sur son coût, sur le champ de ses bénéficiaires, sur la complexité du dispositif, pour ne pas parler de son financement même, les 720 millions d'euros dégagés à ce jour n'étant manifestement pas à la mesure des enjeux.