Monsieur Aboud, nos approches divergent en effet, mais il me semblait que nous partagions le diagnostic. Je fus un auditeur attentif du discours dans lequel un ancien Président de la République dénonçait les patrons voyous et la finance qui avait pris le pas sur l'économie réelle. Plusieurs d'entre vous se sont interrogés sur la notion d'économie réelle à laquelle fait référence le titre de la proposition de loi. Eh bien, relisez le discours de Toulon! La proposition de loi tire les conséquences de ce diagnostic, qui n'est donc pas l'apanage des représentants du Front de gauche.Tous les patrons d'entreprises industrielles que nous avons interrogés ont admis qu'ils ne dirigeaient plus leurs entreprises car les financiers leur imposent leurs conditions, interdisant tout projet à long terme au nom d'une exigence de rentabilité immédiate.
Je pense donc que nous pourrions nous accorder sur le diagnostic et sur la nécessité de mettre en avant les vrais entrepreneurs. Vous avez raison, il n'y a pas un seul entrepreneur digne de ce nom qui déciderait de licencier 500 personnes quand une reprise de l'entreprise est possible. Mais vous connaissez tous aussi des situations dans lesquelles les financiers ont organisé le pillage de l'entreprise – M. Bapt a cité le cas de Molex qui en est sans doute un des premiers exemples avec Continental. On fait partir les carnets de commandes à l'étranger, on transfère les brevets, on organise l'absence de rentabilité et on explique ensuite qu'il est nécessaire de fermer l'établissement. Dans le cas de Molex, la rentabilité était de 15 %, les salariés et les dirigeants locaux étaient très fiers de leur entreprise et, pourtant, elle a été fermée.
Refuser que de telles situations se reproduisent, c'est réhabiliter le capitalisme et rétablir la confiance, aujourd'hui très ténue, des Français et des salariés dans leurs entrepreneurs. Je souhaiterais que nous puissions nous entendre sur ces objectifs. Quant aux moyens d'y parvenir, le débat politique est légitime.
Je remercie Christian Paul et les parlementaires socialistes et écologistes qui ont fait part de leur soutien à cette proposition de loi, ainsi que ceux de nos collègues qui, comme Michel Liebgott, ont travaillé à sa rédaction. Les exemples concrets qui ont été donnés montrent combien elle est attendue.
S'agissant de l'atteinte au droit de propriété, madame Le Callennec, monsieur Perrut, nous avons sollicité l'avis du Conseil d'État sur le texte, comme l'a souhaité le président de l'Assemblée nationale pour toutes les propositions de loi désormais. Le Conseil s'est livré à une analyse précise de la conformité de ces dispositions aux principes reconnus par la Constitution – spécialement la liberté d'entreprendre et le droit de propriété. Dans son avis comme toujours soigneusement pesé, il a estimé que la pénalité envisagée, à condition qu'elle soit précisément définie, était compatible avec la Constitution. Ces conclusions vont vous être distribuées afin que vous puissiez vous faire votre propre opinion.
Madame Le Callennec, vous me reprochez de supprimer l'article 19 de la loi relative à la sécurisation de l'emploi, mais l'article L. 1233-90-1 qui en est issu n'est pas modifié. C'est uniquement sa place dans le code du travail qui l'est, pour plus de cohérence. Cet article fait actuellement partie des dispositions particulières relatives à la reprise de site et à la revitalisation des bassins d'emploi. Nous proposons de le placer à part, dans le chapitre relatif au licenciement économique. À cette fin est créée une section intitulée « Obligation de rechercher un repreneur en cas de projet de fermeture d'un établissement », qui rassemble l'ensemble des règles d'information et de consultation des représentants du personnel au cours de la procédure de recherche, unifiant les dispositifs prévus par la loi relative à la sécurisation de l'emploi et par la présente proposition de loi. Nous ajoutons la possibilité pour les salariés de participer à la reprise et des dispositions dans le code du commerce tirant les conséquences d'un refus d'une offre sérieuse de reprise.
Je souhaite que cette procédure n'aboutisse pas à la judiciarisation que vous redoutez à raison. Mais le choix du tribunal de commerce, comme l'a rappelé M. Robiliard, correspond précisément à la volonté de soumettre les comportements abusifs à la justice des employeurs.
Monsieur Cavard, l'article 3 contient une disposition relative aux SCOP en cas de règlement judiciaire. Sous réserve de le sous-amender légèrement, je suis favorable à votre amendement prévoyant d'informer les salariés de la possibilité qui leur est ouverte de soumettre eux-mêmes une offre en cas de fermeture de leur usine.
Madame Louwagie, nous avons beaucoup travaillé sur la notion de site rentable. Nous savons qu'il peut être de l'intérêt de tous d'accepter une restructuration en cas de difficultés économiques. Mais la situation peut aussi être très complexe : ainsi, à Florange, les résultats du calcul de rentabilité étaient différents pour le haut fourneau et pour la filière à froid, dont une partie attirait d'ailleurs des candidats à la reprise. Les critères d'appréciation de la rentabilité d'un site étant donc difficiles à déterminer, nous avons préféré raisonner à partir d'une évaluation de l'offre de reprise présentée. Afin de préciser la façon d'apprécier le caractère sérieux ou non de l'offre, je présente un amendement qui fait référence aux perspectives de pérennité de l'activité et des emplois.
J'ai déposé un autre amendement qui précise le motif légitime de refus. L'acceptation de l'offre ne doit en effet pas être de nature à déstabiliser l'entreprise. Par exemple, il n'est pas question de demander à Michelin d'accepter que Goodyear installe une ligne de production au coeur d'une de ses usines car cette reprise aurait des conséquences dommageables pour l'ensemble de l'entreprise. En revanche, certaines unités de production de Michelin pourraient être reprises par Goodyear.
Monsieur Aboud, les cas de restructuration sans licenciements n'entrent pas dans le champ d'application de la proposition de loi. Je vous proposerai dans un amendement de reprendre le champ d'application prévu par la loi relative à la sécurisation de l'emploi, à savoir les projets de fermeture d'établissement ayant pour conséquence des licenciements collectifs. Si de tels projets n'existent pas, il n'y a pas lieu de soumettre à la procédure prévue par ce texte une restructuration, qui peut être strictement commerciale.
Monsieur Barbier, la question du temps judiciaire est en effet importante. Elle a été au coeur des débats sur la loi relative à la sécurisation de l'emploi. Cette loi sécurise les salariés en les protégeant contre les licenciements abusifs et en leur permettant de participer à la définition de leur avenir. Mais elle sécurise aussi les entreprises en inscrivant les procédures dans des délais préfix. J'ai déposé un amendement afin que ce principe s'applique à la procédure prévue par la proposition de loi. Les délais seront de sept jours pour saisir le tribunal de commerce, puis de quatorze jours pour que celui-ci se prononce, soit un total de vingt et un jours qui correspond au délai donné à l'administration pour homologuer un plan de sauvegarde de l'emploi. Les deux procédures seront donc enserrées dans le même délai global, ce qui répond à la préoccupation exprimée par les entreprises.