Intervention de Hélène Périvier

Réunion du 9 juillet 2013 à 16h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Hélène Périvier, économiste au département des études de l'Observatoire français des conjonctures économiques, OFCE, coresponsable du programme de recherche et d'enseignement des savoirs sur le genre :

Ce qui pose problème avec le congé parental, c'est qu'il est sexué. Il faut donc nous demander ce qui ne va pas. De fait, la simple annonce de la limitation à deux ans et demi du congé parental, prévue par le projet de loi, suscite déjà des réactions, comme celle, très violente, de Mme Valérie Pécresse, qui se demande pourquoi un père irait changer les couches de ses enfants – comme si cela était inscrit dans les gènes des femmes –, ou celle d'Aldo Naouri, qui déclarait ce matin sur France Culture que, s'il n'était pas mauvais que les femmes puissent ouvrir un compte en banque sans l'autorisation de leur mari, on était allé un peu loin dans les droits des femmes, ce qui provoquait chez les enfants une perte totale de repères. Ces réactions à une mesure qui, concrètement, ne changera pas grand-chose montrent que « ça pique », et c'est bien.

Pour que ça « pique » encore davantage, il reste beaucoup à faire en termes de lutte contre les stéréotypes dans l'éducation. Le travail mené en collaboration entre le ministère de l'Éducation nationale et le ministère des Droits des femmes est à cet égard très intéressant : le seul fait d'apprendre à l'école l'égalité et le respect entre filles et garçons « pique » déjà et certains clament qu'on va déconstruire le genre et le sexe. Il faut continuer le travail, car les réactions de ce genre révèlent qu'on commence à entrer « dans le dur ».

Les métiers de la petite enfance connaissent un problème de mixité et il conviendrait d'y faire entrer des hommes. De fait, Françoise Vouillot a bien montré que la ségrégation des métiers ne tient pas à ce que les femmes ne vont pas vers les métiers d'homme, mais à ce que les hommes ne vont pas vers les métiers de femme, peu valorisés et mal rémunérés – selon l'idée que les femmes peuvent bien faire pour pas cher sur le marché du travail ce qu'elles faisaient jadis gratuitement. Il faut en outre que les hommes qui entrent dans ces métiers y entrent dans de bonnes conditions, pour éviter que, comme on le voit trop souvent, les hommes soient par exemple directeurs de crèche et les femmes sous leurs ordres. Ces questions sont complexes.

Je crois beaucoup à une refonte de l'État social, avec notamment une révision du quotient conjugal et de la conception du couple et la famille, ainsi qu'avec des droits sociaux plus individualisés qui rendent les choix lisibles. Les hommes et les femmes n'ont pas conscience des choix qu'ils font en se mettant en couple et, lors des divorces, la collectivité prend à son compte les conséquences de la division sexuée du travail dans la famille, en termes de retraite et d'avantages familiaux. Une réflexion s'impose, qui donnera lieu à de nombreuses contre-réactions : c'est là qu'on commencera à avancer, en montrant que cette division n'est pas immuable, qu'elle est construite et entretenue et que, si l'on veut la réduire, il faut s'en donner les moyens.

Enfin, si les stéréotypes sont encore plus forts en Allemagne, où les femmes ne peuvent pas à la fois travailler et avoir des enfants, le recours au congé parental dans notre pays reste décevant, du fait de freins culturels et sociétaux très puissants. Une réflexion massive s'impose d'autant plus que, dès lors qu'une initiative suscite des réactions, c'est bien le signe qu'on aborde les choses sérieuses.

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