Intervention de Ramon Fernandez

Réunion du 3 juillet 2013 à 9h45
Commission des affaires étrangères

Ramon Fernandez, directeur général du Trésor :

C'est la DGFiP – avec la direction de la législation fiscale (DLF) – qui est le chef de file en matière fiscale. La DG Trésor et la DGFiP collaborent étroitement ensemble – avec M. Bruno Bézard, nous avons installé un groupe de travail conjoint pour suivre les sujets fiscaux ayant une dimension internationale –, la DG Trésor défendant nos objectifs politiques dans les enceintes économiques internationales. Ma direction assiste en effet le ministre de l'économie et des finances au G20, au G8, à l'Ecofin, à l'Eurogroupe et au Conseil de stabilité financière. L'organisation administrative des autres pays est d'ailleurs comparable à la nôtre avec une filière fiscale représentée dans des groupes de travail à l'OCDE, et un Trésor qui négocie les communiqués des sommets internationaux et accompagne le ministre lors des entretiens avec ses homologues.

La Chine, au terme de nombreuses discussions au G20, a accepté la publication de la liste des JNC ; elle a ensuite annoncé qu'elle allait signer – probablement avant le sommet du G20 de Saint-Pétersbourg – la convention multilatérale de l'OCDE en matière fiscale. Chaque pays présidant le G20 peut inviter jusqu'à trois États non membres à participer aux discussions : la Russie a convié la Suisse, si bien que celle-ci a signé le communiqué d'avril sur l'échange automatique d'informations et la transparence des trusts. Notre stratégie est de faire endosser les démarches en matière de lutte contre l'évasion et la fraude fiscales par les forums où les économies émergentes sont représentées ; elles sont peu présentes à l'OCDE alors que cette organisation élabore les standards fiscaux, mais le Forum mondial a justement été créé pour pallier cette lacune ; il comprend environ 110 membres qui participent à l'évaluation des textes et de leur application.

J'ignore où en est la négociation bilatérale entre les États-Unis et la France sur FATCA, qui est conduite par la DGFIP, mais la France a insisté au cours de cette négociation pour que des informations lui soient également transmises en retour par les Etats-Unis, et donc que l'accord ne soit pas asymétrique. Le principe en la matière repose sur l'échange automatique d'informations dans une relation d'égalité, et nous espérons que le modèle élaboré par l'OCDE sera adopté par l'ensemble des pays du G20 et de l'Union européenne.

La France poursuit l'objectif d'harmoniser la fiscalité au sein de l'Union et a notamment lancé des initiatives bilatérales avec l'Allemagne, mais chaque pays – dont la France – reste soucieux de sa souveraineté fiscale. Comme, en cette matière, les décisions se prennent à l'unanimité, les progrès sont lents, mais les discussions existent. Lorsque l'Union européenne a soutenu l'Irlande, la question de conditionner l'octroi de cette aide à l'augmentation du taux d'IS, fixé à 12,5 %, s'est posée. Cette faible imposition faisant l'objet d'un consensus général en Irlande et le gouvernement nous ayant affirmé qu'il était impossible d'envoyer ce signal aux entreprises après une telle crise et dans le contexte d'un programme d'ajustement très strict, l'Union n'a pas contraint l'Irlande à modifier le taux de son IS. En revanche, elle a exigé que le taux d'IS chypriote – alors établi à 10 % – soit aligné sur celui de l'Irlande lors de la négociation du plan de soutien à Chypre. Le Président de la République et le ministre de l'économie et des finances insistent régulièrement au Conseil européen et à l'Ecofin pour mettre ce sujet à l'ordre du jour. Pour la France, le rapprochement des régimes fiscaux doit faire partie de l'approfondissement et du renforcement de la zone euro, au même titre que l'union bancaire.

Les Britanniques ont engagé des discussions avec les dépendances de la couronne qui bénéficient d'une souveraineté en matière fiscale ; ils ont ainsi récemment signé des conventions avec beaucoup de ces territoires, ce qui était inimaginable il y a seulement quelques mois.

Le régime français des fiducies et des trusts nous permet d'ores et déjà de nous mettre au niveau de transparence recommandé par le G8 et le G20. Nous disposons d'un registre des fiducies, et nos services fiscaux identifient d'ores et déjà les bénéficiaires effectifs résidents fiscaux français des trusts situés à l'étranger ; nous souhaitons que ce mécanisme soit étendu aux autres pays.

Je comprends le scepticisme affiché à l'égard de la transposition dans des actes de l'ensemble des proclamations contenues dans les communiqués des réunions internationales. Depuis quelques années, nous avons néanmoins progressé grâce à l'impact du dispositif d'identification des territoires non coopératifs, car les États n'aiment pas être inscrits sur ces listes. Nous prenons en outre des dispositions fortes en droit interne et dans celui de l'Union européenne : identification des territoires et des lieux d'implantation des acteurs économiques, mise en place de l'échange automatique d'informations et régime FATCA – qui entrera en vigueur en 2015. Ce délai est nécessaire, car il faut mettre en place des instruments dans les administrations fiscales qui permettent d'utiliser ces dispositifs ; ainsi chaque fisc national doit développer un mécanisme avec l'ensemble des établissements financiers pour alimenter une base de données qui pourra être transférée aux administrations des pays partenaires. Ces systèmes d'information sont très lourds à déployer et ne fonctionneront qu'à partir de 2015.

D'ici là, certains pays ont décidé d'avancer : ainsi, l'initiative lancée par six États européens à Dublin en avril est désormais soutenue par dix-sept pays. Ceux-ci ont décidé d'instaurer un système pilote d'échange automatique d'informations entre eux, sans attendre l'aboutissement de la négociation sur l'application d'un régime similaire à l'échelle de toute l'Union européenne. Par ailleurs, une fois les accords bilatéraux FATCA signés avec les Etats-Unis, il ne pourra pas y avoir de blocage, même dans le cas où l'un des États membres refuserait d'amender la directive Épargne ; en effet, la directive sur la coopération administrative dans le domaine fiscal contient une clause de la nation la plus favorisée et tous les pays de l'Union européenne engagés dans un accord FATCA devront appliquer le même niveau de coopération aux autres États membres.

Le sujet est d'une grande complexité et touche à la souveraineté des États, ce qui explique les lenteurs. On enregistre néanmoins des progrès reposant sur des instruments juridiques, et pas seulement sur des communiqués. Le mouvement engagé me paraît irréversible en raison de la pression collective et de la nécessité d'alimenter les recettes publiques.

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