Je suis heureux de venir présenter le bilan de la Haute Autorité pour 2011 devant votre commission et je renvoie aux documents qui vous ont été distribués pour le détail des données chiffrées, préférant m'en tenir à quelques observations d'ordre qualitatif.
Je rappelle que l'article L 161-37 du code de la sécurité sociale fait obligation à la HAS d'adresser au Parlement et au Gouvernement un rapport annuel, ce qui a été fait pour 2011.
Comme l'a rappelé Mme la présidente, la Haute Autorité est une institution relativement récente puisqu'elle a été installée en 2005. Les huit membres de son collège sont nommés, deux par le Président de la République, deux par le président de l'Assemblée nationale, deux par le président du Sénat et deux par le président du Conseil économique, social et environnemental. Ce collège que j'ai l'honneur de présider rend environ 2 000 décisions par an. Il s'appuie sur trois directions opérationnelles et un secrétariat général, dirigés par Dominique Maigne, ici présent. Au total, nous avons stabilisé nos effectifs depuis plusieurs années à hauteur de 410 collaborateurs à temps plein et nous disposons de 3 000 experts et professionnels de santé externes, dont près de 700 experts visiteurs chargés de la certification des établissements de santé. En 2011, le budget de la Haute Autorité s'est établi à 58,8 millions d'euros, ce qui représente une diminution de l'ordre de 5 millions d'euros des ressources en provenance de l'État et de l'assurance maladie. Depuis deux ans, nous avons fait un effort particulier pour limiter nos dépenses de fonctionnement, ce qui est très important dans le contexte actuel.
Notre première mission concerne l'évaluation en santé. Je n'insisterai pas sur l'évaluation des médicaments et des dispositifs médicaux, qui est l'objet de rapports spéciaux que vous présenteront les professeurs Bouvenot et Dubernard. L'évaluation des actes professionnels et des technologies de santé est également placée sous l'autorité du Pr Dubernard, car nombre de dispositifs sont implantés dans le cadre d'actes particuliers. Il est donc logique de les étudier conjointement.
En 2011, nous avons établi 22 rapports d'évaluation technologique et 9 documents d'avis. Pour cette activité, nous sommes conduits à solliciter des experts, ce qui peut créer certaines tensions. C'est ainsi qu'un recours devant le Conseil d'État a été déposé contre l'une de nos délibérations concernant les actes de lipolyse. Cela pose le problème de notre indépendance, à laquelle nous sommes bien entendu particulièrement attachés. Il semble inévitable que certaines divergences d'appréciation puissent apparaître à l'occasion de conflits professionnels entre deux grands groupes de métiers, comme dans l'exemple cité.
Avec l'évaluation économique et de santé publique, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 nous a confié une nouvelle mission, qui s'est depuis lors fortement développée. L'an dernier, nous avons procédé à 25 évaluations économiques, liées à certaines évolutions dans les stratégies de prise en charge, ou à un nouveau regard médico-économique porté sur certaines classes médicamenteuses, comme pour ce qui concerne le traitement par hormones de croissance des enfants ne présentant pas de déficit particulier sur ce point. Nous avons aussi réévalué plusieurs politiques de santé publique, comme le dépistage des hépatites B et C, des cancers du sein et de la prostate, ainsi que de certaines maladies néonatales.
Le guide de notre action en matière d'évaluation économique que nous venons d'élaborer est important pour l'avenir. En effet, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 a renforcé cette mission de la Haute Autorité en la chargeant d'évaluer certains produits de santé et certains dispositifs médicaux. Le décret d'application de cette disposition n'a pas encore été pris. Outre certaines modalités pratiques, il établira une liste de médicaments devant faire l'objet d'une évaluation médico-économique, en sus de l'évaluation médico-technique incombant à la commission de la transparence. J'insiste sur le fait que cette action vient juste de débuter. S'agissant des primo-inscriptions de nouveaux médicaments, l'évaluation doit être menée rapidement mais nous envisageons aussi de procéder à des ré-évaluations à deux ans qui prendront la forme de véritables analyses médico économiques. Dans le présent contexte budgétaire, il semble pertinent d'évaluer l'efficience de l'ensemble des dispositifs, c'est-à-dire le rapport entre leur efficacité et leur coût.
J'en viens aux missions de la Haute Autorité qui visent à promouvoir la qualité des soins et la sécurité des patients. La première – et la plus connue –, c'est la certification des établissements de santé. Nous certifions l'ensemble des établissements, publics ou privés, de court ou de long séjour, ainsi que les établissements psychiatriques, ce qui représente au total 2 800 structures. L'an dernier, au prix d'un énorme travail des professionnels de santé, nous avons visité près de 1 000 établissements.
La certification des établissements de santé est en train d'évoluer. Elle a fait l'objet en 2011 d'un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) – en particulier pour ce qui concerne les questions de sécurité – et, en 2012, d'un rapport de la Cour des comptes, les deux documents rendant des conclusions très favorables sur l'action de la Haute Autorité, tant qualitative que quantitative. Ce qui importe à mes yeux, c'est que la troisième itération de cette démarche de certification – la « V 2010 » – participe de la diffusion d'une culture de la qualité dans les établissements de santé, tant au sein des équipes administratives que des équipes soignantes. Dans la perspective de la nouvelle certification qui s'engagera en 2014, nous avons décidé d'arrêter des modalités beaucoup plus tournées vers le patient, en mettant l'accent sur la qualité et la sécurité des soins et en établissant une cartographie des zones à risque dans les établissements. Alors que nous ne les visitons que tous les quatre ans, nous souhaitons aussi rendre le contrôle plus continu afin d'éviter que « le soufflé ne retombe » une fois obtenue la certification.
Parallèlement à la certification des établissements, nous avons mis en place des indicateurs de qualité avec la direction générale de l'offre de soins. Celle-ci recueille des données sur les infections nosocomiales ; la Haute Autorité collecte, elle, d'autres indicateurs, relatifs notamment à la qualité du dossier du patient. Nous y avons ajouté l'an dernier des indicateurs cliniques pour certaines pathologies, comme l'infarctus du myocarde. Tout cela représente beaucoup de travail pour les établissements, chargés au total de suivre une centaine d'indicateurs. C'est pourquoi nous envisageons de leur demander alternativement les indicateurs de procédure et les indicateurs cliniques, de manière à diminuer leur charge de travail.
Je rappelle que la loi nous fait obligation de coordonner et de diffuser au grand public l'information sur les établissements de santé. Ce travail est en cours et j'espère que nous pourrons remplir cette mission début 2013.
Après l'affaire du Mediator, notre mission de certification des moyens d'information médicale a connu un certain retentissement. L'on sait que la visite médicale peut inciter à la prescription, voire induire des déviations de prescription. En partenariat avec le Comité économique des produits de santé (CEPS), nous avons un rôle à jouer en matière de certification des méthodes de la visite médicale. Au 31 décembre 2011, nous avons certifié 132 laboratoires. Comme vous le savez, la loi du 29 décembre 2011 comprend un article relatif à la visite médicale, dont il va vous être proposé d'étendre le champ dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, en vue de privilégier les visites collectives pour éviter les rapports singuliers entre le visiteur médical et le médecin.
Nous sommes également chargés de certifier les très nombreux sites Internet consacrés aux questions médicales. Hélas, ce volet de notre action ne nous satisfait guère dans la mesure où nous nous prononçons davantage sur le contenant que sur le contenu. La loi de sécurité sanitaire nous confie la certification des logiciels d'aide à la prescription : une dizaine sont actuellement certifiés et nous travaillons également sur les logiciels d'aide à la dispensation par les pharmaciens. Avec les professionnels concernés, nous sommes aussi demandeurs d'une action sur le chaînon intermédiaire très important que constituera l'ordonnance numérique.
J'en arrive aux actions de la Haute Autorité visant à améliorer les pratiques professionnelles, en commençant par les recommandations de bonne pratique, lesquelles constituent l'une des missions historiques de notre institution. Elles consistent à donner l'état de l'art dans différentes pathologies. Nous en avons traité dix l'an dernier. J'appelle votre attention sur les difficultés liées à l'exercice de cette mission. L'actualisation des données est difficile à conduire compte tenu de notre charge de travail. Mais le problème essentiel qui se pose à nous est de tout faire pour éviter les conflits d'intérêts, tant avec l'industrie pharmaceutique qu'entre professionnels. Nous avons de plus en plus de mal à trouver des experts. Et comme j'ai déjà eu l'occasion de l'évoquer, l'an dernier, le Conseil d'État a annulé l'une de nos recommandations en raison de soupçons sur la déclaration publique d'intérêts des experts que nous avions associés aux groupes de travail. Avec l'accord du collège de la Haute Autorité, j'ai proposé de retirer sept autres recommandations susceptibles de créer les mêmes difficultés. Nous avons pu réécrire celle sur la maladie d'Alzheimer, ainsi que – non sans mal – celle sur le diabète, qu'il fallait revoir en raison de risques de conflits d'intérêts pour les spécialistes et aussi, j'y insiste, de difficultés pour mettre d'accord généralistes et spécialistes.
Compte tenu de la double exigence de rigueur scientifique et d'indépendance, l'édiction de recommandations de bonne pratique peut prendre plus de deux ans. En 2011, nous avons publié une recommandation qui a fait beaucoup parler, au sujet de la prise en charge des enfants atteints d'autisme ou d'autres troubles du développement.
La Haute Autorité intervient dans l'amélioration des pratiques professionnelles, et, en particulier, dans l'accréditation des professionnels exerçant dans des domaines à haut risque tels que l'anesthésie, l'obstétrique, la chirurgie, la chirurgie plastique, etc. Dans ce type de spécialité, les risques professionnels sont tels que les assurances en responsabilité civile professionnelle sont très élevées. L'assurance maladie aide les professionnels concernés, en échange d'un engagement de leur part de demander une accréditation qui concerne des obligations à la fois de formation professionnelle et de gestion des risques, avec, en particulier, l'obligation de déclarer les événements dits porteurs de risque, c'est-à-dire qui n'ont pas entraîné d'effets indésirables mais l'auraient pu. Cela pousse le professionnel vers la qualité et l'incite à s'entourer de toutes les garanties nécessaires à la sécurité du patient. Nous disposons à présent d'une base de données portant sur 40 000 de ces événements porteurs de risques, ce qui nous a permis de tirer la sonnette d'alarme sur une vingtaine d'événements potentiellement dangereux et de modifier les pratiques en conséquence dans six cas.
Nous menons d'autres actions très importantes comme la mise en place d'une check list dans les blocs opératoires comparable à ce qui se pratique dans l'aéronautique. Nous favorisons également le développement de la simulation dans les facultés de médecine, de manière à éviter que les premiers patients du jeune médecin soient exposés à un geste potentiellement dangereux. Enfin, nous avons rédigé divers guides, à l'intention des professionnels et des cadres de santé hospitaliers, notamment sur la sécurité du circuit du médicament.
Nos programmes pilotes thématiques préfigurent les parcours de soins dont je parlerai ultérieurement. Parmi les programmes en cours, outre la prévention des accidents vasculaires cérébraux et de l'infarctus du myocarde, nous travaillons sur la prévention de la iatrogénie et de la surconsommation médicamenteuse chez les personnes âgées. Nous avons la semaine dernière lancé une campagne d'information sur les dangers d'une consommation excessive de benzodiazépines dans cette catégorie de la population.
S'agissant de l'organisation des soins, la coopération entre professionnels de santé constitue une mission relativement récente puisqu'elle procède de l'article 51 de la loi « Hôpital, patients, santé, territoires » (HPST). Elle a du reste suscité certaines inquiétudes de la part des professionnels. Il s'agit d'une délégation dérogatoire de la responsabilité médicale vers d'autres professionnels de santé comme les infirmiers, les kinésithérapeutes ou les manipulateurs de radiologie, selon un protocole qui favorise l'accès aux soins. Eu égard à la désertification médicale de certaines régions et à la diminution du nombre de praticiens dans certaines spécialités, cela constitue à nos yeux une démarche très utile, notre mission étant de vérifier que ces protocoles ne fassent pas courir de risques aux patients, et, au contraire, améliorent leurs parcours de soins.
L'une de nos missions historiques consiste à travailler sur les conditions d'entrée dans la liste de la trentaine de maladies ouvrant droit à une exonération du ticket modérateur, les affections de longue durée. En 2011, nous avons modifié la pratique en rédigeant six guides à destination des médecins et neuf guides à destination des patients qui, au lieu de décrire une pathologie et sa prise en charge globale, mettent plutôt l'accent sur les points critiques de son évolution, les parcours de soins, la coopération entre professionnels. Cela participe de l'amélioration globale de la prise en charge de proximité, via la coordination de parcours de soins individualisés.
Le professeur Bouvenot va vous présenter le rapport spécifique d'activité pour 2011 de la commission de la transparence. J'en profite pour rappeler que la composition de la commission de la transparence et celle de la commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (CNEDiMTS) sont réglementées – la Haute Autorité n'y intervient en rien – et que ces commissions rendent des avis autonomes.