Comme je l'ai dit, il y a eu une baisse, mais légère et plus faible qu'en 2011, selon les chiffres de l'observatoire de l'ARCEP, qui est un référent de l'INSEE, et qui produit des données incontestées depuis dix ans. D'ailleurs les opérateurs n'ont pas contesté ces chiffres publiés il y a plus d'une semaine. Peut-être l'Institut national de la consommation a-t-il une approche différente, davantage axée sur le droit de la consommation. Nous échangerons avec lui. Il faut rester vigilant. Mais, en tout état de cause, il n'y a pas eu globalement d'effondrement du chiffre d'affaires ou des marges. Certaines entreprises ont cependant souffert. Bouygues Telecom a été la plus déstabilisée par l'arrivée de Free, principalement parce qu'elle est la dernière qui était apparue sur le marché du mobile. M. Martin Bouygues m'a, à cet égard, déclaré, à plusieurs reprises, être favorable à l'existence d'un régulateur puissant, afin que des opérateurs alternatifs subsistent. Il n'a pas oublié qu'il n'existerait pas sur le marché du fixe et du mobile si un régulateur ne lui avait pas fait une place. Il serait bon que d'autres opérateurs alternatifs n'oublient pas cette évidence.
La baisse des marges a-t-elle eu des conséquences sur les investissements, ou sur la construction de nouveaux réseaux ? L'ensemble des investissements nécessaires de la part des opérateurs est évalué à six milliards d'euros par an, deux milliards pour la construction de nouveaux réseaux fixe et mobile, quatre pour l'achèvement et l'entretien des réseaux classiques. Or, ces trois dernières années, l'investissement global a été de près de huit milliards par an. Dans cette somme, il faut inclure cinq milliards d'euros, que les opérateurs ont consacrés à l'achat de fréquences. Cette dernière dépense ne sera plus nécessaire jusqu'à la fin de la décennie. Cela laisse une marge de manoeuvre de plus d'un milliard et demi par an, permettant sans doute de compenser la baisse des marges pouvant résulter de l'arrivée de Free Mobile. Macroéconomiquement, l'investissement ne devrait donc pas être atteint à un point tel que les réseaux ne pourraient plus être financés et actualisés.
J'ai eu un entretien d'une heure et demie avec M. Arnaud Montebourg : il considère que la régulation est un sujet éminemment politique et il est donc préoccupé par le fait que ce soient des administrations indépendantes qui s'en occupent. Mais il reconnaît que cela nous est imposé par la loi et par le cadre communautaire. Après trois années de présidence de l'ARCEP, je crois que la régulation a, à la fois, en effet une dimension technico-économique, pour laquelle le cadre communautaire impose une autorité indépendante comme régulateur (notamment quand l'État est actionnaire d'un des opérateurs, voire de l'opérateur principal, ce qui lui rend difficile de rester impartial), mais aussi une dimension politique, contrairement à l'idée erronée selon laquelle l'action publique dans le secteur des télécommunications se limiterait à l'action du régulateur. A cet égard, le désengagement gouvernemental dans le pilotage du secteur des télécommunications a sans doute été une erreur : il est nécessaire qu'il y ait des politiques gouvernementales dans ce secteur, dès lors qu'elles respectent les missions du régulateur prévues par la loi.