Nous sommes partis du constat, confirmé par l'expérience des acteurs de la politique du logement, selon lequel il existait une distorsion entre les besoins criants en matière de logements sociaux et les résultats des méthodes et outils utilisés par chacun des responsables pour répartir la production de logements sociaux, bref la distorsion entre les besoins et la production.
Ce sentiment a notamment été confirmé par les rapports récents de la Cour des comptes, notamment le rapport portant sur les aides à la pierre de 2011 et le rapport public annuel pour 2012.
Par ailleurs, la nécessité de répondre – de façon urgente – à la demande qui évolue de façon exponentielle dans les zones tendues – Île-de-France, Provence-Alpes-Côte d'Azur – et l'impression qu'on ne donnait pas aux responsables les moyens de le faire ont également conduit à vouloir prolonger la réflexion sur ces différentes questions.
La MEC a donc été invitée à s'interroger sur l'ensemble des dispositifs existants pour permettre la construction à la hauteur des besoins de logements sociaux et les répartir de la manière la plus pertinente : détermination des besoins, financement, gouvernance.
Pour ce faire, la MEC a procédé à une série de quatorze auditions, au cours desquelles elle a rencontré les différents acteurs de la politique du logement, notamment les élus locaux, les bailleurs sociaux, la Caisse des dépôts et consignations, les établissements publics fonciers, les préfets auprès de collectivités délégataires des aides à la pierre ainsi que la ministre du Logement et de l'égalité des territoires, Mme Duflot.
Le plan d'investissement pour le logement, présenté le 21 mars dernier par le Président de la République et portant l'ambition de produire, d'ici à 2017, 150 000 logements sociaux par an dans un contexte budgétaire particulièrement tendu confirme que la réflexion menée par la MEC s'inscrit dans une actualité brûlante. Il y a par ailleurs, une réflexion en parallèle du Gouvernement sur le sujet.
En premier lieu, nous nous sommes interrogés sur les conditions d'une définition pertinente des priorités d'allocation des aides à la construction de logements sociaux qui répondent à notre préoccupation centrale : où construire ?
Notre premier constat a été qu'il est nécessaire de renforcer l'évaluation des besoins. En effet, les dispositifs d'identification des besoins en logements sociaux et de connaissance des loyers des marchés locaux doivent être renforcés.
Dans cette optique, une connaissance précise des caractéristiques des parcs de logements, non seulement social mais aussi privé, de leur état et de leur vétusté serait pertinente. Les rapporteurs invitent notamment les collectivités à croiser leurs études avec le diagnostic patrimonial dressé par les bailleurs dans leurs plans stratégiques du patrimoine. La connaissance du fonctionnement des marchés locaux du logement et des niveaux de revenus de la population résidente ou susceptible d'y résider est également indispensable. L'observation des loyers doit, au moins, être faite en lien avec celle des niveaux de revenus.
Il convient de s'interroger sur la portée d'une politique qui, se contentant de soulager les tensions, s'avère forcément lacunaire et en retard par rapport aux besoins. Nous prônons donc la conduite d'une étude prospective de l'évolution des besoins en logements sociaux. Nous recommandons que l'État se concentre sur la synthèse des données qui remonteraient des intercommunalités et des régions, en laissant le soin aux organismes locaux de les collecter et de les traiter à leur échelle. Disposant ainsi d'un balayage assez fin du terrain, l'État pourra jouer son rôle d'arbitre entre tous les territoires.
Rejoignant le point de vue de la Cour des comptes et de l'Union sociale de l'habitat – USH –, nous recommandons la définition d'un zonage propre à la programmation des logements sociaux. Cette classification territoriale doit pouvoir être révisée régulièrement. C'est également un chantier ouvert par le Gouvernement et notre rapport pourra alimenter sa réflexion.
S'agissant des priorités à retenir, il nous est apparu qu'une démarche privilégiant le développement du logement social dans les zones où les besoins sont les plus importants est bien fondée, et qu'il est nécessaire, en conséquence, de maintenir une forme de hiérarchisation des territoires selon leur niveau de tension. Il s'agit alors de trouver le bon dosage pour ne pas sacrifier les attentes légitimes des autres zones. D'où l'importance d'une concertation éclairée et fine entre l'État etou les collectivités d'un même territoire aux différentes étapes du processus.
Si les discussions au sein des comités régionaux de l'habitat – CRH – constituent une étape pertinente pour rapprocher de façon concertée les analyses de l'État et des territoires, le schéma de cohérence territoriale – SCOT – nous apparaît comme l'échelon de planification le plus approprié pour définir les politiques à mener sur un périmètre géographique cohérent pour la vie de ses habitants.
Enfin, la classification d'un territoire devrait notamment tenir compte de ses bassins d'emplois prioritaires et des capacités de mobilité qu'il offre.
Nous nous sommes aussi interrogés sur l'opportunité d'une modulation des aides en fonction des organismes. Mais il nous est apparu plus efficient d'encourager leur regroupement et c'est un point important du rapport. Même si ce ne peut être une solution systématique, le regroupement des bailleurs sociaux au sein d'entités de taille conséquente partageant ressources, compétences et expertise et constituant de ce fait une « force de frappe » pour la construction de nouveaux logements sociaux, en association avec les collectivités locales, serait une source d'efficacité.
Dans un deuxième point, nous nous sommes ensuite attachés à examiner les leviers à même de compléter et d'optimiser les moyens publics mobilisés en faveur de la production de logements sociaux, à la fois pour atteindre les objectifs de production exceptionnels donnés par le Président de la République et pour améliorer la répartition géographique des opérations.
En sus des nouveaux dispositifs prévus par le Gouvernement nous recommandons d'autres pistes pour réunir les ressources publiques nécessaires. Nous rappelons la nécessité d'intégrer les besoins d'entretien et de rénovation des logements sociaux existants dans les projections financières et les programmations relatives au développement du parc. Nous soulignons l'intérêt opérationnel d'un certain niveau de concentration des établissements publics fonciers, prévu par l'une des dispositions du projet de loi sur les métropoles. Nous recommandons que soient étudiés avec attention l'impact de la fin des exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties, dont profitent les opérations de logements sociaux et l'intérêt qu'il y aurait à les prolonger de quelques années. Nous recommandons également de baisser la commission de centralisation de la collecte des livrets A au bénéfice du logement social. Il s'agit de la commission prélevée par les organismes qui collectent l'épargne et qui est de 0,6 %. Nous invitons à s'interroger sur les possibilités de faire bénéficier le logement social des marges d'intérêt pratiquées sur les autres prêts de la Caisse des dépôts et consignations.
Nous retenons les propositions de la Caisse des dépôts consistant à :
– réaménager la dette existante des organismes de logements sociaux – OLS – afin de donner plus de capacité d'investissement ;
– augmenter temporairement la quotité de prêt pour les opérations nouvelles ;
– allonger temporairement les prêts d'une durée de dix ans ;
comme des mesures, non systématiques, de souplesse pour faciliter un effort de production exceptionnel mais indispensable.
Nous recommandons enfin de réfléchir sérieusement et assez en amont, au financement du logement social après 2015.
La réussite d'un tel programme exige la mobilisation des OLS, mais aussi le renforcement de leurs ressources propres. Nous recommandons que, non seulement les collectivités locales utilisent les plans stratégiques de patrimoine des OLS opérant sur leurs territoires pour évaluer leurs besoins, mais que leurs discussions programmatives avec les bailleurs soient davantage adossées à des prévisionnels financiers, la Caisse des dépôts pouvant les conseiller sur la manière de doser leur accompagnement.
Considérant que le renforcement des fonds propres des opérateurs passe par une optimisation de la gestion des loyers, nous insistons sur la nécessité d'appliquer fermement le dispositif des suppléments de loyer de solidarité pour renforcer les ressources des organismes. Nous recommandons le maintien du versement de l'aide personnalisée au logement – APL – en faveur des bailleurs sociaux, même en cas de défaillance du locataire, pour faire contrepoids au rationnement que le conventionnement impose à leurs recettes.