Intervention de élisabeth Kimmerlin

Réunion du 16 juillet 2013 à 17h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

élisabeth Kimmerlin, membre du Comité de direction de Paris Pionnières :

Paris Pionnières est une structure qui accompagne des femmes dans la création d'entreprises dont le caractère innovant est remarquable – le concept d'innovation étant entendu dans une acception très large. Cette structure a été fondée en 2005 à Paris mais a essaimé depuis puisqu'elle forme désormais une fédération, avec des structures d'accompagnement implantées dans un certain nombre de régions et dans les DOM-TOM (une première structure vient d'être ouverte en Martinique) ainsi que dans des pays étrangers (Belgique, Luxembourg, Maroc et bientôt en Tunisie).

Le but de Paris Pionnières est d'accompagner les femmes dans l'ensemble de leurs démarches entrepreneuriales, de la matérialisation de leur projet aux premières années d'exploitation de l'entreprise. Nous n'aidons pas seulement les femmes dans la genèse de leur projet mais également jusqu'à ce que l'entreprise se développe et crée des emplois.

Depuis 2005, date de la création de Paris Pionnière, plus de 963 projets ont été présentés pour sélection ; 266 projets ont été accompagnés – avec des femmes de toutes générations, y compris des femmes d'une cinquantaine d'années ayant déjà un passé professionnel –, parmi lesquels une centaine a abouti à la création d'entreprises possédant une activité opérationnelle et des clients, créant au total 700 à 800 emplois. La caractéristique des entreprises ainsi accompagnées est qu'il doit y avoir une femme à leur tête. Cela étant, une entreprise peut se créer à plusieurs et il n'est pas question de dire : « Interdit aux hommes ! ». L'équipe de direction peut être mixte, cette situation étant la plus propice à la croissance de l'entreprise puisque la mixité est le reflet de notre société.

S'agissant de la question des spécificités que pourraient présenter les entreprises créées par les femmes, en tant qu'objets économiques et personnes morales, on ne note pas de différences fondamentales par rapport à celles créées ou dirigées par un homme. Les entreprises doivent présenter une offre innovante qui trouve son marché. La façon de diriger l'entreprise peut comporter quelques différences mais il existe des traits invariants, nonobstant le sexe de la personne qui dirige. En revanche, dans un certain nombre de cas – il s'agit sans doute d'un trait de génération –, les femmes que nous interrogeons indiquent être confrontées à des freins dans leur démarche de création d'entreprise.

Le premier obstacle tient au poids des représentations qui entourent le statut de femme cheffe d'entreprise ou l'exercice de fonctions de direction – aspect qu'aborde le projet de loi-cadre. Celles qui ont franchi la porte de Paris Pionnières ont dépassé cet obstacle : dès lors qu'elles ont un projet qui exprime un désir d'entreprendre, c'est qu'elles se projettent déjà dans le rôle de cheffe d'entreprise. En revanche, pour ce qui est de prendre des risques, de se mettre en danger, notamment d'un point de vue financier, beaucoup de facteurs – l'éducation, la culture et les stéréotypes sociaux – conduisent les femmes à une plus grande frilosité. Elles portent des projets qui manifestent la volonté de gains progressifs plutôt que l'ambition de gains d'emblée spectaculaires qui nécessiterait la mobilisation de moyens financiers importants. Il y a donc là la nécessité d'un accompagnement, en particulier dans la recherche de financements, qui – me semble-t-il – constitue un besoin spécifique. Cela ne signifie pas que cet accompagnement n'est pas également nécessaire pour les hommes créateurs d'entreprises mais ils abordent la question d'une manière tout à fait différente. Chez les femmes, on observe encore – second frein – le « syndrome de la bonne élève » qui, estimant devoir être reconnue au titre de la qualité de son travail, a moins l'habitude de se vendre à propos de choses qui ne sont pas encore réelles et qui, en conséquence, possède une moindre capacité d'entraînement parce qu'elle souhaite attendre que tout soit « au carré » avant de commencer à se vendre.

S'agissant de la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, dans un « incubateur » où l'on trouve une majorité de femmes, il est plus facile pour elles d'aborder cette question, d'évoquer des problèmes de garde d'enfants. Tel n'est pas le cas dans des environnements plus masculins où l'on occulte plus volontiers des considérations relatives à la répartition des tâches ménagères. Dans la phase de la création d'entreprise, la question de l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée devient plus floue dans la mesure où les femmes consacrent une partie de leur vie privée à la réalisation de leur projet, lequel est souvent considéré comme un enfant à naître. D'ailleurs, comme dans d'autres carrières professionnelles, certaines femmes sont amenées à faire un choix entre la création de leur entreprise et la maternité. La frontière entre vie privée et vie professionnelle s'estompe ainsi quelque peu : les femmes ne se lèvent pas afin d'aller travailler pour quelqu'un ; elles viennent travailler pour leur projet. Cela dit, elles ont quand même besoin de temps pour se consacrer à tout ce qu'elles doivent gérer. Les femmes disposent de plus de latitude dans le cadre de la création d'une entreprise que lorsqu'elles possèdent un emploi salarié en ce qu'elles jouissent d'une relative maîtrise de leur emploi du temps. Cela peut représenter néanmoins un volume d'heures de travail considérable.

Dans ces conditions, on peut aider les femmes en développant les structures d'accompagnement, les structures de garde pour la petite enfance, ainsi que toute structure susceptible de leur offrir de la souplesse dans la gestion de leur emploi du temps.

En ce qui concerne la santé des femmes au travail, je ne possède pas d'éléments particuliers. Les structures d'accompagnement, à l'exemple de celle dans laquelle j'interviens, sont extrêmement sensibles à cette problématique, en particulier à la question du stress. Sur ce point, l'accompagnement dans la création d'entreprise ne doit pas porter uniquement sur les aspects commerciaux. Il doit permettre aux femmes de conserver un certain équilibre dans leur vie. La création d'entreprise n'a pas besoin de martyres !

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