Intervention de Chantal Mainguené

Réunion du 16 juillet 2013 à 17h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Chantal Mainguené, fondatrice de Môm'artre :

Je peux répondre sur ce sujet à plusieurs titres. Je suis une femme entrepreneuse, de surcroît dans le domaine social. J'ai fondé mon projet précisément parce que je devais moi-même élever seule mes enfants. À cette époque, j'étais salariée et je n'envisageais pas la création d'une entreprise.

Mon entreprise a pour objet la conciliation des temps, qui constitue un véritable enjeu. Nous assurons l'accueil de 775 familles. Nous allons chercher les enfants tous les soirs, à la sortie de 42 écoles, jusqu'à la fin de l'école primaire. Nous avons mis en place un système de prise en charge globale de la sortie de l'école à 20 heures chaque soir : nous servons un goûter aux enfants à leur arrivée ; nous les aidons à faire leurs devoirs ; nous réalisons un projet éducatif autour de l'art comme moyen de réussite des enfants, notamment dans les quartiers défavorisés. L'âge moyen des enfants pris en charge est de 7 ans. Nous avons 30 % de mères élevant seules leurs enfants, proportion identique au taux de familles monoparentales en Ile-de-France. Je tiens ici à souligner que le fait d'être à la tête d'une cellule familiale monoparentale représente une difficulté supplémentaire lorsqu'une femme désire entreprendre. C'est un parcours du combattant ! Personnellement, j'ai attendu d'avoir reconstruit ma vie personnelle et d'avoir trouvé une stabilité pour me lancer.

Il faut bien évidemment permettre la conciliation des temps de vie par le développement de services. On parle beaucoup des crèches et de la petite enfance. Nous nous occupons de la prise en charge des enfants après l'école. La vie des femmes ne s'arrête évidemment pas à 16 heures ou 16 heures 30. Dans le milieu de l'entrepreneuriat, il y a souvent des rendez-vous après. Dès lors, il faut réfléchir aux horaires, aux conditions de prise en charge et pas seulement aux capacités. Nous fermons à 20 heures. Si nous fermions plus tôt, notre service ne présenterait pas d'utilité sociale et nous perdrions bon nombre de familles. Depuis douze ans, d'après les statistiques, l'heure à laquelle s'achève leur journée est en moyenne 19 heures 15. Si tous les services de garde fonctionnaient jusqu'à 19 heures 15 ou 19 heures 30, nous fournirions une vraie réponse. Le développement des modes de garde apparaît comme une nécessité mais il faut de la souplesse – ce qui revient très souvent dans les demandes exprimées par les parents. Les situations professionnelles et « l'organisation » du cercle familial sont très diverses. Jusqu'à 9 et 10 ans, les parents ont besoin de solutions qui les rassurent.

Il faut donc de la souplesse et cette nécessité vaut pour les modalités d'inscription. J'ai cru comprendre que dans le texte du projet de loi-cadre pour l'égalité entre les femmes et les hommes, il était prévu d'accorder aux femmes cheffes d'entreprise une même priorité d'accès aux crèches et aux structures périscolaires que les salariées. J'attire votre attention sur la nécessité de faire en sorte que par-delà l'égalité des droits, il y ait une égalité d'accès : des femmes cheffes d'entreprise ne peuvent parfois inscrire leurs enfants parce qu'elles ne peuvent fournir les trois derniers bulletins de salaire. L'activité des entreprises ne suit pas un cours linéaire. Il faudrait que les femmes cheffes d'entreprise puissent inscrire leur enfant dans des moments où elles doivent davantage s'investir et qu'elles ne peuvent pas nécessairement compter sur le soutien d'un compagnon ou d'un mari.

J'ai participé, pour terrafemina, à un groupe de travail consacré à la perception de l'entrepreneuriat, avec un groupe d'hommes d'un côté et un groupe de femmes de l'autre. Il en ressort l'idée que les femmes qui entreprennent le font pour s'occuper, se donner un loisir alors que les hommes sont davantage perçus comme des patrons, des hommes d'affaires. Les termes employés ne sont pas les mêmes pour décrire la représentation des femmes cheffes d'entreprise.

Dans le projet de loi, il est question de faciliter l'usage du compte épargne temps. Or, les femmes cheffes d'entreprise ne sont pas salariées et ne sont pas concernées. Quelles sont les réflexions engagées afin d'adapter ce dispositif à la situation spécifique des femmes cheffes d'entreprise, des travailleurs indépendants ?

Je tiens par ailleurs à signaler que le financement du périscolaire relève d'un véritable parcours du combattant. Cela fait douze ans que je me bats. Il faudrait revaloriser les conditions d'accueil dans le secteur. À titre d'illustration, le barème de la Caisse d'allocations familiales donne droit à quarante-neuf centimes d'euros par enfant et par heure, ce qui pour nous ne couvre que le coût du goûter servi aux enfants. Ce montant ne permet pas de financer nos actions et nos salaires. Si l'on veut développer l'articulation des temps de vie, il faut assurer le financement de la prise en charge de la petite enfance mais également du périscolaire.

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