Intervention de Stéphane le Foll

Réunion du 17 juillet 2013 à 16h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Stéphane le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt :

Vous m'avez dit que le secteur souhaitait des aides couplées sur la fécule. On n'en aura pas, mais j'ai bien compris votre message.

L'élevage est plus difficile parce que les prix ont été stables et que le coût de production lié à l'alimentation a augmenté. L'achat de fourrages – le blé fourrager en particulier – a absorbé une partie de l'augmentation du prix des céréales produites en France, en Europe ou dans le monde – soja ou autres. La rentabilité du capital investi dans l'élevage est aujourd'hui plus faible que dans les céréales. Il en est de même de la productivité du travail dans l'élevage, tout simplement parce qu'il demande davantage de main d'oeuvre.

Dans ces conditions, l'agriculteur qui le peut se lance dans une autre production. Donc, si on ne compense pas en partie par la dépense publique cette faiblesse de la rentabilité du capital et de la productivité du travail, la tendance actuelle se confirmera : on fera de moins en moins d'élevage et de plus en plus de céréales. Or ce n'est pas l'intérêt de la France. Si nous ne transformons pas nos protéines végétales en faisant de la viande, nous y perdons en termes d'emplois et de valeur ajoutée. Nous ne pouvons pas l'accepter.

Il va donc falloir procéder à une répartition. Aujourd'hui, la moyenne des aides de la PAC tourne autour de 268 euros l'hectare. Certaines exploitations sont au-dessus, d'autres sont au-dessous. Cette moyenne passera à 242 ou 243 euros parce que le volume de l'enveloppe du premier pilier va un peu baisser. Comme, en 2003, l'Europe a fait le choix du découplage total et de la convergence des aides, certaines exploitations vont y perdre, et d'autres y gagner.

Ceux qui sont autour de la moyenne – par exemple, les céréaliers qui reçoivent entre 240 et 260 euros par hectare – n'y perdront pas. Mais d'autres y perdront. Je vous suggère de vous référer aux cartes reproduites sur le site du ministère de l'agriculture. Les producteurs des zones intensives, qui ont des droits à paiement unique – DPU – élevés, comme le Grand Ouest, y perdront ; ceux qui sont au sud de la Loire et dans le grand bassin du Massif central, et ceux des zones extensives y gagneront.

Comment faire en sorte que ceux qui y perdent n'y perdent pas trop et éviter que leur viabilité économique ne soit remise en cause ? Je pense plus particulièrement aux éleveurs laitiers, qui sont déjà en difficulté. Et comment faire en sorte que le transfert qui s'opère persiste tout de même ? En effet, l'élevage allaitant, il faut bien le reconnaître, est le secteur où les revenus sont les plus faibles.

J'ai plusieurs leviers à ma disposition.

Le premier est la convergence. Plus je fais converger les aides, plus je baisse celles qui sont au-dessus de la moyenne et je remonte celles qui sont au-dessous. Plus je converge, plus je fais de la redistribution. L'Europe nous laisse entre 60 % et 100 % de convergence. Ceux qui veulent le plus de redistribution doivent aller jusqu'à 100 % de convergence. Mais si je fais cela sans opérer aucune correction, certains élevages et certaines zones y perdront beaucoup.

Voilà pourquoi, pour corriger et soutenir l'emploi dans l'élevage, je remonterai une partie des aides sur les cinquante premiers hectares. C'est mon deuxième levier. Tout le monde en profitera, les céréaliers comme les autres. Mais il s'agit d'abord de limiter les pertes là où il y a le plus d'emplois agricoles.

Le troisième levier est le couplage des aides. Il consiste à amener des aides directement sur des productions spécifiques, en particulier l'élevage : ovin, caprin, bovin. C'est déjà acquis. Dans l'enveloppe que j'ai négociée, le taux de ces aides peut aller jusqu'à 13 %. Aujourd'hui, nous sommes autour de 10,8 % et nous intégrerons une des primes qui existait déjà mais qui était payée sur le budget français, la prime nationale à la vache allaitante. On sera alors autour de 11,8 %. Il nous reste donc à répartir 1,2 %.

Mais passons au deuxième pilier.

D'abord, nous prendrons des MAE. À ce propos, il n'est pas possible d'en changer l'objectif puisqu'elles sont, par définition, de nature agro-environnementale. Elles sont liées à l'amélioration de la production, mais elles doivent également être écologiques. Lorsque j'ai dit que je souhaitais des MAE « système », c'est précisément pour pouvoir favoriser des dynamiques de groupements d'intérêt économique et écologique.

Ensuite, nous avons relevé les plafonds de l'ICHN – indemnité compensatoire des handicaps naturels. Par souci de simplification, nous proposerons de fusionner l'ICHN et la prime à l'herbe.

Voilà comment se présente le débat. Vous vous rendez compte que dès que l'on déplace un curseur, on modifie l'équilibre général. Voilà pourquoi j'ai dit que je voulais rééquilibrer sans déséquilibrer.

Prenez l'Aisne, dont un des députés, monsieur Jacques Krabal, est intervenu tout à l'heure. Une partie de ce département, la Thiérache, fait de l'élevage, alors qu'ailleurs on y fait des céréales. Les céréaliers ont peur qu'on ne leur en prenne trop ; ils sont contre la surprime pour les cinquante premiers hectares et désirent le moins de convergence possible. Mais ceux de la Thiérache ne sont sans doute pas du même avis.

En Alsace, où les exploitations ne dépassent pas, en moyenne 70 ou 72 hectares, la surprime aux cinquante premiers hectares garantira une partie des DPU. Mais elles font par ailleurs beaucoup de maïs irrigué, très haut en DPU. Il est donc probable que globalement, leurs aides baisseront tout de même.

Les situations sont très diverses. Un exemple : dans les Deux-Sèvres (Rires), il y a beaucoup de céréales, mais aussi un certain nombre de productions spécifiques : chèvres, lait, etc., qui font l'objet de plans et sur lesquelles nous allons continuer à travailler.

Les exploitations de montagne peuvent bénéficier de l'ICHN et de l'intégration du pastoralisme, sachant que les droits à paiement de base – DPB – ne seront pas calculés sur l'hectare, parce que cela coûterait trop cher.

Cela m'amène à la formation des louvetiers et au plan national loup, dont l'objectif n'est évidemment pas la réintégration de cet animal (Sourires) – monsieur Aubert, je connais votre ironie – mais son prélèvement ciblé. Aujourd'hui, il faut trois semaines pour tuer un loup, sans même savoir si c'est bien celui-là qui a attaqué. Les lieutenants de louveterie venant d'ailleurs, il faut attendre qu'ils arrivent et qu'ils prennent des repères, ce qui fait perdre du temps. C'est pourquoi nous avons travaillé avec les louvetiers et avec les fédérations de chasse – en particulier avec les associations communales de chasse agréées, les ACCA – pour former des chasseurs locaux, qui connaissent le terrain. Nous serons ainsi plus efficaces.

Mme Brigitte Allain s'est interrogée sur le plan EMAA et les méthaniseurs.

Investir exploitation par exploitation alourdit la responsabilité et les charges de l'exploitant sans résoudre les problèmes économiques et écologiques auxquels on doit faire face. Il faut donc raisonner beaucoup plus collectivement. Pour autant, il faut éviter que les méthaniseurs n'atteignent une taille gigantesque. Tout est une question d'équilibre.

Le plan EMAA aboutira par ailleurs à des changements réglementaires. Nous souhaitons en effet que le digestat – ce qui reste après la méthanisation – soit homologué comme fertilisant, ce qui suppose de renégocier la réglementation. Nous devrions avoir abouti avant la fin de l'année, voire dès le début de l'automne, à l'homologation des digestats.

Cela acquis, on pourra raisonner « azote total » : le digestat, à base d'azote organique, pourra être utilisé comme tout fertilisant et évitera les importations d'azote minéral. Autant utiliser de manière intelligente notre excédent d'azote organique. Cela va changer beaucoup de choses. Ainsi, dans la loi d'avenir agricole, il est prévu que l'on demande des déclarations de vente d'azote minéral. L'objectif est en effet de limiter ce dernier. Mais pour pouvoir le diminuer, il faut qu'on le mesure ; pour pouvoir le mesurer, il faut savoir qui en achète et qui en vend. J'espère que vous me soutiendrez. (Sourires)

Mais je m'aperçois que j'ai oublié de vous indiquer qu'une partie du couplage des aides, soit 2 % de celles-ci, pourra aller vers des productions de protéines végétales. C'est très important. Reste à savoir à qui iront ces aides.

J'en viens rapidement aux agrocarburants, que l'on peut aussi appeler les biocarburants – je n'ai pas de religion en la matière (Sourires). La seule chose dont je sois sûr, c'est que la France a été le premier pays à proposer que l'on fasse une pause en matière d'incorporation des bio ou agrocarburants. Maintenant, l'Europe va plus loin que nous. Nous sommes aujourd'hui autour de 7 %, et l'Europe veut redescendre à 5 %.

Je ne suis pas contre ces bio ou agrocarburants – je vous souhaite d'ailleurs de vous procurer le rapport qui vient de sortir sur le sujet. Mais il n'était pas réaliste d'imaginer qu'ils allaient remplacer le pétrole : nous faisons donc une pause sur l'incorporation. La défiscalisation sur ces bio ou agrocarburants durera encore trois ans. Pour autant je ne veux pas qu'on dise que cette filière serait inutile : elle a été utile, ne serait-ce que pour remplacer une partie de l'énergie fossile et pétrolière.

Nous avons choisi de limiter cette incorporation à 7 % – alors même que certains souhaitaient la porter à 12 ou 15 %. Quand la Commission européenne reviendra avec un projet, on en rediscutera de manière sérieuse. La France, je le rappelle, a été la première à propose une pause. Nous sommes parfaitement cohérents avec nous-mêmes.

Revenons à la méthanisation. L'Allemagne produit du maïs pour faire du méthane. Si nous sommes malins, avec des systèmes et des productions intercalaires, et que nous associons les intercommunalités qui produisent des déchets, nous pourrons mettre en place un système autonome en termes de matières carbonées pour utiliser les digestats. C'est en tout cas l'objectif sur lequel nous sommes en train de travailler.

Le plan sur les antibiotiques doit se poursuivre. Nous souhaitons nous diriger vers un système d'utilisation des antibiotiques spécifiques, avec un objectif de réduction des antibiotiques critiques – qui sont également utilisés par les humains – afin de lutter contre l'antibiorésistance envisagée de manière globale.

Deux rapports sont sortis sur la prescription et la vente de produits antibiotiques par les vétérinaires. Le réseau vétérinaire est essentiel à la protection sanitaire.

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