Vous avez souhaité que nous échangions au sujet des aides à la construction de logements sociaux. Après un an de travail en commun, il est en effet possible et opportun de dresser un premier bilan de nos actions et de nos engagements en faveur du logement social.
En un an, l'État a, d'une part, consenti un effort financier important et, d'autre part, renouvelé son partenariat avec le monde HLM, ce qui n'est pas négligeable : le pacte de confiance avait été rompu ; l'instauration du prélèvement sur le potentiel financier des organismes HLM avait suscité de fortes tensions. J'ai souhaité responsabiliser les acteurs du monde HLM, tout en leur donnant les moyens financiers d'exercer ces responsabilités. Le Gouvernement mène donc une politique à la fois ambitieuse et pragmatique, qui tient compte de nos difficultés budgétaires.
Nous nous sommes fixé un objectif ambitieux de construction de 150 000 logements sociaux par an, soit 25 % de plus que les années précédentes. De plus, nous avons donné la priorité à la construction de logements en faveur des plus défavorisés. La loi de finances initiale pour 2013 prévoit le financement de 150 000 logements sociaux : 33 000 par le prêt locatif aidé d'intégration (PLAI) ; 69 000 par le prêt locatif à usage social (PLUS) ; 48 000 par le prêt locatif social (PLS). Ces objectifs sont en hausse, respectivement, de 50 %, de 25 % et de 13 % par rapport à 2012. Afin qu'ils ne demeurent pas purement incantatoires, le Gouvernement a mobilisé l'ensemble des moyens à sa disposition.
La loi du 18 janvier 2013, dont le décret d'application a été signé le 15 avril, rend désormais possible la cession du foncier public avec une forte décote pouvant aller jusqu'à la gratuité. Elle a également renforcé les obligations des communes en matière de production de logements sociaux et fortement accru les sanctions encourues – les pénalités ont été quintuplées – par celles qui ne les respecteraient pas.
Le Plan d'investissement pour le logement (PIL), dévoilé par le Président de la République le 21 mars 2013, a réaffirmé les objectifs et prévu vingt mesures qui permettront d'accélérer la construction et la rénovation des logements, notamment le raccourcissement des délais de traitement des recours contentieux contre les permis de construire, la possibilité de densifier le tissu urbain, le développement du logement intermédiaire, le lancement du plan de rénovation énergétique de l'habitat.
S'agissant du raccourcissement des délais de traitement des recours contentieux contre les permis de construire, je présenterai, comme je m'y suis engagée hier devant la commission des affaires économiques, un projet d'ordonnance au conseil des ministres du 17 juillet prochain.
Au total, le Gouvernement a mobilisé des moyens financiers à la hauteur des objectifs fixés : il nous fallait faire la démonstration qu'il existait des moyens disponibles pour financer la construction de 150 000 logements sociaux. Les aides à la pierre ont été augmentées de 11 %, passant d'un niveau d'engagement de 450 millions d'euros en 2012 à 500 millions en 2013. Le plafond du livret A a été relevé afin de répondre aux besoins de financement des opérations de construction et de rénovation de logements sociaux. Le prélèvement sur le potentiel financier des organismes HLM a été supprimé.
Parallèlement, l'État et Action logement ont conclu un accord qui permet une mobilisation exceptionnelle de la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC) en faveur du financement du logement locatif social pour les années 2013 à 2015. Son financement complémentaire, d'un montant annuel de 1,5 milliard d'euros correspondant à 950 millions d'euros en équivalent subvention, entraîne – compte tenu du lien avec les aides à la pierre versées par l'État – un quasi-doublement des aides disponibles pour les bailleurs sociaux, cohérent avec la hausse des objectifs fixés.
Le taux de TVA sera abaissé à 5 % pour toutes les constructions de logements sociaux livrés en 2014, y compris lorsqu'ils seront réalisés dans le cadre d'une vente en l'état futur d'achèvement (VEFA) ou financés par le prêt social de location-accession (PSLA).
J'ai également proposé des instruments pour mener à bien l'indispensable rénovation thermique du parc. Des réponses concrètes ont été apportées par le Plan d'Investissement pour le Logement : un prêt « éco-PLS » à 1 % ; une TVA sur les travaux de rénovation de logements sociaux à 5 % à compter du 1er janvier 2014. Les organismes HLM ont donc les moyens d'atteindre l'objectif de 120 000 réhabilitations thermiques par an.
Afin de concrétiser ces multiples efforts et de s'assurer que, en contrepartie de l'effort consenti par la puissance publique, les objectifs seront effectivement réalisés, j'ai souhaité qu'un pacte soit conclu entre l'État et l'Union sociale pour l'habitat (USH). Il sera signé le 8 juillet prochain. Il scellera les engagements réciproques pris par l'État et le monde HLM afin de réaliser les objectifs de construction fixés par le Président de la République.
Il précisera, en particulier, les modalités selon lesquelles les bailleurs sociaux mutualiseront leurs fonds propres au bénéfice des zones où les besoins sont les plus importants. Les cotisations des organismes seront quasiment doublées et les fonds mutualisés s'élèveront, en année pleine, à 280 millions d'euros. Le processus a pris du temps, mais la démarche est historique : les bailleurs sociaux ont organisé et géreront eux-mêmes ce dispositif de mutualisation financière. Cette décision et la signature du pacte témoignent du renouvellement d'un partenariat authentique et exigeant entre l'État et le monde HLM.
Cependant, dans une période marquée par de fortes contraintes budgétaires, l'effort consenti par l'État doit s'accompagner d'un meilleur ciblage des aides. Nous devons privilégier les territoires les plus en difficulté et construire là où les besoins sont les plus importants, là où nos concitoyens attendent que la puissance publique se mobilise pour répondre à leurs problèmes les plus criants.
C'est pourquoi la territorialisation des aides à la construction doit consister avant tout à concentrer les moyens dans les zones où s'exprime l'essentiel des demandes et où, faute d'offre disponible, le droit au logement opposable ne parvient pas à se concrétiser pleinement, où les loyers sont trop élevés et la sur-occupation excessive. Il convient également de construire dans ces zones parce que c'est là qu'il est plus difficile de le faire : le foncier y est plus cher et les droits à construire plus rares ; il est souvent nécessaire de « refaire la ville sur la ville ».
Je refuserai cependant toujours de sacrifier l'efficience de notre action à une politique du chiffre, somme toute assez facile à réaliser. Si nous ne territorialisons pas notre action avec rigueur, si nous nous contentons de « construire pour construire », nous produirons sans doute davantage de logements sociaux, mais nous ne répondrons pas aux besoins, voire construirons là où les besoins ne sont pas avérés, ce qui sera source d'autres difficultés.
Nous avons tenu compte de ces exigences lors de la répartition de la dotation des aides à la pierre. J'ai ainsi décidé de donner la priorité aux régions qui éprouvent le plus de difficultés, en fonction de données objectives : faible taux de vacance du parc, forte croissance démographique, prix du foncier élevé, nombre important de demandeurs de logements sociaux et d'allocataires d'aides au logement dans le parc privé.
Sur la base de ce calcul qui prend en compte les besoins, il est assez naturel que près des deux tiers de la dotation globale soient affectés à l'Île-de-France, à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et à la région Rhône-Alpes.
La répartition des crédits à l'échelle nationale s'appuie donc sur une méthode objective, garante de l'efficience de l'action de l'État au regard des besoins : il convient de cibler de manière efficace les territoires les plus tendus.
À l'intérieur des régions, la répartition des crédits relève de la compétence des préfets de région, après avis du comité régional de l'habitat (CRH). Il ne revient pas au ministère du logement de décider, depuis Paris, de leur affectation commune par commune. Il convient, au contraire, de privilégier une gestion locale et un dialogue entre acteurs de terrain, garants d'une bonne répartition des aides sur le territoire.
Les aides de l'État sont désormais distribuées en majorité par des collectivités territoriales délégataires, qui sont aujourd'hui au nombre de cent neuf : vingt-six départements et quatre-vingt-trois EPCI (établissements publics de coopération intercommunale). En 2012, plus de la moitié – 55 % – des logements sociaux ont été financés de cette manière. Nous allons continuer à appliquer cette méthode de travail efficace et l'étendre dans le cadre de la création de la métropole parisienne. Il convient de faire confiance aux collectivités territoriales, l'État demeurant le garant de la solidarité entre les territoires et du respect des objectifs fixés.
Ce système fonctionnant bien, j'ai décidé de renforcer la délégation de compétence en matière d'aides à la pierre et d'en enrichir le contenu dans le cadre du projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), actuellement examiné par la commission des affaires économiques.
La territorialisation des aides à la pierre passe également par celle des interventions d'Action logement, dont le réseau se déploie sur tout le territoire. Je souhaite qu'Action logement développe ses partenariats avec les collectivités territoriales, afin de mieux cibler encore son action. Dans la lettre d'engagement mutuel signée entre l'État et l'Union des entreprises et des salariés pour le logement (UESL) le 12 novembre 2012, Action logement s'est ainsi engagée à renforcer ses liens avec les territoires en passant des conventions avec les agglomérations.
Beaucoup a donc déjà été fait. Cependant, les marchés locaux de l'habitat étant très divers, il est indispensable d'aller encore plus loin dans l'adaptation de la politique du logement aux besoins des territoires et de leurs habitants.
J'ai donc engagé trois chantiers en ce sens.
D'abord, j'ai lancé la création d'un réseau d'observatoires locaux des loyers, qui permettra d'affiner notre connaissance du parc et de ses caractéristiques, des montants des loyers, du profil des demandeurs de logement et des difficultés éventuelles. Dix-neuf sites pilotes ont été sélectionnés à la suite d'un premier appel à candidatures et ont bénéficié de financements de l'État pour développer leurs observatoires. Une évaluation de cette première phase sera réalisée à l'automne en vue du lancement d'un second appel à projets, plus large : l'objectif est de couvrir l'ensemble des agglomérations de plus de 50 000 habitants d'ici à la fin de l'année. Un comité scientifique s'assurera que les données seront parfaitement comparables d'une région à l'autre sur l'ensemble du territoire national.
Ensuite, j'ai lancé une refonte du zonage dit « A, B, C », sur lequel repose le dispositif d'incitation à l'investissement locatif. Un groupe de travail associant élus, professionnels du bâtiment, bailleurs et associations a été constitué en vue d'établir une méthode partagée d'actualisation. C'est un exercice complexe et politiquement très sensible. À terme, le zonage découlera de l'application de critères identifiés grâce au travail des observatoires des loyers. En attendant, une première proposition de zonage révisé a été formulée ; elle fait actuellement l'objet d'une concertation.
Enfin, dans le cadre de la modernisation de l'action publique (MAP), j'ai confié à M. Delarue la mission d'évaluer l'efficacité du système de financement actuel, qui repose en grande partie sur des zonages définis à l'échelle nationale, et de formuler des propositions en vue d'améliorer la territorialisation des politiques du logement, clé de leur efficacité et de leur rentabilité.
Effort financier accru, meilleur ciblage des aides afin de les rendre plus efficaces : telle est la feuille de route du Gouvernement en matière de logement social. Je veille à ce qu'elle soit respectée à la lettre, soyez-en assurés. À cette fin, j'installerai un comité de suivi des engagements pris dans le cadre de l'accord qui sera signé entre l'État et l'USH. Il sera placé sous mon autorité et se réunira mensuellement. Il fera le point sur les réalisations qui doivent découler de cette importante mobilisation de l'État.