Intervention de Cécile Duflot

Réunion du 3 juillet 2013 à 16h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement :

La construction de 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux, est un objectif noble, qu'il était nécessaire de fixer : il s'agit de répondre aux besoins et de s'attaquer aux racines de la crise du logement. Revenir sur l'objectif signifierait que l'on renonce à le faire. Cependant, je suis lucide sur les difficultés que nous aurons pour l'atteindre.

En matière de logement social, l'État et les opérateurs disposent des moyens financiers et de l'ingénierie nécessaires. Nous devons donc réaliser l'objectif ou, à défaut, identifier les raisons qui nous empêchent de le faire. Telle sera précisément la mission du comité de suivi du pacte signé entre l'État et l'USH. Nous connaissons déjà certaines de ces raisons : difficultés d'accès au foncier ; frilosité de certaines collectivités à la veille des élections municipales.

Quoi qu'il en soit, je refuse que l'on affirme d'emblée que nous ne pourrons pas faire face à la crise du logement. J'admets bien sûr que cela sera difficile. Mais les difficultés m'incitent à décupler mon énergie. Nous persévérerons donc dans cette voie.

Vous évoquez avec raison la question du parcours résidentiel, monsieur Piron. Dans le cadre de la loi habilitant le Gouvernement à légiférer pour accélérer les projets de construction, je présenterai une ordonnance qui définira le statut du logement intermédiaire. Chacun comprend bien ce dont il s'agit : les loyers ou les prix d'achat de ces logements sont intermédiaires entre ceux des logements sociaux et ceux pratiqués sur le marché. Cependant, l'absence de statut empêche à ce jour de fixer des objectifs dans les plans locaux de l'habitat (PLH) en matière de construction de logements intermédiaires ou de prévoir des dispositions spécifiques pour l'encourager, telle que la baisse du taux de TVA à 10 % annoncée par le Président de la République. Ce taux réduit de TVA, qui s'ajoutera au dispositif d'aide à l'investissement locatif, devrait permettre de contenir les prix et de produire des logements accessibles aux ménages qui auraient les moyens de quitter leur logement social mais sont loin d'avoir ceux de louer ou d'acquérir un bien sur le marché classique. Ces mesures seront très utiles à la fluidification du parcours résidentiel.

En matière de zonage, nous réfléchissons en effet à la création d'une zone A ter, qui concernerait Paris et quelques autres communes où le marché est très tendu. Il est possible que cette mesure voie le jour. La question d'une division de la zone A bis est en tout cas posée.

S'agissant de la Modernisation de l'action publique, le premier rapport d'étape, remis hier, est présenté aujourd'hui même au comité de pilotage. Le rapport définitif sera remis à la mi-septembre. Nous aurons alors une vision très précise en matière de territorialisation.

À cet égard, nous territorialiserons d'autant mieux la politique du logement que nous connaîtrons les réalités du terrain. D'où l'importance des observatoires des loyers. Pour répondre à votre question, monsieur Piron, nous ne créons ni « un » ni « des » observatoires, mais un réseau d'observatoires autonomes et pilotés localement. Sous la responsabilité du comité scientifique composé de statisticiens que j'ai mentionné, les observatoires se doteront d'une méthodologie commune, ce qui permettra de comparer facilement et de manière pertinente les données d'un territoire à un autre. Nous nous appuyons sur les initiatives locales existantes, certaines étant plus avancées que d'autres. De ce point de vue, l'Observatoire des loyers de l'agglomération parisienne (OLAP), qui associe l'État, les collectivités territoriales, les professionnels, les propriétaires et les associations de locataires, constitue un modèle de gouvernance et un exemple de bonnes pratiques.

La question du regroupement, voire de la fusion des organismes HLM est un serpent de mer ! Si nous nous lancions aujourd'hui dans une opération de regroupement institutionnel, nous y consacrerions une grande partie de nos moyens et de notre énergie, que nous ne pourrions plus, dès lors, mettre au service de la construction de logements. S'il convient de ne pas transiger sur certains objectifs, il faut également savoir affecter les moyens en fonction des priorités. Or l'objectif prioritaire est bien la construction de logements.

Nous avons néanmoins prévu, dans le projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), des dispositions qui faciliteront le regroupement des organismes et de leurs fonctions support, afin d'améliorer leur fonctionnement et de renforcer leur capacité d'intervention. Il convient d'être pragmatique et d'aller progressivement vers des regroupements, dans les territoires où de tels projets sont mûrs. Cependant, l'expérience montre que l'efficacité n'est pas toujours corrélée à la taille : certains petits organismes font preuve d'une grande réactivité et d'une réelle inventivité.

Quant à la mutualisation des fonds propres prévue par l'USH, c'est une excellente décision et une première étape dans la bonne direction. Elle permettra de dégager une aide supplémentaire pour chaque nouveau logement financé par le PLUS ou le PLAI, d'un montant de 3 300 euros en zones I bis et I, et de 1 300 euros en zones II et III. C'est donc une nouvelle forme de subvention, apportée par le mouvement HLM lui-même. Cela démontre que les opérateurs sont attachés, comme je le suis – je l'ai rappelé lorsque nous avons débattu de la faculté pour les organismes HLM de créer des filiales dédiées à la construction et à la gestion de logements intermédiaires –, à ce que les bénéfices tirés de la gestion du parc social soient réutilisés pour la construction de logements sociaux. Deux options sont envisageables à cette fin : mutualiser les fonds propres provenant principalement de la location des logements amortis – comme cela sera fait – ou céder une partie du parc social. Je n'ai pas de position doctrinaire concernant la vente du parc, mais je ne souhaite pas fixer d'objectifs en la matière, comme cela a été fait par le passé : c'était une manière autoritaire d'obliger les organismes HLM à reconstituer leurs fonds propres.

Mon prédécesseur m'avait prédit que nous ne parviendrions pas à réaliser une mutualisation des fonds propres. Or nous avons démontré que c'était possible. Cela étant, la fonction de ministre du logement force à la modestie : chaque ministre voit l'effet des mesures prises par son prédécesseur ; il en bénéficie ou doit au contraire les assumer.

En matière de territorialisation, je suis déterminée à avancer. Il serait pourtant plus facile d'être conservateur : pourquoi changer un système qui existe depuis des années, au risque de susciter des mécontentements ? Le ministre délégué chargé de la ville en fait actuellement l'expérience : tous convenaient qu'il était nécessaire de modifier le zonage daté sur lequel reposait la politique de la ville, mais il est très difficile de mettre tout le monde d'accord maintenant que ce travail est engagé. En matière de politique du logement, le travail des observatoires devrait permettre d'objectiver la situation des territoires, ce qui nous évitera d'avoir à classer, par décret, telle ou telle commune dans telle ou telle zone.

S'agissant des contraintes normatives, je n'ai pas, là non plus, de position arrêtée. Il est trop facile d'affirmer que les contraintes normatives sont la source des coûts de construction élevés. À l'inverse, il n'est pas plus justifié de refuser de revenir sur des normes, au motif que celles-ci auraient été décidées une fois pour toutes. Quoi qu'il en soit, comme l'a annoncé le Président de la République, nous avons instauré un moratoire de deux ans sur l'adoption de nouvelles normes techniques, pour permettre à tous de travailler dans un environnement stable.

Quant à la norme en matière de handicap à laquelle vous faites référence, monsieur Piron, elle résulte de la loi de 2005 votée à l'unanimité par les deux chambres. Il est donc difficile de demander à un ministre de prendre la responsabilité de ne pas l'appliquer ou de l'amender ! Certes, je ne sous-estime pas les difficultés qu'elle peut créer, mais c'est un sujet très sensible : lorsque j'ai abordé la question, avec tact, avec les principaux acteurs, je les ai sentis enclins à adopter la tactique du hérisson.

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