Le logement est un sujet à la fois passionnant et très technique, ce qui crée une sorte de confraternité entre ceux qui s'y sont consacrés. Celle-ci peut être d'un grand intérêt, mais elle peut aussi avoir l'inconvénient de donner le sentiment aux acteurs qu'ils savent ce qu'ils doivent faire, qu'ils le font tous, et que rien ne peut être inventé de neuf.
Je comprends parfaitement que ceux qui ont travaillé trente ans sur la question du logement aient pu considérer que la garantie universelle des loyers (GUL) n'avait jamais été mise en oeuvre parce qu'elle ne constituait pas une bonne solution. Pourtant un grand chantier est en cours, et ce dispositif permettra de résoudre de nombreuses difficultés. Dans dix ou quinze ans, il faudra que je regarde avec bienveillance mes successeurs, et que j'évite de croire que ma maîtrise des dossiers me permettrait d'écarter toute solution nouvelle que je n'aurais pas moi-même proposée.
Aujourd'hui, j'essaie de conserver une certaine « fraîcheur » pour inventer de nouveaux dispositifs, comme la garantie universelle des loyers ou l'encadrement des loyers. Cela dit, cette dernière mesure nous ramène plutôt à l'époque à laquelle il paraissait normal d'encadrer le prix de certains biens de première nécessité. Actuellement, le prix du livre est régulé sans que cela ne scandalise personne alors qu'il est choquant de parler de loyers excessifs. Qu'une montre soit vendue à 500 000 euros – et que certains l'achètent –, cela ne me pose aucun problème car on peut vivre sans montre, mais on ne peut pas vivre sans un toit sur sa tête !
Je tente aussi de rester modeste. On ne réinvente pas tous les jours la politique du logement : il faut tenir compte du passé, du temps nécessaire à sa mise en oeuvre, et de l'ensemble des acteurs. Aujourd'hui, nous produisons dans notre pays des logements et des bâtiments qui sont plutôt de bonne qualité car nous avons tiré les leçons du passé.
Pour conclure sur la répartition des compétences, ce qui me permettra de répondre à une question de M. Michel Piron, j'estime qu'il faut aller vers une plus grande autonomie des territoires tout en conservant une cohésion nationale. Si la délégation permet de responsabiliser les acteurs locaux, il ne faut jamais oublier qu'une décentralisation totale des politiques du logement signifierait que le montant des aides à la personne, celui des plafonds de loyer et de ressources, ainsi que la fiscalité finançant le logement seraient fixés localement. Un tel transfert ne correspond guère à notre culture, comme le montre le cas du Fonds de solidarité pour le logement (FSL) dont les critères d'attribution font assez couramment l'objet de demandes d'harmonisation – nombreux sont ceux qui ne comprennent pas que la décentralisation entraîne une grande diversité de situation d'un endroit à l'autre.
S'agissant d'un bien de première nécessité qui met en jeu l'équilibre du territoire et la cohésion nationale, il faut donc trouver un juste milieu entre la conduite d'une politique nationale et une véritable délégation locale qui permette l'adaptation aux réalités territoriales – c'est d'ailleurs à ce titre que je souhaite le renforcement du rôle du comité régional de l'habitat (CRH) comme instance de pilotage régional.