Intervention de Claude Guibal

Réunion du 10 juillet 2013 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Claude Guibal, journaliste à France Culture, ancienne correspondante de Radio France en égypte :

Lorsque les salafistes ont fait leur entrée au Parlement, beaucoup ont été choqués, mais, qu'on le veuille ou non, le Parlement élu était à l'image du paysage politique égyptien. En effet, les salafistes ont beaucoup prospéré en Égypte au cours des quinze dernières années. Leur éclosion a été favorisée, voire encouragée, par le régime de Moubarak, qui voyait en eux un contrepoids aux Frères musulmans. À l'époque, l'on partait du principe que les salafistes ne se préoccupaient pas de politique, se désintéressant de l'ici-bas au profit de l'au-delà – c'est l'opposition entre din et dounia. En réalité, les salafistes se sont joints aux forces révolutionnaires. Le salafiste est un animal politique qui apprend très vite, probablement plus vite que les Frères musulmans, et s'est montré plus habile qu'eux au cours des derniers mois, notamment en s'en détachant au moment opportun. Ainsi, Al-Nour a rejoint Tamarrod sans appeler explicitement à manifester, mais en prenant ses distances avec Morsi et en lui demandant d'écouter les revendications du peuple. La situation est favorable aux salafistes, qui semblent bien avoir le sentiment que leur tour est venu. Dans la déclaration constitutionnelle présentée par le nouveau président Adli Mansour, la référence à l'article 2 de la constitution précédente, qui fait de la charia la source du droit et de l'islam la religion d'État, constitue un geste à leur intention.

Je serais curieuse de savoir si les voix obtenues par les Frères musulmans se reporteraient sur eux dans l'hypothèse où des élections seraient organisées aujourd'hui en Égypte. Les Frères musulmans ont déçu par leur incapacité à gérer et par leur autoritarisme, que les salafistes n'ont eu de cesse de dénoncer. Mais un frère en islam reste un frère en islam. Les événements qui ont conduit à la tuerie survenue devant les locaux de la Garde républicaine, lors desquels l'armée et les Frères musulmans se sont affrontés dans des conditions qui restent à éclaircir, ont fait le lit des salafistes, qui se sont à nouveau joints aux Frères.

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