J'étais, comme d'autres, hostile à la privatisation des concessions d'autoroutes pour des raisons de fond : alors que l'État n'avait plus un sou pour entretenir les routes nationales et que les recettes commençaient d'augmenter, le reversement par des concessions autoroutières à l'AFITF permettait de maintenir l'effort minimum d'entretien des routes.
Il n'empêche, la privatisation a eu lieu. Cependant, le rapport qui vient de nous être présenté pose plusieurs questions. La première est celle de l'optimisation du cash-flow dégagé par chaque SCA, car force est de constater que, dans le système actuel, les sociétés concessionnaires ont une fâcheuse tendance à privilégier des investissements dont l'utilité n'est pas toujours flagrante. Je regrette que la Cour n'ait pas évoqué la question de ce qu'il adviendrait du cash-flow accumulé par les concessions qui viendront à terme dans une quinzaine d'années, une fois la dette remboursée. Je suppose qu'il sera utilisé pour rémunérer leurs actionnaires.
Par ailleurs, qui réalise les investissements décidés dans les contrats de plan ? Les groupes de BTP qui sont les sociétés mères des SCA n'ont-ils pas une double rémunération, la première par le biais de dividendes, la seconde en réalisant les travaux sans faire appel à la concurrence et en surfacturant les travaux ? La Cour démontre l'étonnante absence de contrôles des coûts a posteriori par l'État ; on ne sait donc s'il y a disparité entre les coûts annoncés et les coûts réalisés. Y a-t-il eu des surcoûts, qui signaleraient une deuxième rémunération des sociétés mères ?
Quelle est, par ailleurs, l'euro-compatibilité des contrats de plan ? N'est-ce pas une forme déguisée d'adossement à des concessionnaires privés pour financer la totalité d'une infrastructure, ce qu'interdit la réglementation communautaire ? Y a-t-il des contentieux en cours à ce sujet ?
Au cas où un trafic légèrement croissant ou stable entraînerait la constitution d'une sur-rente dans les cinq à dix ans qui viennent, ne conviendrait-il pas, pour la récupérer, de doubler la redevance domaniale en la portant à 400 millions d'euros, et de revoir la fixation de la taxe d'aménagement du territoire, qui rapporte actuellement quelque 600 millions d'euros à l'AFITF ? Enfin, ne peut-on envisager de fixer dans les contrats de concession un taux de rentabilité au-delà duquel les sociétés concessionnaires doivent reverser le supplément de recettes à l'État ?