Je remercie le président Cardo pour la clarté, l'exhaustivité et la franchise de son exposé. Vous êtes le premier, depuis que nous menons ces auditions, à rentrer dans le vif d'une réforme qu'on ne connaît pas, si ce n'est au travers de bruits et de chuchotements, qui correspondent d'ailleurs à votre description : un groupe public, verticalement intégré, constitué de trois EPIC qui restent à inventer au plan juridique et qu'il faudra rendre eurocompatibles – bien qu'on ne connaisse pas le destin de l'eurocompatibilité. En effet, le quatrième paquet ferroviaire, qui est sur la table du législateur européen, est aujourd'hui majoritairement contesté au sein du Conseil, comme j'ai pu le vérifier par moi-même. En premier lieu, une sorte d'alliance – provisoire, avant la grande bagarre concurrentielle – s'est constituée entre la Deutsche Bahn et la SNCF, et entre les gouvernements français et allemand. En deuxième lieu, et surtout, la majorité des réseaux soutient l'idée d'une organisation intégrée, éloignée du schéma idéal prôné par la Commission européenne : éclatement complet des vieux systèmes ferroviaires entre, d'un côté une entreprise contrôlée par l'État et gérant le réseau, et de l'autre des compagnies ferroviaires. Dans un tel schéma, la compagnie historique serait banalisée parmi toutes celles qui veulent rentrer sur le réseau. Il faut tout de même préciser que ces résistances sont liées au fait qu'il n'y a pas de corrélation entre l'organisation des systèmes ferroviaires et leur efficacité. Il y a des systèmes ferroviaires intégrés très efficaces – la Suisse, le Japon, l'Allemagne – et des systèmes libéralisés très efficaces – la Suède et la Grande-Bretagne.
Mais j'en viens à mes questions.
Monsieur le président, je partage votre point de vue selon lequel plus le système est intégré, plus il faut prévoir de contre-pouvoirs et d'arbitres susceptibles de réagir face à ceux qui tentent des biais pour entrer sur le réseau, ou face à une bureaucratisation du système – comme celle que nous avons vécue au cours de ces dernières années.
Je pense que parmi les trois acteurs de notre système ferroviaire, l'État, RFF et la SNCF, le plus carentiel n'est pas forcément celui qu'on croit. Pour moi, l'État a d'énormes responsabilités dans ce qui s'est passé. On ne peut pas reprocher aux entreprises de prendre chez elles les consignes que l'État ne leur a pas données, ni de mettre en oeuvre des programmes – il y a quelques mois, les lignes TGV, et aujourd'hui, la rénovation du réseau – qui sont la conséquence de décisions prises par l'État.
Ce qui m'inquiète dans cette réforme, même si je pense qu'on finira par la faire, c'est qu'elle est inaudible. Certes, il s'agit d'une réforme de gouvernance. Mais sa finalité est tout de même l'amélioration de notre système ferroviaire, laquelle passe par l'assainissement de sa situation financière. Et le mécanisme que l'on mettra en place – quel qu'il soit – devra être suffisamment performant pour que RFF n'ait plus 1,5 milliard de pertes par an, et une dette cumulée qui lui coûte 1,2 milliard d'intérêts par an, ce qui n'est évidemment pas soutenable. J'observe que les Allemands ont également procédé à une réforme. Mais celle-ci a d'abord été essentiellement financière : ils ont escompté la dette et récupéré le système de retraite au niveau de l'État.
Il ne s'agit pas seulement de savoir ce que l'on fait de l'ARAF, de M. Pepy ou de RFF, mais de savoir où l'on trouve l'argent pour que le système fonctionne mieux. (Exclamations) Car évidemment, les hommes qui sont en place sont compétents. D'où ma première question : qu'en pensez-vous, et où trouver de l'argent ?
Ensuite, je pense comme vous qu'il faut faire des régions de véritables AOT. Mais là encore, et c'est ma deuxième question : avec quels moyens ?
Enfin, ma troisième question concernera l'Europe. Des comités regroupant des régulateurs ont été mis en place.
Le 16/08/2013 à 07:46, Justine (juriste) a dit :
Un système ferroviaire libéralisé très efficace en Grande-Bretagne ? Ce n’est pas du tout ce qui ressort d’une étude publiée en 2012 : il serait au contraire le plus cher et le moins performant d’Europe. « Britain's railways 'are the most expensive, least comfortable and the least efficient in Europe » http://www.dailymail.co.uk/news/article-2097089/Britains-railways-expensive-comfortable-efficient-Europe.html
Les britanniques ne s’y trompent pas puisque les 2/3 d’entre eux sont favorables à une renationalisation des chemins de fer. « Surveys show two-thirds of voters would happily see the railways renationalized» The Guardian (15/08/2013 ). Sont notamment pointées les hausses des tarifs (+ 40 % pour certains depuis 2008) et les subventions publiques aux compagnies privées (jusqu’à 5 fois plus élevées que celles reçues par British Rail) : Angry about rail fares? Get on board the renationalisation express http://www.theguardian.com/commentisfree/2013/aug/13/rail-fares-passengers-renationalisation
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