Le grand nombre de vos questions ne me surprend pas car nous nous les posons également à l'ARAF.
Nous discutons en effet d'un projet de loi dont nous ne connaissons que quelques ébauches et qui, de toute façon, ne cesse d'évoluer.
Vous évoquez l'assainissement de la situation financière de la SNCF : pratiquer la tarification incitative est l'un des moyens pour y parvenir puisqu'elle permet une meilleure utilisation du système ferroviaire.
Je tiens à dire que le regroupement des établissements publics au sein d'un gestionnaire d'infrastructure unifié, même s'il ne suffit pas, est indispensable. Il restera à faire de l'infrastructure un véritable outil industriel. Je rappelle que celle-ci est la propriété de la collectivité, qui seule est en droit de maîtriser son usage, son entretien et sa destination.
Quant à la réalisation de 1,5 milliard d'économies par an, elle ne sera pas possible avant quatre à cinq ans.
Certains suggèrent que le GIU pourrait réaliser une économie de 500 millions d'euros grâce à la suppression des doublons créés par la réforme qui a mis en place RFF et par la possibilité pour RFF et SNCF Infra de réaliser des achats en commun. Je vous fais remarquer que la masse salariale de RFF représente à peine la moitié de ces 500 millions d'euros. Quant aux achats en commun, RFF et SNCF Infra n'achètent pas systématiquement les mêmes produits – en outre, cela laisse supposer que nous ne savons pas acheter. Nous ne pouvons donc pas compter uniquement sur les économies que nous pourrions réaliser de ces deux façons.
Il a été fait allusion au fait que la SNCF pourrait rendre l'impôt sur les sociétés et les dividendes qu'elle verse à l'État chaque année pour les verser à l'EPIC de tête qui lui-même en ferait bénéficier l'infrastructure. Soit, mais encore faut-il avoir des dividendes à verser. La réduction des dépenses serait alors répartie en trois parties – 500 millions d'euros pour le GIU, 500 millions pour l'impôt sur les sociétés et les dividendes, et 500 millions d'économies réalisées par la SNCF grâce au déplacement du siège et aux évolutions technologiques. Si la SNCF doit réaliser 500 millions d'économies, il lui sera difficile de générer 500 millions d'euros sur l'impôt sur les sociétés et les dividendes. En outre, ce qui a fait progresser les résultats de la SNCF l'année dernière, ce sont la facture que SNCF Infra adresse à RFF et l'utilisation des TER et des TET, qui implique l'État et la région. Ne nous trompons pas : les économies sont possibles, mais pas dans les proportions annoncées.
Il convient de redonner confiance aux opérateurs qui souhaitent utiliser notre réseau ferroviaire, et pour cela ils doivent pouvoir compter sur sa fiabilité. Car actuellement ils ne sont jamais certains que les sillons qui leur ont été attribués leur seront effectivement accordés. C'est d'autant plus préjudiciable que depuis quelques décennies, les industries françaises travaillent en flux tendu et n'ont donc pas de stock. Faute de certitude sur les délais, les industriels qui ont à effectuer une livraison choisissent la route, ce qui explique l'insuffisante utilisation du réseau.
Dès lors que le réseau sera plus fiable, la sécurité améliorée et l'attribution des sillons organisée, sa rémunération sera assurée. Il convient d'optimiser l'usage de la partie du réseau qui est la plus demandée et d'encourager les industriels à utiliser le ferroviaire parce qu'il est moins cher et beaucoup plus fiable que la route.
Le fret ferroviaire est l'un des moyens les plus sûrs mais aussi l'un des plus incertains. Il y a là une contradiction. Je confirme d'ailleurs qu'en dépit de l'accident de Brétigny, la France est le troisième pays d'Europe en matière de sécurité du réseau ferroviaire. Certes, le manque de financement a entraîné une forte détérioration du réseau qui entraîne soit le ralentissement de la vitesse, soit la limitation des tonnages de fret transportés. Si nous accélérons le rythme de rénovation du réseau, nous optimiserons son utilisation et les recettes augmenteront. Mais il faut garder à l'esprit que même si nous investissons dans la rénovation depuis plusieurs années, les dépenses d'entretien ne diminuent pas.
Nous nous posons beaucoup de questions en France pour améliorer la part du fret ferroviaire, mais les Allemands ont réussi à la faire progresser. Cette part diminue depuis vingt ans et il semble qu'elle n'ait pas de lien avec l'ouverture du marché, mais nous observons depuis deux ans un léger infléchissement positif.
L'incertitude qui plane sur l'attribution des sillons est responsable en partie du manque de recettes lié à la sous-utilisation du réseau. C'est pourquoi le président de RFF et moi-même engagerons dès le mois de septembre une étude conjointe en vue de limiter la génération de sillons précaires qui représente un gros handicap pour le fret ferroviaire, tout comme la rénovation intense du réseau et le raccordement des lignes à grande vitesse avec le réseau grandes lignes car ils occasionnent des travaux qui se déroulent la nuit, aux heures de circulation du fret.
Le rapport Duron a été très clair quant à la nécessité d'investir prioritairement pour améliorer les noeuds ferroviaires, ce qui mettra fin aux blocages et facilitera la circulation des trains. L'amélioration ne sera pas sensible avant plusieurs années, toutefois il est indispensable de poursuivre l'effort de rénovation, de traiter les problèmes des noeuds ferroviaires et d'arrêter la construction des lignes à grande vitesse dont la rentabilité, j'en suis désolé pour ceux qui sont concernés, est devenue beaucoup moins évidente. En effet, les grandes métropoles ont été reliées et il n'est pas concevable de relier une grande métropole à une zone peu peuplée car alors la ligne ne peut être amortie, sauf à augmenter les péages de telle sorte que personne ne voudra les utiliser. Un TGV qui roule à 320 kmh exige un tracé très droit, ce qui multiplie les ouvrages d'art. Les trains allemands ne roulent qu'à 250 kmh, et se faisant ils usent beaucoup moins les voies et le matériel, sans oublier que le coût de la construction de la ligne est inférieur de plusieurs milliards d'euros. Compte tenu de la taille de notre territoire, il ne serait pas anormal que les TGV roulent à 220 kmh. J'ajoute que nous n'avons pas fait le choix industriel du train pendulaire, mais il aurait peut-être été intéressant pour de nombreuses régions. Sans doute aurions-nous pu y réfléchir davantage.