Intervention de Anne-Yvonne Le Dain

Réunion du 17 juillet 2013 à 17h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnne-Yvonne Le Dain, députée, vice-présidente de l'Office :

– Chacun sait que nous sommes maintenant dans un monde qui est complètement virtuel, numérisé. Depuis une quinzaine d'années, on ne peut plus vivre sans un ordinateur et un téléphone portable connecté.

Dans ce monde-là, il s'est passé deux choses : avant, on stockait nos informations dans nos ordinateurs, éventuellement dans un serveur tandis que, maintenant, on ne stocke plus rien et la tendance est à déstocker complètement, à découper l'information en petits morceaux pour la stocker ailleurs, grâce au cloud computing ou, en français, informatique en nuage. Cela renvoie à deux concepts : la notion de risque numérique par rapport à la protection des données personnelles qui a été mise en scène récemment par l'apparition dans le paysage numérique d'un jeune homme, Bradley Manning, qui a mis un nombre considérable de documents confidentiels via le site Wikileaks sur le net et puis, phénomène important, les données personnelles, les données individuelles découpées en petits morceaux sont, de fait, la propriété des fournisseurs d'accès et, pire, celle des fournisseurs de l'utilisation de l'accès.

Les réseaux, par exemple France Telecom, Free, SFR, pour ne parler que de la France sont propriétaires de la tuyauterie mais les fournisseurs d'accès c'est, par exemple, Google, mais c'est aussi tous ceux qui vont les utiliser comme Facebook ou Twitter. Tous ces systèmes ont accès à vos données et adoptent, dans le cloud computing, une logique consistant à dire : puisque c'est moi gère ces données, elles m'appartiennent. Cette mondialisation des informations, extrêmement segmentées, stockées mais qui transitent beaucoup et qui sont découpées en morceaux aboutit à octroyer la propriété, de fait, des données à des gens qui vous proposent des services et qui stockent et transportent lesdites données.

Cela est important car il en découle la perte du droit à l'intimité, il n'y a plus d'intimité, ni quant à notre identité ni sur ce que nous sommes ; nous pensons être en sécurité et nous ne le sommes pas car les informations sont la propriété des fournisseurs d'accès ou des hébergeurs ou des deux. Cela ne fait que se développer.

Derrière cela, se trouve la question de la protection des données personnelles incluant le droit à l'oubli, mais également la protection des données des personnes morales que sont les administrations, les entreprises et les États qu'il ne faut pas oublier. Donc la sécurité des données pose la question du risque numérique et celle de savoir en quoi Big Brother est vraiment présent aujourd'hui.

Qu'est-ce que Big Brother pourra faire, qu'aura-t-il le droit de faire, notamment au cours des années à venir ? Quand je dis Big Brother, c'est pour reprendre une image que tout le monde a en tête. Nous sommes face à Big Brother. Que pourra-t-on lui permettre ou lui interdire, sachant qu'on ne peut vraiment le nommer et qu'il est lui-même découpé en petits morceaux et que de nouveaux petits morceaux naissent chaque jour.

Je voudrais insister aussi sur le fait que ces entreprises, que nous utilisons tous, sont toutes américaines, que le siège de chacune est aux États-Unis d'Amérique, comme les données transitant par elles ; d'ailleurs, lorsque ces données sont en Europe, c'est généralement en Irlande ou dans des lieux permettant des situations de défiscalisation complète. Donc ces données n'ont plus de valeur pour l'économie européenne ; elles n'ont de la valeur que pour l'économie nord-américaine.

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