Intervention de Cécile Duflot

Réunion du 23 juillet 2013 à 17h00
Commission des affaires économiques

Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement :

Le projet de loi que je vous présente aujourd'hui a été élaboré sur la base de nombreux travaux parlementaires passés – propositions de loi, rapports parlementaires… – et il répond à des amendements déposés par certains d'entre vous. Il repose sur trois axes : la régulation, la protection et l'innovation.

La démarche de régulation proposée se fonde sur un constat : la libre organisation par le marché du secteur du logement n'a pas rencontré les succès escomptés, ni pour améliorer l'offre ni, surtout, pour faire baisser les loyers. Depuis 1984, ils ont en effet augmenté à un rythme deux fois supérieur à celui de l'indice des prix, provoquant un véritable décrochage avec le niveau des revenus. Lors des dix dernières années, on a constaté en Île-de-France, une augmentation de 40 % des loyers à la relocation ! Les zones tendues sont devenues très tendues. Dans ce contexte, ce projet de loi introduit un mécanisme d'encadrement des loyers, qui doit être suffisamment contraignant pour être efficace, et suffisamment souple pour que nous n'entrions pas dans une logique de prix administrés. Je sais que des amendements ont été déposés pour améliorer le dispositif.

Ce mécanisme s'accompagnera d'un volet de simplification et de sécurisation de la location comportant la création d'un bail type, d'un état des lieux type avec l'utilisation d'une grille de vétusté… Les relations entre bailleurs et locataires seront simplifiées. Par ailleurs, par souci de justice, les meublés comme résidence principale seront soumis aux mêmes obligations que les biens loués vides.

La régulation portera également sur les professionnels de l'immobilier. Certaines des mesures que nous proposons sont issues d'un travail effectué par les représentants de ces professionnels ; d'autres sont inspirées par des travaux parlementaires. Nous avons voulu assurer davantage de transparence, de clarté et de simplicité, par exemple en ce qui concerne la gestion des copropriétés. Nous voulons également mettre fin au surenchérissement des prestations des agences immobilières. Nous répondons à une proposition de la profession en créant un Haut conseil des professions immobilières qui ouvrira la voie à des procédures disciplinaires sans doute plus efficaces que la voie judiciaire, seul recours possible aujourd'hui.

La régulation doit aussi permettre de favoriser la transition écologique des territoires. Certaines dispositions ont déjà été adoptées dans le cadre du projet de loi d'habilitation, et je vous ai déjà présenté la première ordonnance ; d'autres suivront. Nous sommes déterminés à lutter contre l'artificialisation des sols. Les bonnes intentions sont très largement partagées en la matière mais, depuis quinze ans, aucune mesure efficace n'a été prise pour enrayer la disparition des terres agricoles. Nous voulons donner aux élus des outils qui leur permettent d'agir et non plus de subir. Je rappelle que le montant de la dotation globale de fonctionnement (DGF) est aujourd'hui directement corrélé au nombre d'habitants, à la voirie et à la richesse de la population. Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, et moi-même avons estimé qu'il était temps d'en modifier l'assiette, et d'intégrer les richesses collectives que constituent, par exemple, les zones agricoles, les zones naturelles, les zones de captages… Les collectivités concernées ne doivent pas être défavorisées par rapport à d'autres.

La démarche de protection est illustrée par un dispositif dont le projet de loi pose les fondations, et qui a vocation à se renforcer au cours du débat parlementaire : la garantie universelle des loyers (GUL). Elle apporte une réponse à de nombreuses situations que nous avons identifiées, et elle concerne de très nombreuses populations – en particulier les jeunes auxquels le Président de la République avait souhaité que soit apportée une caution locative. Elle permettra aussi de prévenir les expulsions. Ce drame social et familial a un coût financier considérable pour l'État, mais aussi pour les départements par le biais du Fonds de solidarité pour le logement (FSL). La détection précoce des situations d'impayés – dues dans 75 % à des accidents de la vie, comme l'a montré l'étude de l'agence nationale d'information sur le logement (ANIL) – permettrait de mettre en oeuvre les dispositifs qui existent déjà.

Cette démarche répond aussi au problème des 3,5 millions de logements qui restent vacants dans notre pays. Nous savons que la crainte d'une relation directe avec le locataire constitue un frein à la location. L'intervention d'un tiers sécuriserait l'apport financier que le loyer peut représenter pour le propriétaire ; elle simplifierait la gestion du rapport parfois conflictuel avec les locataires. Le risque serait minimisé en étant mutualisé entre l'ensemble des locations du parc privé, contrairement aux dispositifs précédemment mis en oeuvre qui avaient été fragilisés du fait de leur concentration sur une seule catégorie de population – c'était le cas de la Garantie des risques locatifs (GRL), mécanisme qui ne s'adressait qu'aux personnes dans les situations les plus difficiles.

De nombreuses mesures sont également destinées à sécuriser le logement des personnes les plus fragiles : la fusion entre le plan départemental d'accueil, d'hébergement et d'insertion (PDAHI) et le plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées (PDALPD), la consolidation du rôle des services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO), et la participation des personnes accueillies dans les lieux d'hébergement. Un certain nombre de dispositifs sont issus des travaux de la Conférence nationale contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale. Ils prennent place dans le cadre de la réforme de structures d'hébergement que nous avons lancée.

Protéger c'est également lutter contre l'habitat indigne. Nous proposons de nombreuses mesures législatives qui permettront aux élus mobilisés d'être plus efficaces et qui donneront aux collectivités locales les moyens d'agir car elles sont trop souvent démunies face aux marchands de sommeil.

Le projet de loi est enfin marqué par l'innovation.

Une grande concertation a été menée sur l'attribution des logements sociaux. Un large consensus a été trouvé concernant, d'une part, la nécessaire transparence relative aux délais, et, d'autre part, la création du dossier unique. Cette dernière disposition, déjà expérimentée, doit être généralisée.

Le projet de loi met aussi en place un cadre législatif pour les « autres modes d'habitat » afin que soit assuré un traitement égalitaire. Je pense aux résidences principales à caractère léger ou démontable, et à l'habitat participatif – qui représente déjà 15 % de l'habitat en Suisse – que certaines collectivités locales souhaitent développer.

La réforme de l'urbanisme compte aussi parmi les innovations car nous avons la volonté de franchir un cap. Nous ne changeons rien à ce qu'a voulu le législateur en 1982 en confiant aux maires la possibilité de délivrer les autorisations d'urbanisme et les permis de construire, mais nous voulons que les élus travaillent dans de meilleures conditions en les associant à la rédaction de documents intercommunaux d'urbanisme. Aujourd'hui, 36 % des communes de France, pour l'essentiel des petites communes, se trouvent sous le régime du règlement national d'urbanisme, et n'ont en conséquence aucune latitude pour prendre des décisions en matière d'urbanisme puisque celles-ci relèvent des services de l'État : nous devons leur rendre une autonomie de décision !

Ce projet de loi ne constitue pas une « couche législative » supplémentaire ; il permet de revenir sur les textes essentiels en matière de logement que sont la loi de 1989, celle de 1965 sur les copropriétés, et celle de 1970 relatives aux professionnels de l'immobilier.

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