Madame la ministre, je connaissais bien évidemment votre don en matière de synthèse mais, cette fois, cela tient du prodige ! (Sourires.) En quelques minutes, vous évoquez 95 pages d'exposé des motifs, 216 pages de projet de loi stricto sensu et 600 pages d'études d'impact : reconnaissons combien votre talent est grand et sans doute à la mesure de votre capacité de création législative !
La tentation irrésistible de l'inflation normative sévit dans notre pays hypercentralisé – le Parlement en prend sa part comme le montre le nombre d'amendements que nous devons examiner sur ce texte. Elle nous amène à traiter dans la loi de questions qui, ailleurs, relèveraient du champ réglementaire. Cela ne contribue pas à la simplification que nous appelons tous de nos voeux. Je rappelle que nous avons habilité le Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures de simplification en matière de construction de logements. Cette situation devrait tout de même nous interroger !
Sur le fond, je commence par me réjouir que vous abordiez la question délicate – et transpartisane – du PLUi. Nous avons naguère eu ce débat très nourri en commission des affaires économiques et en commission du développement durable, puis dans l'hémicycle. Dans l'une des commissions, le vote s'était d'ailleurs terminé à sept voix contre sept…
Le PLUi me paraît un outil indispensable – rappelons que 27 000 communes françaises comptent moins de mille habitants, ce qui implique une capacité d'ingénierie réduite. À mon sens, le PLU devrait être intercommunal de droit sauf s'il se trouvait une majorité, peut-être qualifiée, pour y renoncer : ce serait déjà un pas considérable, ne serait-ce que pour bien rétablir le lien entre logement, zones d'activité et mobilité, mais aussi pour permettre des constructions en plus grand nombre et pour favoriser la mixité sociale et fonctionnelle.
En revanche, je crains que votre dispositif d'encadrement des loyers ne représente une erreur majeure : je ne conteste pas vos bonnes intentions, mais l'enfer en est pavé ! Vous partez d'un principe louable d'observation des loyers – même s'il faudra s'assurer que les observatoires observent correctement. Vous avez choisi de fonder ce mécanisme sur le loyer médian, et sur un écart de plus ou moins 20 % par rapport à cette médiane. En Île-de-France, cela représente 23 à 24 euros le mètre carré : beaucoup ne peuvent pas payer de telles sommes. Le risque existe que le seul résultat de ce mécanisme soit de faire diminuer le loyer de ceux qui appartiennent aux trois déciles supérieurs, quand les trois derniers déciles risqueraient de se voir demander une révision de leur bail pour rapprocher leur loyer de la médiane ! La question des loyers est une vraie question, et nous partageons tous votre préoccupation, mais j'ai peur que la réponse que vous apportez ne soit très mauvaise.
Le groupe UDI estime qu'il est d'abord nécessaire d'augmenter l'offre de logements : ce projet de loi facilite-t-il ce nécessaire accroissement ? Le PLUi y contribuera, mais à long terme : à court terme, les mesures que vous proposez seront-elles suffisantes ?
S'agissant de la garantie du risque locatif, comment mutualiser sans déresponsabiliser ? Il faut d'abord se demander qui finance le dispositif : il est nécessaire que les locataires soient impliqués. Il faudrait également étudier l'idée d'un ticket modérateur ; sinon, on risque simplement de créer une incitation à ne pas payer son loyer. C'est un sujet important, mais qui mérite des réglages précis.
Ce projet de loi aborde de très nombreux autres sujets, qui souvent ne posent pas problème de fond ; mais le diable se cache toujours dans les détails : nous devrons demeurer attentifs, et nous espérons que des amendements ne tétaniseront pas un marché qui a surtout besoin de souplesse.
S'agissant du fonds de prévoyance obligatoire, je me réjouis de vos projets, madame la ministre : j'ignorais que la propriété excluait la prévoyance !
Le groupe UDI aborde donc ce texte de façon constructive. Méfions-nous toutefois des délires de la raison : les experts estiment que l'énorme hausse des coûts de construction ces dernières années est due pour deux tiers à la production de nouvelles normes. Cela mérite que nous nous posions quelques questions.