Intervention de Cécile Duflot

Réunion du 24 juillet 2013 à 9h45
Commission des affaires économiques

Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement :

Si vous le voulez bien, monsieur le président, je présenterai en même temps l'amendement CE 1080, amendement de cohérence avec le CE 1077.

Il s'agit de résoudre plusieurs problèmes, en réponse aux interrogations du rapporteur avec lequel nous avons beaucoup travaillé, ce dont je le remercie.

La décision de créer la GUL, annoncée par le Président de la République et le Premier ministre, tire les leçons de la mise en oeuvre de dispositifs construits par différentes majorités. À l'origine, la couverture logement universelle était une idée de Marie-Noëlle Lienemann. La garantie universelle des loyers a ensuite été proposée par Jean-Louis Borloo, à peu près dans les mêmes termes qu'aujourd'hui, en raison des limites constatées de la GRL.

Il existe au moins 3,5 millions de logements vacants dans notre pays. Le fait que leurs propriétaires ne les mettent pas en location s'explique en partie par leur réticence à traiter directement avec un locataire qui ne paierait pas son loyer. Plus encore que de manquer d'argent, ils craignent d'être confrontés à une relation conflictuelle. D'où le besoin d'un tiers facilitateur, pour reprendre l'expression de Jean-Louis Borloo. C'est ce qui a conduit le Conseil régional d'Aquitaine, sous la présidence d'Alain Rousset, à créer CLÉ Aquitaine, caution solidaire proposée aux étudiants en contrepartie d'une cotisation limitée à 1,5 % du loyer. C'est également ce qui a motivé la création de la GRL, qui vise à sécuriser les publics les plus précaires, et de la GLI, dont les critères d'attribution par les assureurs sont, s'agissant des locataires, plus restrictifs que ceux d'un bailleur, de sorte que le dispositif n'a aucune vocation assurantielle.

Pourquoi la GUL, fruit de la réflexion que nous avons menée avec plusieurs parlementaires ? Parce que ceux qui ont porté la GRL, et qui voulaient créer un système de cautionnement solidaire afin d'aider les plus précaires à accéder au logement, m'ont demandé d'insérer dans le texte une disposition obligeant les assureurs à délivrer cette prestation. Ceux-ci avaient du mal à le faire après de multiples appels d'offres et bien qu'ils aient eu recours à des courtiers en assurance, y compris britanniques, car, pour y parvenir, il aurait fallu mutualiser la garantie entre tous les locataires. Ce principe, que l'on peut certes contester, est celui des mutuelles de santé : des jeunes qui ne sont pas malades cotisent pour que des personnes âgées bénéficient de soins. De ce point de vue, la GRL pose les mêmes problèmes qu'une mutuelle de santé que l'on réserverait aux plus de 75 ans, soit une opération structurellement déséquilibrée.

Le dispositif que propose le Gouvernement mutualise donc effectivement le risque et sécurise véritablement le propriétaire. Il assure celui-ci que le loyer sera payé, très rapidement, par la caisse de garantie et lui permet de déléguer à un tiers la relation conflictuelle avec son locataire. On m'objecte souvent l'aléa moral, c'est-à-dire le fait que le locataire puisse ne pas payer parce qu'il sait qu'il existe une garantie. Mais la garantie universelle que nous proposons pourra, par son principe public, s'appuyer sur le dispositif de recouvrement par le Trésor public, dont le taux de recouvrement dépasse 50 %, contre 25 à 27 % en moyenne pour les dispositifs privés – banques, assurances. En outre, les mauvais payeurs seront de nouveau confrontés à la GUL lorsqu'ils voudront relouer un logement : ils ne pourront, si je puis dire, échapper à la patrouille. Les locataires de mauvaise foi – 30 % selon l'évaluation de l'ANIL –, qui profitent des failles de la loi de 1989, fondée sur la bonne foi, devront donc régler leurs dettes de loyer.

En somme, les mesures proposées permettront de remettre des logements vacants sur le marché en offrant de véritables gages de sécurité au propriétaire et de favoriser l'accès au logement de personnes dont le profil est peu sécurisant. On pourra dire qu'entre un locataire potentiel au RSA et un couple de cadres, un propriétaire choisira toujours les seconds. Pourtant, il a bien plus souvent le choix entre un couple de cadres et un couple de jeunes très sympathiques mais tous deux en CDD. Avec la GUL, il n'aura plus la moindre raison de craindre l'insécurité d'un CDD.

Le dispositif dépendra d'un établissement public qui centralisera les fonds et procédera à la mutualisation. Le coût de la contribution, qui se fondera sur l'étude de l'IGF, ne devrait pas dépasser 1,5 % du montant du loyer, y compris dans l'hypothèse la plus défavorable, celle où il inclurait une partie des frais de justice liés à la procédure que le propriétaire aurait engagée contre son locataire et qui peut aller jusqu'à l'expulsion. Le Gouvernement ayant décidé que le propriétaire et le locataire l'acquitteraient à part égale, le montant sera de 0,75 % pour chacun.

La caisse de centralisation nationale sera responsable de son propre équilibre, donc intéressée à la récupération. La distribution reprendra le principe du contrôle technique automobile. Obligatoire, normalisé, celui-ci fait l'objet d'un cahier des charges et les organismes agréés qui délivrent la prestation, et qui peuvent être de plusieurs types, sont eux-mêmes régulièrement contrôlés. De même, ici, le propriétaire choisira parmi des assureurs ou des professionnels de l'immobilier –habitués à ce type de démarche –, agréés par l'État et qui délivreront la même prestation à tous.

Ce système très robuste préserve la liberté des propriétaires et les sécurise, surtout ceux qui ont absolument besoin de leurs revenus locatifs, par exemple pour compléter leur pension de retraite. Simultanément, il facilite l'accès au logement en évitant les écueils des dispositifs antérieurs, notamment les dispositifs d'aide aux jeunes, très coûteux pour les finances publiques. Beaucoup moins cher, beaucoup plus efficace, durable, il autorise une souplesse et une réactivité propres à nous prémunir contre des problèmes qui entraînent souvent, aujourd'hui encore, des expulsions locatives.

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