Intervention de Françoise Dumas

Séance en hémicycle du 11 septembre 2012 à 15h00
Création des emplois d'avenir — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançoise Dumas, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l'éducation :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le ministre délégué, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, c'est avec plaisir que je vous présente le dispositif des emplois d'avenir professeur dont notre commission s'est saisie pour avis, et je tiens à remercier notre président pour cette initiative. Mon propos porte donc sur l'article 2 du projet de loi portant création des emplois d'avenir, destiné à accompagner les jeunes qui souhaitent poursuivre des études pour devenir enseignants, mais ne peuvent le faire faute de moyens.

Ce dispositif s'inscrit pleinement dans le redressement par la justice, pour l'emploi et pour l'avenir de nos enfants.

Après cinq années de réductions budgétaires, nous avons aujourd'hui l'opportunité de donner un nouveau souffle à l'éducation nationale. Nous savons tous qu'une école en souffrance conduit à l'échec éducatif. Il s'agit d'un véritable message adressé non seulement à la jeunesse, à laquelle nous devons redonner confiance, mais aussi à l'école de la République.

La création d'emplois d'avenir professeurs est le premier signe fort de cet engagement. Il s'agit de mettre en place le premier pilier, celui du prérecrutement, d'un système de formation initiale et de prise de fonctions des maîtres entièrement rénové. Conformément aux engagements du Président de la République, ce système reposera sur le rétablissement de l'année de stage en alternance, supprimée en 2010, et sur la création des écoles supérieures du professorat et de l'éducation.

Dans l'attente de ces mesures, le Gouvernement a souhaité tirer parti de l'examen, au cours de la session extraordinaire, d'un projet de loi visant à faciliter l'emploi des jeunes non diplômés pour tenter de remédier le plus rapidement possible aux conséquences sociales de la réforme dite de la mastérisation.

Mon propos ne vise pas à dresser le bilan critique de cette réforme ; d'autres l'ont fait : ces dysfonctionnements structurels ont été analysés, tant par la précédente majorité parlementaire – je pense notamment au rapport de M. Grosperrin, en 2011 – que par la Cour des comptes, à l'occasion de son dernier rapport public annuel. Je souhaite simplement évoquer la crise du recrutement qu'a provoquée cette réforme. Conjugués à la réduction du nombre des postes mis au concours par le précédent gouvernement, la mastérisation et son cortège d'ombres, en particulier les conditions déplorables d'entrée dans le métier qui en résultent, ont conduit à une diminution de moitié du nombre d'inscrits aux concours de professeur des écoles entre 2008 et 2012 et à une baisse de 40 % des inscrits au CAPES sur la même période. On peut donc espérer qu'à moyen terme, les choix budgétaires du nouveau gouvernement permettront de redynamiser le recrutement des enseignants. Les inscriptions à la session 2013 ont d'ailleurs marqué un renouveau des vocations.

En attendant, il nous faut nous préoccuper des effets de cette mastérisation sur le vivier des candidats issus de milieux modestes. L'équation est simple : il y a moitié moins d'étudiants en master qu'en licence, les étudiants boursiers sont beaucoup moins nombreux dans le deuxième que dans le premier cycle universitaire et les enfants de cadres réussissent trois à quatre fois plus fréquemment que les enfants d'employés ou d'ouvriers des études longues en université. Force est donc de constater que cette réforme rend le corps professoral trop homogène : il n'est plus à l'image de la société. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) Si nous ne faisons rien, dans quelques années, le corps enseignant sera composé majoritairement de filles de cadres supérieurs qui devront enseigner devant des classes de plus en plus hétérogènes. Le risque qu'il n'y ait plus aucune adéquation entre la composition sociologique du professorat et la nation est réel. Or, une telle adéquation joue incontestablement un rôle dans la réussite scolaire. En outre, ce qu'on pourrait appeler la « clôture sociale » du recrutement irait à l'encontre d'une tradition républicaine d'ascension par le mérite dont nous sommes tous fiers.

Le métier d'enseignant a longtemps scellé le pacte républicain entre l'école et la nation, au travers de la promotion sociale. Il est temps maintenant de recréer les conditions de ce pacte par un contrat moral refondé entre la République et sa jeunesse, dans toute sa diversité.

J'observe, à cet égard, que, sous le précédent quinquennat, plusieurs rapports préconisant l'adoption de mesures en faveur d'un recrutement diversifié des enseignants ont été adoptés. À commencer par celui de la commission sur la condition enseignante installée par Xavier Darcos, qui s'est prononcée en faveur de la mise en place d'instituts de préparation à l'enseignement secondaire – les IPES – pour les jeunes issus de catégories sociales défavorisées. Je me réjouis donc que le Gouvernement ait fait le choix d'utiliser le véhicule législatif des emplois d'avenir pour instaurer un prérecrutement qui devrait permettre de préserver le rôle de promotion sociale et républicaine des concours enseignants.

J'en viens au contenu du dispositif proposé.

Celui-ci est ciblé et rigoureusement encadré. Il bénéficiera aux étudiants boursiers âgés de vingt-cinq ans au plus et s'adressera en priorité, mais pas seulement, aux jeunes issus des zones urbaines sensibles et des zones d'éducation prioritaire ou qui ont effectué leurs études dans des établissements implantés dans ces zones ou relevant de l'enseignement prioritaire. Ces jeunes devront s'engager à poursuivre leur formation dans un établissement d'enseignement supérieur et à se présenter à un des concours de recrutement des corps enseignants de l'éducation nationale.

Cet engagement sera matérialisé par la signature d'une convention entre l'étudiant, l'employeur et l'établissement d'enseignement supérieur dans lequel le bénéficiaire effectuera ses études, et pourra être renouvelé sur les trois ans que dure le dispositif.

La prise en charge des étudiants concernés pourra en effet durer trois années ; c'est à mes yeux un point capital.

D'une part, cet accompagnement est suffisamment long pour inciter les jeunes issus de milieux modestes à concrétiser leur vocation. C'est là une notable différence avec les bourses de mastérisation mises en place par le précédent Gouvernement, qui n'étaient versées que pendant la première année de master. Cette aide, qui peut débuter à partir de la deuxième année de licence, sera attractive pour les jeunes provenant des milieux les plus modestes.

D'autre part, le cadre d'emploi prévu par le dispositif se traduira par une préparation à l'entrée dans le métier d'enseignant qui sera réellement progressive, contrairement à la situation actuelle d'affectation directe en milieu professionnel après la réussite au concours. C'est un aspect essentiel du dispositif car, sur trois ans, les étudiants concernés pourront acquérir des gestes professionnels de plus en plus complexes. Évidemment, ces étudiants ne se verront pas confier des classes. La première année, ils assumeront des tâches péri-éducatives – de la surveillance, par exemple –, puis des tâches pédagogiques en co-intervention.

Il y a lieu de noter que l'entrée dans ce dispositif s'effectuera après avis d'une commission chargée de vérifier l'aptitude des étudiants, afin de garantir la qualité de leurs profils. Bien entendu, en cas de réussite au concours, le contrat prendra fin de plein droit, avant son échéance normale, à la date de nomination dans le corps correspondant.

Enfin, ce dispositif permettra aux étudiants concernés de bénéficier de trois types de revenus. Premièrement, la rémunération des heures de service effectuées au service de l'éducation nationale, dans le cadre du contrat d'avenir professeur. Financée conjointement par le ministère du travail et le ministère de l'éducation nationale, cette rémunération sera de l'ordre de 400 euros par mois ; deuxièmement, les bourses de service public. Cette nouvelle aide, de 217 euros par mois, sera allouée à chaque titulaire d'un emploi d'avenir professeur, en échange d'un engagement à préparer un concours de recrutement de personnels enseignants et à s'y présenter ; troisièmement, les bourses sur critères sociaux perçues par les titulaires des emplois d'avenir. Ces trois revenus étant cumulables, les jeunes concernés – 6 000 par an d'ici à 2015 – devraient bénéficier d'un revenu net « cible » de 900 euros en moyenne mensuelle.

Je conclurai mon intervention en indiquant que la commission des affaires culturelles et de l'éducation a permis d'enrichir le texte sur trois points essentiels. Premièrement, le dispositif a été étendu à la troisième année de licence et la première de master, afin de ne pas exclure les étudiants plus proches du concours que ceux de deuxième année. La disposition adoptée permettra cependant de moduler la durée de prise en charge de l'étudiant en fonction de son année d'études : par exemple, les étudiants de M1 ne seront accompagnés que durant une seule année.

Deuxièmement, le critère d'âge ne s'appliquera pas aux étudiants atteints d'un handicap reconnu par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées. Je crois que, sur ce sujet, le Gouvernement déposera un amendement de coordination avec l'article premier.

Troisièmement, enfin, concernant les dispositions relatives à la durée hebdomadaire du travail des étudiants bénéficiaires, il est précisé que cette durée est inférieure à la moitié de la durée légale du temps de travail. En effet, il nous faudra veiller à ce que la répartition de ce temps de travail soit adaptée à la fois aux besoins de l'établissement et à ceux des étudiants, afin de faciliter leur réussite aux concours.

C'est ainsi que nous pourrons redonner confiance à notre jeunesse. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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