Intervention de Jean-Frédéric Poisson

Séance en hémicycle du 11 septembre 2012 à 15h00
Création des emplois d'avenir — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Frédéric Poisson :

Relisez le compte rendu de la commission : je ne sais comment vous parveniez à ce chiffre.

Le deuxième – 1,5 milliard d'euros – correspond au montant que la majorité espère récupérer avec la fiscalisation des heures supplémentaires. Autrement dit, ce dispositif coûte ce que rapporte le financement qui lui permet de subsister : c'est ce que l'on appelle de la « pensée positive » !

Le troisième – 1,9 milliard d'euros – est obtenu en multipliant simplement le nombre d'emplois d'avenir par les charges salariales prises en charge, soit 1 075 euros, et ce sur douze mois.

Le quatrième – 2,3 milliards d'euros – figure dans le communiqué de presse publié par le ministère du travail le 29 août.

Vous comprendrez que cette prolifération de chiffres nous étonne. Sous bénéfice d'inventaire, nous estimons que ce dispositif coûtera bien 1,9 milliard d'euros, auxquels il convient d'ajouter les coûts de formation que les différents employeurs devront engager pour assurer la qualification des personnes embauchées dans le cadre de ces contrats, soit 600 millions d'euros pour une année. Nous pensons donc que ce dispositif coûtera au budget de l'État 2,5 milliards par an. Nous espérons que le débat apportera des précisions sur cette question.

Messieurs les ministres, mes chers collègues, ce mélange d'impréparation et d'improvisation nous fait débattre aujourd'hui d'un texte dont les principes sont mal définis, les bénéficiaires mal précisés, l'impact sur les finances publiques méconnu et les modalités incroyablement difficiles à mettre en oeuvre, le tout devant être abusivement précisé par décret. Ces différents points feront l'objet du troisième temps de mon propos.

Votre projet de loi, monsieur le ministre, manque aux règles constitutionnelles pour trois motifs.

Premièrement, il instaure une discrimination injustifiée entre les différents bénéficiaires du contrat d'avenir, provoquant ainsi une rupture avec le principe constitutionnel d'égalité.

Deuxièmement, en donnant au décret une part prépondérante dans la loi, il méconnaît le principe de séparation stricte des compétences entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif.

Troisièmement, il comporte, dans sa version adoptée par la commission, deux cavaliers législatifs, et donc d'importants risques juridiques.

En ne précisant pas clairement qui pourra bénéficier de ce dispositif, ce texte fait encourir un risque majeur de discrimination et de non-respect du principe fondamental d'égalité devant la loi.

Les imprécisions sont légion. Ce dispositif est-il territorial ou personnel ? Pour quelles raisons doit-il bénéficier davantage aux zones urbaines sensibles ou aux zones de revitalisation rurale ? Quelles sont les caractéristiques des zones dans lesquelles les jeunes ont des difficultés d'accès à l'emploi ?

Surtout, comment ne pas réagir aux propos du ministre Vincent Peillon qui, lors de la présentation du dispositif devant les hautes instances de l'Éducation nationale, parlait d'un « prérecrutement » pour les emplois d'avenir professeur ? Ce projet ne constitue-t-il pas une rupture nette à l'égard des conditions actuelles de recrutement des enseignants titulaires ?

Ce projet de loi porte une double marque contraire à la Constitution : une délimitation hasardeuse du domaine public et du domaine privé de l'emploi, et une rupture d'égalité sur les conditions d'accès aux emplois titulaires de la fonction publique d'enseignement.

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