Intervention de Jean-Frédéric Poisson

Séance en hémicycle du 11 septembre 2012 à 15h00
Création des emplois d'avenir — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Frédéric Poisson :

En tout cas, exclure ces établissements du dispositif général est, de notre point de vue, attentatoire au respect du principe d'égalité.

Par ailleurs, le projet de loi ignore la nécessaire détermination des compétences entre le législateur et le pouvoir exécutif. Les articles 34 et 37 de la Constitution précisent, en les délimitant strictement, leurs compétences respectives : l'article 34 dispose que « la loi fixe les règles concernant […] l'état et la capacité des personnes » – c'est-à-dire leur droit de contracter –, l'article 37 que « les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire. » Or, avec le projet de loi, la part prépondérante du décret rompt avec cette délimitation.

En effet, en évoquant la possibilité éventuelle, et exceptionnelle, pour le secteur marchand d'être éligible aux contrats d'avenir, vous souhaitez recourir au pouvoir réglementaire. L'article premier dispose ainsi que : « par exception, lorsqu'ils ne relèvent pas d'une des catégories mentionnées ci-dessus, les employeurs relevant de l'article L. 5422-13 et des 3° et 4° de l'article L 5424-1 sont éligibles aux aides relatives aux emplois d'avenir s'ils remplissent les conditions fixées par décret en Conseil d'État relatives à leur secteur d'activité et au parcours proposé au jeune ».

En réalité, cet article complète le champ d'application de la loi. Il ne parle pas des modalités des contrats d'avenir, mais des secteurs d'activité éligibles, et, par extension, des bénéficiaires, employeurs comme salariés. Nous sommes bien ici dans le champ de la loi.

Or, mes chers collègues, si le rôle du décret consiste évidemment à donner au pouvoir exécutif les moyens d'appliquer la loi, le pouvoir réglementaire doit demeurer dans sa sphère propre. C'est au seul pouvoir législatif que doit revenir la définition des principes, du périmètre d'application et des populations concernées. En adoptant l'article ainsi rédigé, le législateur se mettrait en porte-à-faux à l'égard des règles constitutionnelles, confiant le soin au pouvoir réglementaire d'achever la définition du champ d'application de la loi. Cela n'est pas conforme aux principes républicains de séparation des pouvoirs. Cette disposition est donc anticonstitutionnelle.

Permettez-moi de vous renvoyer à deux décisions du Conseil Constitutionnel. Celle du 20 juillet 1983 rappelle que « dès lors qu'il respecte la Constitution, le législateur détermine librement le champ d'application de la loi ». Quant à la décision du 23 mai 1979, elle précise que « le législateur a compétence pour déterminer les conditions d'entrée en vigueur des règles qu'il édicte et pour tirer, le cas échéant, les conséquences de ces conditions ». En fixant lui-même par décret des dispositions importantes de cette loi, le Gouvernement méconnaît la Constitution.

Enfin, deux articles du texte, l'article 2 bis, ajouté par notre rapporteur en commission des affaires sociales, et l'article 6, qui figurait dans le projet de loi, sont des cavaliers législatifs.

L'article 2 bis traite des impératifs de l'égalité salariale entre les hommes et les femmes, décrivant les conditions dans lesquelles les entreprises doivent transmettre à l'administration des documents formalisant les désaccords constatés au sein des instances représentatives du personnel. Ainsi, l'article L. 2242-5-1 est modifié pour inclure les dispositions suivantes : « dans les entreprises d'au moins 300 salariés, ce défaut d'accord est attesté par un procès-verbal de désaccord ». De même, il est ajouté à l'article L. 2323-47 cette disposition : « Ce plan d'action est déposé auprès de l'autorité administrative ».

Il est surprenant que de telles dispositions, qui entrent dans le champ d'application de l'article L. 1 du Code du travail, n'aient pas fait préalablement l'objet d'une concertation avec les partenaires sociaux, même si l'article en question ne porte ni sur les propositions de loi ni sur les amendements.

Compte tenu de la volonté affichée par le Président de la République de constitutionnaliser le dialogue social, il aurait été cohérent de prendre d'ores et déjà l'habitude de consulter systématiquement les partenaires sociaux sur ce type de sujets. Il faut dire que l'accueil – extrêmement frais – réservé par les organisations syndicales à votre texte en dit long sur leur enthousiasme !

Quant à l'article 6, il énonce des dispositions portant sur le régime complémentaire de retraite des salariés de Pôle Emploi. On peut ainsi lire dans l'exposé des motifs du projet de loi qu'il s'agit de « garantir les droits acquis des agents de Pôle Emploi qui sont affiliés à l'AGIRC-ARRCO. »

Dans ces deux cas, le rapporteur ayant été interrogé en commission, s'est évertué à montrer l'existence d'un lien entre les articles et les contrats d'avenir.

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