Intervention de Arnaud Richard

Séance en hémicycle du 11 septembre 2012 à 15h00
Création des emplois d'avenir — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Richard :

Comment définissez-vous les zones rurales « loin de l'emploi » ? Comment expliquer que le zonage ait si fortement évolué tout au long des travaux de la commission – ce qui montre l'importance de celle-ci, mais ce qui prouve le caractère assez obscur de votre souhait de cibler ces emplois d'avenir ?

Comment concevez-vous l'utilisation des comités stratégiques de pilotage ? Quel rôle sera dévolu aux conseils régionaux et aux élus locaux, totalement absents de ce texte ? Comment définissez-vous la notion d'« utilité sociale » ? Comment les jeunes seront-ils préparés et formés ? Quels moyens seront-ils conférés à Pôle emploi et aux missions locales ? Et quel « accompagnement renforcé » imaginez-vous ?

De la même manière, de quels moyens disposeront les employeurs, les collectivités locales et les associations afin de former et d'accompagner ces jeunes ? Qu'en sera-t-il, messieurs les ministres, de l'application de ce texte dans les villes riches et dans les villes pauvres ? Celles-là n'ont pas trop de chômeurs, pas trop de besoins non satisfaits, et leurs chômeurs sont plutôt qualifiés. Celles-ci ont beaucoup de chômeurs, souvent peu qualifiés, et de nombreux besoins non satisfaits.

Comment imaginez-vous qu'un tel texte s'applique dans l'ensemble des collectivités d'outre-mer, alors que, dans l'étude d'impact, vous aviez initialement réduit sa portée à quelques-unes, sans réelle explication ?

Pourquoi, quitte à faire le coucou, ne pas avoir conforté les contrats d'accompagnement dans l'emploi existants – dont il aurait été tout à fait possible d'étendre la durée – plutôt que de créer un nouveau type de contrat ?

Pourquoi n'avez-vous pas pris en considération, ou à peine, le secteur marchand, alors que le Premier ministre déclarait, voilà quelques jours, devant les responsables du patronat, qu'il souhaitait mettre l'entreprise au coeur de nos politiques économiques ?

Pourquoi se polariser sur le secteur public quand vous affirmez par ailleurs vouloir réduire le nombre de fonctionnaires ?

Pourquoi donc faire porter les efforts requis par les emplois d'avenir sur un secteur dont le potentiel de croissance est faible, ainsi que sur les contribuables ?

Je mesure aujourd'hui, plus que jamais auparavant, à quel point le respect des droits du Parlement, c'est le respect des droits des Français. Je mesure à quel point le mépris des institutions, c'est le mépris des Français.

Et face à la souffrance de nombreuses familles, face au désespoir de centaines de milliers de jeunes, pardonnez-moi de vous dire que votre attitude n'honore pas votre charge.

Si vous ne croyez pas sincèrement à l'utilité du débat pour enrichir un projet d'intérêt général, arrêtez toutes ces mises en scène et ne bercez pas plus longtemps d'illusions les Français qui ont cru en vous et qui attendent de vous.

Monsieur le président de l'Assemblée nationale, je crois sincèrement à ce que vous avez pu dire, solennellement, le jour de votre élection : vous seriez un président protecteur des droits de l'opposition. Si l'on veut que celle-ci joue pleinement son rôle, voire accepte certaines propositions faites par le Gouvernement, il faut lui laisser le temps de travailler dans de bonnes conditions.

Monsieur le président, nous ne pouvons continuer à travailler ainsi : il y va de la qualité de la loi, de la qualité du débat démocratique et du respect de l'institution que vous présidez.

Quant au Premier ministre, qui longtemps siégea dans ces travées, je lui demande qu'il soit bien l'homme qui, à l'aube de sa prise de fonction, lors de son discours de politique générale, s'engageait à « installer le changement dans la durée ». « Prendre le temps d'écouter, d'évaluer, de décider, de faire partager : c'est la condition même du changement », disait-il. Il faut donc prendre le temps, ajoutait-il, de réussir ces grandes réformes de structure, pour que vienne ensuite celui de tirer les bénéfices de l'effort collectif. Il nous expliquait ne pas avoir l'obsession de la comparaison avec le gouvernement précédent, et demandait à chacun de mesurer la différence, qui n'est pas simplement de style, mais de méthode : « la première erreur, c'est de vouloir imposer d'en haut et dans la précipitation ». Je souscris à ce propos, qui est bien loin d'être mis en oeuvre aujourd'hui.

Mais de quoi parlons-nous au juste ? Des droits à vivre en société, droits que nous dénions – tous – à plus de 500 000 jeunes qui sont sans travail, sans diplôme et sans qualification. De ce gâchis monumental de la jeunesse de France, qui représente dans son ensemble près de 25 % de la population française. De cette France, premier pays d'Europe pour le nombre de jeunes de moins de vingt ans. De cette jeunesse qui ne connaîtra jamais la dolce vita.

S'il est un déficit pire que tous les autres, c'est celui de la balance du temps présent et du temps futur, de ceux qui décident et de ceux qui survivent.

Finalement, on le voit, tout est question de méthode. Non pas que le temps soit nécessairement long pour la discussion. Mais au moins, qu'il existe, qu'il soit organisé ! Que la rêverie d'un jour, ne se transforme pas en cauchemar au réveil. Vous risqueriez une colère populaire plus grande, peut-être, que celle qui vous a valu de conquérir le pouvoir.

Si vous aviez sincèrement accepté la discussion, vous seriez, en outre, sortis d'illogismes historiques. Vous savez que le secteur marchand est celui qui offre aux jeunes les plus grandes chances d'insertion durable sur le marché du travail. Pourtant ce texte privilégie les emplois dans le secteur public, plus coûteux et moins productifs. Pourquoi ? Pour demeurer engoncés dans des certitudes que la moindre contradiction viendrait lézarder, en risquant d'entraîner l'écroulement de tout l'édifice.

La démocratie, mes chers collègues, c'est bien une méthode. Et cette méthode, c'est la plus sûre façon de respecter les droits des Français.

Aujourd'hui, nous parlons des plus jeunes d'entre nous. Demain, d'autres sujets fondamentaux suivront.

Montrez l'exemple d'emblée, sans faux-semblant, sans mise en scène, ouvrez le vrai débat, celui qui rend plus fort toute la collectivité nationale.

Car au fond, ce dont il est question ici, c'est d'abandonner clairement vos vieux mythes, de faire tomber vos fausses barrières – notamment celles qui sépareraient de façon hermétique le secteur public de l'activité privée, comme le bien du mal. Tout cela, vous le savez bien, ne correspond en rien à la vie, mais laisse croire à des solutions simples, qui ne résistent jamais à l'épreuve des faits.

Les Français n'attendent rien des mythes qui divisent. Mais ils doivent encore croire à un idéal qui rassemble. Cet idéal, c'est la démocratie réelle.

Le groupe UDI souhaite pouvoir reprendre les discussions et les consultations, d'autant plus que ce texte suscite, sur le terrain, beaucoup d'incompréhension.

Ne pas provoquer une naissance prématurée est une sage décision : si l'on veut que cette loi fonctionne, qu'elle ne télescope pas l'ensemble des dispositifs existants – nous n'avons eu aucune réponse sur ce point, monsieur le ministre –, si l'on veut qu'elle respecte les acteurs de terrain, qu'elle soit acceptée et comprise par eux, il faut retourner travailler en commission.

Montrez que vous savez rassembler pour servir les Français, et accordez à ce débat la place qu'il mérite.

Si j'ai souhaité défendre, au nom du groupe UDI, cette motion de renvoi en commission, c'est surtout pour réaffirmer combien nous voulons que ce droit à la formation, qui n'était, je suis désolé de vous le dire, monsieur le ministre, ni clair ni précis dans le texte initial, ne reste pas lettre morte et qu'il soit un véritable principe d'action dans le combat contre le chômage des jeunes décrocheurs.

Je vous propose donc que nous nous retrouvions en commission, pour débattre plus avant de ce projet, afin que la promesse de l'aube soit tenue. C'est tout le sens de cette motion, que je vous invite, mes chers collègues, à adopter. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

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