Intervention de Christophe Cavard

Séance en hémicycle du 11 septembre 2012 à 15h00
Création des emplois d'avenir — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Cavard :

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, la loi sur les emplois d'avenir est une mesure d'urgence. Le groupe des députés écologistes la soutient donc, en raison de l'urgence à nous tourner vers les personnes les plus en difficulté de notre pays, après que l'ancien Président de la République les eut précipitées dans le mur.

Notre majorité doit procéder par priorité, car la situation est tragique pour nombre de Français. Apporter des réponses concrètes au chômage des jeunes est une de ces priorités. C'est pourquoi nous nous félicitons de ce texte qui, s'il n'a pas, nous en sommes conscients, l'ambition de résoudre la crise économique, participe à l'ensemble des mesures d'urgence à prendre dans le contexte social dégradé dont nous héritons.

Le chômage des jeunes est la conséquence de plusieurs facteurs. Y répondre nous demandera de travailler dans des domaines différents, mais interdépendants.

Il faudra résoudre les dysfonctionnements du système scolaire – et nous nous associons au Gouvernement lorsqu'il fait de l'éducation un de ses chantiers majeur.

Il faudra également repenser notre dispositif d'accompagnement vers l'emploi et la formation professionnelle qui, depuis les différentes vagues de décentralisation, est confus et difficile à appréhender tant pour les personnes en recherche d'emploi que pour les professionnels, dont la charge de travail est bien trop importante pour effectuer leurs missions dans des conditions satisfaisantes. À ce propos, nous nous félicitons de la création de 2 000 postes cet été à Pôle Emploi.

Nous devrons aussi favoriser la création de nouvelles activités afin de relancer l'économie, par la transition écologique et par un soutien aux secteurs d'avenir, à des emplois utiles et non délocalisables, à des emplois épanouissants répondant aux nombreux besoins immédiats qui s'expriment dans le contexte des crises économiques, sociales et environnementales que nous connaissons.

Il faudra soutenir l'émergence de nouveaux métiers, tels que ceux nécessaires aux collectivités locales, par exemple pour honorer leurs nouvelles compétences, souvent liées aux directives européennes pour la protection de l'environnement ou à la participation des habitants aux projets territoriaux.

Aujourd'hui, avec cette loi créant 150 000 emplois d'avenir, nous nous préoccupons de jeunes en difficulté car sortis du système scolaire sans qualification, ou vivant dans un environnement défavorable à une insertion sociale sereine, ou encore présentant un handicap qui complique leur accès à l'emploi dans une période ou le chômage est déjà bien trop élevé, surtout pour les jeunes.

Ce que l'on appelle l'insertion, pour être effective, doit être globale. Les jeunes personnes qui ne trouvent pas leur place dans cette société violente, ravagée par l'idéologie de la compétitivité, de la concurrence et de la rentabilité, ne peuvent être tenues pour coupables ou stigmatisées.

Nombre de jeunes sont désabusés, écrasés par un climat social et économique qui tend à démontrer une absence de perspectives ainsi que d'alternative au modèle actuel. Pour reprendre confiance en eux, en leurs capacités et en leur valeur, quelles que soient leurs origines sociales ou géographiques, ils doivent nous voir volontaires. Ils doivent être accueillis dans une société plus compréhensive, qui les encourage ; dans une république qui les protège et les aide à s'engager contre le fatalisme et le no future dont parlait M. le ministre.

Dans notre pays, l'insertion professionnelle et l'insertion sociale sont encore trop souvent traitées distinctement, comme si l'une ne dépendait pas de l'autre. Or, il est absolument nécessaire de toujours lier entre elles les différentes mesures ou actions pour l'insertion professionnelle et pour l'insertion sociale.

Comment pourrait-il être possible de s'investir pleinement dans un emploi et ainsi de se donner les chances de réussir lorsque l'on n'a pas de logement, ou alors des problèmes de santé, un enfant à faire garder, des difficultés pour se déplacer ?

Nous demandons donc que la plus grande attention soit portée, dans la mise en place des emplois d'avenir, à la prise en compte de ces problèmes concomitants à celui de l'accès à l'emploi. Pour cela, un partenariat personnalisé avec le bénéficiaire de l'emploi d'avenir est indispensable.

Ce partenariat est également indispensable au sujet de la formation, qui devra être garantie et effective. Les jeunes concernés par les emplois d'avenir sont peu qualifiés, voire pas du tout. Une des clefs de leur insertion postérieure au contrat est qu'ils aient pu bénéficier d'une formation de qualité, et qualifiante. Nous devrons donc nous assurer que l'accès à la formation est effectif, mais aussi porter la plus grande attention à la qualité des formations.

Un projet de formation se construit. Il faut parfois du temps, ainsi qu'une bonne connaissance de l'offre. Lorsque son environnement familial ou scolaire n'aura pas donné au jeune bénéficiaire de l'emploi d'avenir une orientation adaptée, il lui sera indispensable d'avoir autour de lui des personnes ressources qui puissent trouver une offre compatible avec son projet et ses besoins.

Nous devrons trouver le moyen de soutenir les employeurs, à qui revient la responsabilité de garantir ces formations et qualifications. Ces structures, souvent à but non lucratif, n'ont pas toujours le temps ni les compétences pour un accompagnement satisfaisant. Le tutorat et les personnes ressources doivent donc être clairement identifiés.

La formation est donc un enjeu central, bien au-delà des emplois d'avenir. Il ne saurait s'agir de définir son projet de formation en fonction de l'offre disponible dans le territoire. Nous devrons inciter les programmes de formation professionnelle, qui sont de la compétence des régions, à évoluer afin que cette offre soit bien conforme à la fois à l'ensemble des besoins individuels, repérés et correctement évalués – en premier lieu avec les personnes concernées – et aux potentiels d'emplois à développer localement dans des secteurs d'avenir, c'est-à-dire utiles d'un point de vue social ou environnemental.

En outre, il n'est pas secondaire, pour qui veut être efficace et pragmatique, de progresser en matière d'accès effectif aux centres de formation, en facilitant l'aménagement des horaires de travail ou le financement des formations – pourquoi pas la gratuité, ou un partenariat adapté avec les organismes collecteurs ? – et en portant attention aux problèmes de mobilité.

Les jeunes bénéficiaires des emplois d'avenir résideront en effet dans des zones souvent éloignées des organismes de formation, qui se trouvent rarement en zone urbaine sensible ou en zone de revitalisation rurale. C'est l'un des nombreux obstacles à l'accès à la formation qu'il faudra savoir lever.

Ces éléments devront être intégrés à l'évaluation du dispositif des emplois d'avenir.

Pour l'évaluer correctement, il faudra au préalable avoir défini des objectifs clairs et des critères partagés. Nous connaissons les objectifs dans leurs grandes lignes, au travers de la loi que nous allons adopter, mais les critères d'évaluation dépendent également des spécificités et contraintes locales, du contexte économique ou social du territoire – autant de facteurs d'explication de la réussite ou de l'échec : y a-t-il un réseau de transport public suffisant dans la zone ? Un bassin industriel en déclin ? Une délocalisation d'entreprise ? Les filières de formation correspondent-elles aux besoins ? Y a-t-il suffisamment de logements sociaux – grand enjeu à venir ? Les ambitions économiques locales sont-elles en rapport avec les potentiels ? Comment les projets innovants sont-ils pris en compte ?

Ces critères d'évaluation très précis de l'efficience des emplois d'avenir pourront être élaborés dans le cadre de comités de pilotage territorialisés, dont nous souhaitons qu'ils intègrent aussi les jeunes bénéficiaires et les employeurs en plus des prescripteurs – missions locales et Pôle Emploi –, des collectivités locales, responsables de l'action sociale, et des régions, chargées de la formation.

Nous devons impulser des méthodes de travail plus participatives, afin d'être réactifs et mieux connectés aux réalités du quotidien. Nous devons donner aux différents acteurs institutionnels, sociaux et économiques les moyens d'être plus efficaces localement. Il faut avant tout un changement de méthode pour soutenir l'innovation dans les territoires, un travail partenarial en réseau et la coopération entre les différents acteurs.

C'est aussi pour plus de coopération – et moins de concurrence ! – que les emplois d'avenir, et plus généralement les contrats aidés du secteur privé, non marchand et marchand, devront être attribués au secteur de l'économie solidaire et aux entreprises de l'économie sociale, associations, coopératives et mutuelles.

Faire face aux crises, c'est aussi s'attaquer au monde de la finance et soutenir des entreprises d'avenir, plus démocratiques, plus éthiques et présentant un véritable potentiel en matière de créations d'emplois.

Chacune de nos mesures sociales, de nos lois en faveur de l'emploi devront être pensées en relation avec le mode de développement que nous souhaitons influencer. Les emplois d'avenir ne doivent pas servir de main d'oeuvre bon marché à des entreprises qui n'en ont pas besoin comme la grande distribution, même si celle-ci prétend vouloir rendre ses rayons plus verts.

Il faut savoir se prémunir des effets d'aubaine que les contrats aidés ont parfois pu représenter dans le passé pour des entreprises loin d'être exemplaires en matière de production ou de redistribution des profits. Les entreprises de l'économie sociale et solidaire seront des partenaires en ce sens.

Les emplois d'avenir et les contrats aidés en général permettront de soutenir un nouveau modèle de développement, d'ouvrir les possibles, notamment en matière de pérennité de l'emploi, s'ils sont dédiés à des filières d'avenir. Inutile de préciser que le nucléaire n'en fait partie – à part les filières de démantèlement des centrales ! Je pensais plutôt aux services de proximité, aux énergies renouvelables, à l'alimentation de qualité, au développement des circuits courts, à la protection de l'environnement et des ressources naturelles, aux transports collectifs ou aux nouvelles technologies.

Priorité affichée du Gouvernement, l'éducation, sur laquelle repose nécessairement le déploiement de ces nouvelles filières, doit bénéficier d'une part des emplois d'avenir.

Le dispositif est destiné à soutenir les étudiants en difficulté sociale souhaitant s'orienter vers les métiers de l'enseignement. Pour cela, nous devrons être vigilants sur sa bonne articulation avec la réforme tant attendue de la mastérisation et de la formation des enseignants. Plus précisément, il sera nécessaire de définir les missions proposées, la nature de l'encadrement et les moyens alloués.

Comme nous le soulignions plus tôt, il conviendrait que l'étudiant bénéficie d'un accompagnement et d'un encadrement tout au long de son emploi, qui renforceraient sa formation professionnelle.

Engagés avec le Gouvernement dans la bataille de l'emploi, nous devons plus que jamais penser le développement économique en relation avec les besoins réels et l'amélioration des conditions de vie.

Pour que l'emploi soit durable, il faut penser l'utilité sociale ou environnementale de l'activité. Avec les jeunes, avec des emplois d'avenir, dans des entreprises d'avenir, centrées sur les besoins des êtres humains et respectueuses de l'environnement, en soutenant des filières d'avenir créatrices d'emplois durables, nous ouvrirons, me semble-t-il, de réelles perspectives. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion