Intervention de André Chassaigne

Séance en hémicycle du 11 septembre 2012 à 15h00
Création des emplois d'avenir — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le ministre déléguée, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, oui, il est urgent de se pencher sur la situation des jeunes, pas seulement pour leur répéter une énième fois qu'ils sont l'avenir de la France mais, pour rendre effectifs, maintenant, leurs droits à l'éducation, à la santé, au logement, à un travail qualifié et stable. Cela fait des années qu'au mot « jeunes » on accole trop souvent « échec scolaire », « précarité », « intérim ». Les coups portés à l'éducation nationale, les contrats au rabais, la non-reconnaissance des diplômes, font que, pour une multitude de jeunes, avoir les moyens de poursuivre ses études ou trouver un CDI s'assimile à décrocher la lune.

Aujourd'hui, le taux de chômage des jeunes dépasse 23 %, voire 30 % dans des villes populaires comme La Courneuve, il atteint même les deux tiers en outre-mer, comme l'a si bien rappelé mon collègue martiniquais Bruno Nestor Azerot. La liquidation par des groupes comme PSA de jeunes intérimaires va encore aggraver cette situation. C'est insupportable ! Cela l'est d'autant plus qu'aux inégalités face à l'emploi s'ajoutent les discriminations, y compris une discrimination territoriale qui enferme les jeunes des familles populaires dans l'appellation « jeunes des quartiers ».

Oui, il est temps de prendre la question de l'emploi des jeunes à bras-le-corps. Être jeune n'est pas une maladie que l'on soigne à dose homéopathique. Un jeune est un citoyen qui doit bénéficier de tous les droits que notre République permet d'exercer.

C'est avec cet objectif en tête qu'il nous faut légiférer. Le Gouvernement a annoncé l'examen rapide de deux projets de loi allant en ce sens, et je m'en félicite : le projet de loi portant refondation de l'école et le projet de loi relatif au contrat de génération. Pour l'emploi des jeunes, il est également urgent d'inscrire à l'ordre du jour la proposition de loi contre les licenciements soumise par notre groupe au Sénat et débattue au printemps dernier ; elle a d'ailleurs été votée par les parlementaires socialistes. Le groupe GDR l'a redéposée en juillet et attend qu'elle soit soumise à notre assemblée.

Mais la vie des jeunes ne se résume pas, même si elles sont essentielles, à ces deux dimensions de l'école et de l'emploi. Nous avons besoin d'une grande loi-cadre sur leurs droits. Avec les associations de jeunesse, nous avons travaillé à une proposition afin d'engager cette démarche. Elle vient d'être déposée de nouveau par Marie-George Buffet.

Le projet de loi portant création des emplois d'avenir que nous examinons aujourd'hui peut être un élément du vaste chantier pour l'emploi des jeunes. Certes, il aurait sûrement été préférable d'examiner les mesures qu'il comporte dans le cadre des deux lois à venir sur l'emploi des jeunes et l'école. Cela aurait permis une vision plus cohérente et ainsi, peut-être, de gagner en efficacité. Cela aurait également permis que ce dispositif, ou plutôt ces dispositifs, les emplois d'avenir et les emplois d'avenir professeur, fissent l'objet d'une large concertation avec les organisations syndicales et de jeunesse, mais aussi avec les élus et les bénévoles associatifs.

Lors d'une rencontre à l'initiative de Marie-George Buffet avec les associations sur ce projet de loi, le représentant de l'UNEF a déclaré qu'il ne fallait pas en rester à un « souffle temporaire ». Une dirigeante de la JOC a souligné que cette loi, en l'état « ne permet pas un projet de vie », tandis que la responsable de la CGT nous a alertés sur « la mauvaise image du travail » que pouvait avoir le jeune bénéficiaire si ce dispositif n'était pas amélioré. Les discussions au sein des commissions des affaires culturelles et des affaires sociales ont permis qu'un certain nombre d'idées auxquelles nous tenions fussent prises en compte. Avec mes collègues du groupe GDR, je m'en félicite.

Plusieurs amendements ont permis d'inscrire dans la loi l'obligation de formation, le tutorat. D'autres précisent le suivi du jeune concerné, le temps et le contenu du travail pour l'emploi d'avenir professeur. Enfin, le projet impose maintenant aux employeurs n'ayant pas tenu leurs engagements, le remboursement de l'aide publique et instaure une évaluation du dispositif.

Mais nous ne sommes pas au bout et nous allons soumettre au débat des amendements visant d'abord à consolider le volet formation pour les emplois d'avenir. Nous souhaitons en préciser la durée – au moins 400 heures par an – et la forme – une formation sur le temps de travail pris en charge par l'employeur – pour la rendre qualifiante, efficace et utile.

Nous proposons aussi de moduler l'aide aux employeurs selon qu'il s'agit d'un CDI ou d'un CDD, afin d'inciter à l'embauche en CDI. De plus, nous proposons de limiter à un seul contrat de trois ans la possibilité d'embauche sur le même poste, afin de ne pas produire d'effet d'aubaine.

En ce qui concerne les emplois d'avenir professeur, la question du prérecrutement reste posée. L'embauche par les établissements publics locaux d'enseignement pose le problème de l'égalité de traitement mais aussi de l'accès pour les jeunes à d'autres territoires que ceux des zones urbaines sensibles, ou relevant de l'éducation prioritaire, d'où ils sont issus. On pourrait dire la même chose pour les jeunes issus de territoires ruraux. Nous pensons, cependant, que pour le recrutement des futurs professeurs concernés par ce dispositif, les autorités compétentes de l'Éducation nationale doivent avoir un droit de regard sur les candidatures. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement concernant la commission qui valide ces candidatures.

Les syndicats s'accordent pour dire que la réponse réside dans un véritable prérecrutement dans le cadre de l'Éducation nationale, qui préserverait des inégalités de territoires ou de moyens, et permettrait une véritable démocratisation du recrutement des enseignants. Ce prérecrutement implique de mettre en place des contrats de droit public avec un véritable statut d'élève professeur, garantissant des conditions d'encadrement et de formation pour réussir le master et le concours. Nous espérons vivement que la prochaine loi d'orientation, actuellement à l'étude, répondra à cette exigence. Nous attendons également qu'elle mette en oeuvre l'allocation d'autonomie pour les étudiants, car il est paradoxal que la loi demande à un élève boursier de travailler tout en préparant ses concours. Enfin, dernière question : si un véritable prérecrutement est instauré dans la prochaine loi d'orientation sur l'école, soit avant la fin de l'année, quel sera l'avenir de ces contrats d'avenir professeur ?

Ma principale interrogation quant à ce projet de loi porte sur la pérennisation des emplois. Le projet de loi s'adresse à des jeunes âgés de seize à vingt-cinq ans, qui sont sans qualification ou peu qualifiés, et rencontrent des difficultés particulières d'accès à l'emploi. Il est destiné en priorité à ceux qui résident dans des territoires connaissant des difficultés particulières.

On peut d'ailleurs s'interroger sur les territoires qui seront concernés. Le projet qui nous est soumis parle des ZEP et des ZUS alors que, d'un autre côté, il est question de zones prioritaires excluant justement des villes qui aujourd'hui sont classées en ZEP ou en ZUS. Qu'en est-il par ailleurs des jeunes qui habitent des territoires ruraux situés en-dehors des zones de revitalisation rurale ?

Nous avons, dans ce projet, renforcé l'exigence de formation, mais l'aide de l'État aux contrats d'emploi d'avenir ne dure que trois ans. Que deviendront, ensuite, ces jeunes ? Il nous faut donc, aujourd'hui, poser la question centrale : quel avenir pour ces emplois ?

Les emplois d'avenir s'adressent essentiellement aux collectivités et aux associations. Mais nous connaissons l'état des finances des collectivités territoriales aujourd'hui, et particulièrement des communes. Nous voyons les pressions qui s'exercent à leur encontre : ici, c'est la présidente du Medef qui veut supprimer leur compétence générale ; là, c'est l'euro-austérité qui veut réduire leurs dépenses et leurs effectifs. Ces collectivités sont prêtes à développer de nouveaux services et de nouveaux emplois, mais avec quels moyens et sous quels statuts ? Cela fait plusieurs années que leur dotation globale de fonctionnement est gelée ! Le gouvernement, monsieur le ministre, va-t-il lever ce blocage ?

En ce qui concerne les associations, la Conférence permanente des coordinations associatives, la CPCA, qui est en quelque sorte la voix des associations, vous a alerté : pour la première fois, l'an passé, 22 000 emplois associatifs ont été détruits. Les associations revendiquent les moyens de créer de l'emploi durable et de qualité. Le Gouvernement, monsieur le ministre, va-t-il leur en donner les moyens ?

Monsieur le ministre, il serait inacceptable que la recherche de pérennisation ne soit pas inscrite dans ce projet de loi. C'est une question d'éthique par rapport aux valeurs que nous portons.

Il est question d'insertion professionnelle et de formation. Pour cela, le ou la jeune – nous parlons ici de jeunes qui cumulent toutes les difficultés – a besoin de confiance, de temps et non pas de dispositifs précaires. L'emploi d'avenir prendra tout son sens s'il enclenche une logique permettant aux jeunes de sécuriser leur parcours professionnel et de commencer à se construire un vrai projet de vie, avec des ressources leur permettant l'autonomie. Ce projet de loi, nous l'avons dit, est un premier pas sur ce chemin, mais il faut l'améliorer encore si nous ne voulons pas qu'il débouche sur une impasse.

C'est pourquoi les députés du groupe GDR attendent beaucoup du débat d'aujourd'hui et de celui qui aura lieu au Sénat. Soyez assuré, monsieur le ministre, que nous sommes et resterons mobilisés pour avancer vers des solutions durables et effectives pour les jeunes tant dans le domaine de l'emploi que de la formation. Ce sera d'ailleurs tout le sens de notre vote. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

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