Intervention de Gérard Cherpion

Séance en hémicycle du 11 septembre 2012 à 21h30
Création des emplois d'avenir — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Cherpion :

Madame la présidente, monsieur le ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à approuver la volonté du Gouvernement de s'attaquer au problème de l'emploi des jeunes. Actuellement, 120 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans diplôme, et 60 000 autres, en post-bac, n'ont pas de qualification. Ils se trouvent dans une situation dramatique et ont de grandes difficultés à trouver un emploi pérenne et ainsi de s'intégrer pleinement dans la société.

Je partage également la volonté du Gouvernement d'instaurer un dispositif qui leur mette le pied à l'étrier mais leur permette de s'en affranchir par la suite. Un taux de chômage élevé dans ces catégories n'est pas une fatalité, nos voisins allemands et néerlandais ont su le prouver. Pourtant, les solutions qu'ils ont adoptées divergent de ce que nous propose le Gouvernement avec ce projet de loi.

En propos liminaire, je m'étonne de l'urgence avec laquelle le Gouvernement souhaite faire adopter ce texte. Les premiers emplois d'avenir sont prévus pour la fin de l'année et nous allons devoir attendre la prochaine loi de finances pour budgéter cette mesure. L'urgence ici relève plus de la communication que de la nécessité législative. Le texte aurait pu être discuté dans les délais prévus, faire l'objet d'un travail parlementaire plus approfondi et plus complet et s'appliquer quand même au moment prévu.

De l'aveu du Gouvernement, près de 500 000 jeunes sont actuellement sans qualification et sans travail. Pourtant, le projet de loi ne concerne que 150 000 emplois, ciblés sur des territoires et des publics particuliers, alors que le flux annuel est de 160 000 jeunes qui sortent du système scolaire ou post-bac. Par ailleurs, les jeunes qui bénéficieront en priorité de ces créations doivent habiter dans des zones urbaines sensibles ou des zones de revitalisation rurale. Bien que la commission ait étendu ce principe à des publics qui ne se trouvent pas sur ces territoires, du fait que ces zones représentent une priorité et du fait du faible nombre d'emplois proposés pour un public trois fois plus nombreux, toute l'enveloppe sera absorbée très rapidement et très probablement au détriment d'autres contrats aidés, en particulier les Contrats d'insertion dans la vie sociale ou CIVIS.

Le projet de loi n'a rien prévu pour les jeunes qui habitent dans des du territoire non prioritaires, notamment en zone rurale et périurbaine, alors qu'ils ont tout autant besoin de notre aide. Le texte ne prévoit rien non plus pour les jeunes ayant obtenu le bac sans qualification supplémentaire ou ayant échoué à l'université. Le texte s'adresse à des jeunes qui n'ont aucune qualification et la plupart du temps aucune expérience professionnelle. Nous allons donc demander au secteur non-marchand de former ces jeunes. Je considère que ce n'est pas son rôle de se substituer aux établissements de formation.

C'est pour cela qu'une des solutions se trouve dans l'apprentissage. Grâce aux efforts de l'État et des régions lors de la signature des contrats d'objectifs et de moyen pour l'apprentissage pour la période 2011-2015, l'alternance a été grandement développée. Grâce à cet effort partagé, de nombreuses places en centre de formation des apprentis ont été créées et des jeunes trouvent une place en formation ; ils ont parfois des difficultés, d'ailleurs, pour trouver un employeur.

Les collectivités locales représentent un vivier de cinq millions d'emplois. En ouvrant l'apprentissage au secteur public, vous permettriez à ces collectivités territoriales d'avoir une gestion prévisionnelle des emplois, afin de remplacer les départs en retraite, et à un grand nombre de jeunes de retrouver le chemin vers une formation qualifiante et un emploi pérenne. Grâce à l'apprentissage, je vous le rappelle, huit jeunes sur dix trouvent un emploi à l'issue de leur formation. J'aurai l'occasion de revenir sur le développement de l'apprentissage dans mon rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2013, mais je suis d'ores et déjà prêt à travailler avec le Gouvernement sur ce sujet.

Au lieu de mettre en place un système coûteux et, me semble-t-il, déséquilibrant pour l'apprentissage, je vous propose par le biais d'un amendement de donner une vraie chance aux jeunes. Je m'étonne d'ailleurs du coût de ce dispositif qui, en rythme de croisière, représentera un effort budgétaire de 2,5 milliards d'euros pour 150 000 emplois. Pour la même somme, on pouvait former 600 000 apprentis sur quatre ans. Je ne peux que redire mon attachement à l'apprentissage, qui n'est certes pas un dispositif unique, mais que le Gouvernement, me semble-t-il, ne met pas suffisamment en avant. L'alternance est moins coûteuse pour les finances publiques, plus efficace en matière de formation et de qualification des jeunes et elle permet une insertion professionnelle réussie.

Il en est de même du contrat d'avenir professeur. Le Gouvernement aurait pu privilégier les contrats de professionnalisation. Ce dispositif déjà existant a fait ses preuves et pourrait être adapté aux besoins de l'Éducation nationale. Les contrats créés sont dédiés en priorité aux étudiants boursiers. C'est, à mes yeux, une discrimination envers l'étudiant qui est à la limite du seuil nécessaire pour obtenir une bourse et peut se trouver aussi en difficulté. Il aura le sentiment de subir subit la double peine.

En ce qui concerne le financement, le salaire sera pris en charge à 75 % par l'État. Qu'en est-il de la formation, maintenant obligatoire, ce dont je me réjouis ? Sera-t-elle prise en charge par la collectivité territoriale ? Le coût sera alors plus important que prévu.

Par ailleurs, monsieur le ministre, le texte que vous proposez aggrave la situation de Pôle emploi sur deux points. En premier lieu, Pôle emploi devra assurer un suivi individualisé des bénéficiaires de ces emplois d'avenir. Alors que le nombre de demandeurs d'emploi vient de dépasser les trois millions, les moyens humains de Pôle Emploi doivent être consacrés au suivi de ces demandeurs d'emploi. En second lieu, nous avions décidé, dans la loi du 28 juillet 2011, de transférer à l'ACOSS, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, à compter du 1er janvier 2013, le recouvrement des contributions dues par les entreprises au titre du contrat de sécurisation professionnelle. À travers l'article 5 du projet de loi, vous revenez sur ce transfert. C'est dommage, car il aurait permis de redéployer des moyens humains au suivi individuel des demandeurs d'emploi.

Comprenez, monsieur le ministre, que mon opposition n'est pas idéologique. J'ai proposé un certain nombre d'amendements avec mes collègues du groupe UMP, notamment MM. Bernard Perrut et Jean-Pierre Door, afin d'améliorer le texte en ouvrant l'apprentissage aux collectivités territoriales et d'offrir ainsi une solution pérenne pour ces jeunes. En l'absence d'une avancée sur les points abordés par ces amendements et en raison du fait que les dispositifs déjà existants peuvent moduler une politique d'insertion ciblée sur les jeunes, je serai amené à voter contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion