Intervention de Lionnel Luca

Séance en hémicycle du 11 septembre 2012 à 21h30
Création des emplois d'avenir — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLionnel Luca :

Madame la présidente, messieurs les ministres, mesdames et messieurs les députés, depuis un quart de siècle, chaque gouvernement a imaginé des contrats permettant de faire face à l'urgence d'une situation où certains de nos concitoyens, plus que d'autres, subissent le chômage. On a appelé cela le traitement social du chômage et votre texte ne déroge pas à la règle. C'est particulièrement le cas des jeunes, faute d'un système de formation à la hauteur des défis économiques que doit relever notre pays.

Ce projet de loi, qui présente un certain intérêt, est aussi source d'incertitudes et d'inquiétudes.

D'abord, des incertitudes sur le financement. Le coût est estimé à 1,5 milliard d'euros, mais le texte n'indique pas qu'il sera limité à ce chiffre et le montant final s'élèvera peut-être à 2 ou 2,5 milliards. Les emplois jeunes, quant à eux, ont coûté entre 3,5 et 5 milliards d'euros.

De même, la formation paraît plus affichée que réellement financée.

Des incertitudes pèsent également sur les emplois d'avenir professeur qui brouillent le dispositif, car le métier de professeur nécessite d'être diplômé. À quel niveau de qualification compte-t-on les recruter et jusqu'où a-t-on l'intention de les mener ? En cas d'échec aux concours, qu'en fera-t-on ? Ne deviendront-ils pas des enseignants au rabais, destinés à faire face à la crise de recrutement par les concours, comme les maîtres auxiliaires ont permis en d'autres temps de faire face au baby-boom ? Qui plus est, pourquoi mettre à l'écart les établissements sous contrat avec l'État ?

Les inquiétudes générées par ce texte portent d'abord sur la pérennité d'emplois prétentieusement nommés « d'avenir ». Quel avenir ? Trois ans ? C'est bien court ! Les emplois jeunes, c'était cinq ans. Vous êtes donc en deçà.

Et quid des emplois occupés dans les collectivités et associations, lorsque prendra fin le dispositif ? Rappelez-vous justement la fin brutale des emplois jeunes lors du changement de majorité…

L'inquiétude porte surtout sur le risque d'un traitement discriminatoire, camouflé derrière le paravent d'une « logique de territoires » dont certains, en étant prioritaires, excluent ou risquent d'exclure les jeunes qui auront le tort de ne pas habiter au bon endroit alors qu'ils ont les mêmes difficultés d'insertion dans le monde du travail. Comment leur expliquer cette différence ? Votre logique de territoires peut devenir, dans son application stricte, une discrimination positive qui ne dit pas son nom et que pourtant vous condamnez. Monsieur le ministre, nous avons besoin d'être rassurés à ce sujet.

Les raisons sont donc nombreuses de ne pas voter votre texte. Toutefois, je souhaite que vous leviez les incertitudes et les inquiétudes que je viens d'évoquer.

Pour autant, il n'y a rien de pire à mes yeux que des jeunes non qualifiés avec comme seule perspective Pôle emploi.

Malgré ces incertitudes et ces inquiétudes, les 150 000 jeunes que vous promettez d'embaucher auront au moins une référence professionnelle. Ils auront ensuite une expérience professionnelle qui, aujourd'hui, leur manque pour pouvoir intégrer le monde du travail.

Même si, pour le Gouvernement, ce sera un effet d'aubaine, parce que cela va réduire un peu la montée inexorable du chômage, il n'en demeure pas moins que l'important est de considérer l'intérêt des jeunes, et aussi de ne pas vous en laisser le monopole. Voilà pourquoi je voterai ce texte. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

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