Intervention de Delphine Batho

Réunion du 11 juillet 2012 à 16h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie :

Je remercie M. Martial Saddier, qui a souhaité que notre travail soit constructif. La grande cause de la planète doit en effet nous rassembler même si des orientations politiques, économiques et sociales peuvent nous opposer.

Je rappelle que, pendant les dix-huit derniers mois du quinquennat, le ministère du développement durable ne fédérait plus les dimensions écologique et énergétique, pourtant fondamentales, et que pendant les trois derniers mois il n'y avait même plus de ministre de l'écologie, ce qui n'a pas manqué de laisser un certain nombre de dossiers en déshérence. Je rappelle également que le ministère du développement durable a été lourdement mis à contribution dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), puisqu'il a perdu près de six mille emplois en quelques années et que trente mille postes de fonctionnaires ont été supprimés dans la fonction publique d'État en 2012. Notre Gouvernement, quant à lui, tient à maintenir la stabilité globale des effectifs de la fonction publique même si, en effet, des choix seront effectués entre des ministères prioritaires, notamment ceux de l'Éducation nationale et de l'Intérieur, et ceux qui ne le sont pas en termes de créations d'emplois. J'ajoute que le Premier ministre a annoncé que le premier projet de loi de l'automne concernerait les emplois d'avenir. Or, de ce point de vue, l'écologie et le développement durable constituent un enjeu important.

S'agissant des forages en Guyane, il n'était pas possible de ne pas tenir compte des engagements juridiques pris par le précédent Gouvernement. À ce propos, M. Serville, c'est avec plaisir que je me rendrai en Guyane, même si je ne sais pas encore précisément à quel moment. Il est évident que l'exploitation du pétrole ne peut se faire que dans des conditions acceptables, c'est-à-dire en veillant au respect de l'environnement et en s'assurant que les bénéfices dégagés seront réinvestis dans le développement de ce territoire. Le groupe Shell a d'ailleurs pris un certain nombre d'engagements à cet égard.

La réforme du code minier est, quant à elle, impérative, comme le Premier ministre l'a rappelé lors de son discours de politique générale. Actuellement, le code n'est pas conforme à l'article 7 de la Charte de l'environnement, dont je rappelle qu'elle a valeur constitutionnelle : il ne respecte notamment pas les obligations d'information et de participation du public préalablement à toutes les décisions ayant un impact sur l'environnement. Le précédent Gouvernement le savait parfaitement, d'ailleurs, puisque le Conseil d'État avait demandé au mois de décembre 2010 une réforme qui n'a finalement pas été engagée. La mobilisation des associations de protection de l'environnement, des citoyens et des élus a ainsi conduit à adopter en urgence la loi interdisant la fracturation hydraulique, laquelle entraîne des dégâts environnementaux considérables. Notre Gouvernement, de ce point de vue, maintient clairement et nettement cette position. Je vous confirme donc que nous travaillons à la réforme du code minier. Avec le ministre du redressement productif, nous constituons en ce moment même un groupe de travail sur ce thème. Nous souhaitons également organiser une concertation aussi large que possible, notre objectif étant de présenter un projet de loi et une étude d'impact au Conseil d'État d'ici à la fin de l'année 2012, sachant que l'objectif principal de cette réforme est le respect du principe de précaution et des obligations d'information des citoyens. Je souhaite que le Parlement y prenne toute sa part.

Vous savez que la France a été assignée devant la Cour de justice de l'Union européenne pour non-respect de la législation sur la qualité de l'air. La révision des plans de protection de l'atmosphère se heurte à de nombreuses difficultés et je souhaite que la question de la pollution de l'air, notamment celle due au diesel, soit abordée dans le cadre de la conférence environnementale, car les enjeux de santé publique y ont toute leur place.

Le précédent Gouvernement a proposé aux collectivités le cadre très rigide des ZAPA : ainsi, c'est à elles de décider de mesures éventuelles d'interdiction de circulation pour des véhicules qui émettent des pollutions aux particules… mais qui bénéficiaient pourtant, récemment encore, du bonus écologique ! Les politiques publiques de lutte contre la pollution de l'air doivent être cohérentes. Les collectivités candidates à la mise en oeuvre des ZAPA doivent me communiquer leurs projets le 13 juillet : j'étudierai alors les difficultés qu'elles ne manqueront pas de me signaler et leur proposerai de constituer un groupe de travail pour lancer une concertation concrète afin de déterminer des plans d'action complets et applicables.

M. Jean-Yves Caullet a souligné à juste titre que la décentralisation représente un enjeu stratégique pour la transition énergétique. Les régions sont aujourd'hui à l'origine d'une grande part des politiques de développement des énergies renouvelables et les collectivités territoriales mènent de nombreuses actions en faveur de la biodiversité. J'ai proposé de rencontrer toutes les régions de France, afin que le travail qu'elles mènent dans leurs territoires soit mieux connu. La conférence environnementale doit également faire toute sa place à la décentralisation et à l'action locale, en déclinant notamment le débat national sur l'énergie au niveau des territoires – régions ou communautés de communes. De même, la réflexion sur ces sujets devra se développer dans l'optique de la nouvelle étape de la décentralisation à laquelle travaille ma collègue Marylise Lebranchu.

M. Bertrand Pancher – que je remercie d'aborder également ces travaux dans un état d'esprit constructif – a rappelé que les organisations non gouvernementales souhaitaient que tous les ministères se dotent d'une feuille de route environnementale. Le Premier ministre aura certainement l'occasion de leur confirmer lui-même cet objectif, puisque, avant la fin du mois de juillet, il recevra celles qui ont participé au Grenelle de l'environnement.

La Commission nationale du débat public sera partie prenante du débat national sur la transition énergétique, qui dépassera toutefois les limites habituellement fixées à ses travaux.

J'aurai l'occasion de revenir devant vous pour vous présenter le budget de mon ministère, dont nous ignorons encore s'il sera examiné ou non en commission élargie. Il est vrai que les enjeux sont considérables et que le contexte de réduction budgétaire s'impose à nous. Nous sommes prêts à prendre notre part de l'effort, mais notre ministère a déjà beaucoup contribué à ce que fut la révision générale des politiques publiques. Aujourd'hui, la logique a changé. Il ne s'agit pas d'imposer les mêmes efforts à toutes les administrations, mais de s'interroger sur l'efficacité de chaque dépense. Ainsi, je souhaite que soient préservées des missions essentielles concernant les risques naturels, les risques technologiques, la police environnementale et différents domaines dans lesquels il ne faut pas toucher au noyau dur des missions de l'État en matière de protection de l'environnement.

En réponse à M. Denis Baupin, je rappelle que le Gouvernement n'a pas à interférer dans les choix que le Parlement fera pour sa représentation, même s'il est en effet souhaitable qu'elle soit aussi large et pluraliste que possible.

J'aurai l'occasion de revenir, devant la commission des affaires économiques, sur le dossier des énergies renouvelables. Ce secteur ayant connu une certaine instabilité ces derniers temps, plusieurs entreprises ont été placées dans une grande difficulté. Nous travaillons à la fois à des mesures transitoires, susceptibles d'être prises très rapidement, et à des choix plus lourds, dans le cadre du débat national sur la transition énergétique.

À propos de l'Autorité de sûreté nucléaire, il me semble qu'il faut éviter de parler de laxisme. Les stress tests réalisés après Fukushima demandent à être étudiés attentivement. L'ASN a émis de très nombreuses préconisations qui doivent être mises en oeuvre, notamment par EDF. Deux sujets méritent d'être approfondis : la gouvernance de l'ASN, que vous avez évoquée, et l'encadrement de la sous-traitance dans la filière nucléaire, qu'a souhaité la Cour des comptes et auquel s'est engagé le Président de la République. Je souhaite que les parlementaires soient pleinement associés au suivi de ces dossiers et soient aussi une force de proposition.

En ce qui concerne le « Grenelle des ondes », il serait prématuré de fixer des orientations avant d'avoir fait le bilan de la mise en oeuvre des mesures qui ont déjà été prises – sur la base du travail réalisé notamment par le président François Brottes.

Enfin, M. Jacques Krabal m'a interrogée sur le financement de la réhabilitation des logements et de leur isolation thermique. La sobriété doit être un enjeu primordial du débat national sur la transition énergétique, non seulement pour les économies d'énergie qu'elle permet de réaliser, non seulement parce qu'elle est vertueuse du point de vue social et pour le pouvoir d'achat, mais aussi parce qu'elle pourrait avoir un effet de levier pour le redressement économique du pays : c'est un secteur tout entier qui attend du travail. Ma collègue Cécile Duflot et moi-même recherchons des marges de manoeuvre pour mettre en place des circuits de financement rapide et concevoir un système de guichet unique, aussi opérationnel que possible, permettant une grande rapidité d'action. La question sera plus facile à traiter pour le logement collectif que pour les logements individuels, les mécanismes de prêt à taux zéro ou de crédit d'impôt ne s'adressant pas à ceux que nous voulons toucher : la ruralité, les personnes âgées qui ont de petites retraites et vivent dans des maisons individuelles mal isolées, avec un chauffage au fioul qui pollue et coûte cher. Il nous reste à inventer une politique publique efficace et il sera sans doute utile de le faire en liaison avec les collectivités territoriales, car l'État, seul, ne peut pas mettre en place un dispositif efficace pour traiter cet enjeu de l'isolation thermique.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion