Intervention de Serge Letchimy

Séance en hémicycle du 24 juin 2013 à 16h00
Hommage à aimé césaire — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Letchimy :

Je veux remercier les orateurs et leur dire combien j’ai apprécié la hauteur de vue de la plupart de leurs interventions. M. Lagarde a exprimé une position ambitieuse, puisqu’il estime que cette proposition de résolution aurait pu être encore plus forte, en particulier sur la pensée universelle d’Aimé Césaire. Il convient toutefois de prendre garde, car célébrer, honorer, reconnaître la valeur et la pensée d’un poète ne signifie pas traduire celle-ci en dogme. Césaire n’aurait pas voulu cela. Aussi les personnes qui ont travaillé sur ce texte ont-elles souhaité privilégier deux axes.

Le premier d’entre eux consiste à reconnaître qu’en France, nous évoluons vers le multiculturalisme, ou, ce qui revient au même, vers le pluriculturalisme. Notre société doit en tenir compte et, surtout, trouver les moyens pour que l’expression du multiculturalisme se fasse dans l’espace public et politique de la manière la plus cohérente possible. Cette proposition de résolution constitue un appel à l’esprit de Césaire, pour permettre à la France, dans le cadre des décisions qu’elle sera bientôt amenée à prendre, de s’inspirer de la volonté humaniste de Césaire. C’est très important car, il y a peu de temps, comme cela a été rappelé, on a voulu créer un ministère de l’identité nationale, ce qui montre la prégnance de certaines idées. De même, on a entendu dire récemment dans l’enceinte de l’Assemblée qu’il existe une hiérarchie des civilisations : un chemin très long demeure donc à parcourir.

Le second axe privilégié par cette proposition est la prise en compte de la question de l’initiative et de la différence. C’est à mes yeux une position politique, éthique et philosophique fondamentale – si certains veulent y voir autre chose, c’est leur problème. C’est, je le répète, une question très importante.

Aimé Césaire, en 1946, a véritablement répondu aux attentes des populations : l’accès à l’égalité, la sortie du régime des décrets et de la colonie et la possibilité offerte aux travailleurs martiniquais d’obtenir des droits identiques aux autres. À ce titre – il l’a répété à plusieurs reprises – il n’a jamais souhaité l’assimilation. Il a même affirmé avoir inventé un néologisme – la départementalisation, qui n’était pas un concept très utilisé à l’époque – et s’est battu toute sa vie pour faire reconnaître le droit à la différence du peuple martiniquais.

Le fait d’appartenir à une communauté de destin, caractérisée par une langue, une culture et une origine communes rend essentielle l’expression de la différence. Je sais qu’en droit français, il est malaisé de concilier égalité et droit à la différence. C’est toutefois une invitation extrêmement puissante, non pas parce qu’elle émanerait de ma personne, mais parce qu’elle traduit l’orientation fondamentale d’Aimé Césaire. Il n’a jamais souhaité à titre personnel l’indépendance, même s’il reconnaît le droit à l’indépendance et a affirmé qu’un jour la Martinique serait indépendante. Il a toujours voulu que la Martinique et son peuple évoluent, au sein de l’ensemble français, tout en considérant que l’on est d’abord martiniquais et que l’on est capable de prendre en main notre destin, en partageant avec la France l’égalité et la différence.

Je veux remercier le président de l’Assemblée nationale. Après de longues discussions, sur la manière dont nous devions honorer la mémoire de Césaire, nous nous sommes accordés sur la nécessité, non pas de l’honorer – car nous savons qu’il n’aimait pas les honneurs –, mais de faire passer quelques messages. À cet égard, le choix de la résolution est un très bon choix : il s’agit d’imprimer une orientation.

Je souhaite en effet que, sous cette législature, nous trouvions l’inspiration césairienne dans ce que nous ferons pour l’outre-mer mais aussi dans l’Hexagone, pour tenir compte de l’importance prise par la diversité et du besoin de reconnaissance exprimé par de nombreuses personnes issues d’anciennes colonies. Nous devons être capables de construire la prospérité par la dignité humaine et, surtout, par le respect.

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