Intervention de Annick Le Loch

Séance en hémicycle du 24 juin 2013 à 16h00
Consommation — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnick Le Loch, rapporteure de la commission des affaires économiques :

…les producteurs et les industriels restent dans une relation des plus conflictuelles, je dirai : anormalement conflictuelles.

Les conditions générales de vente, adressées par le producteur au distributeur et qui doivent en principe constituer le socle de la négociation commerciale se voient très fréquemment opposer des conditions générales d’achat, ces CGA traduisant incontestablement le rapport de force qui est celui du pot de terre contre le pot de fer. Quant aux obligations imposées par la grande distribution en cours d’année pour renégocier des tarifs, l’encre de la convention unique parfois à peine sèche, elles sont légions et les témoignages a ce sujet sont très nombreux.

Par exemple, j’ai rencontré une entreprise qui a consigné un contrat le 27 février dernier avec une application le 1er avril 2013, qui a été convoquée le 20 avril pour renégociation de perte de marges.

Vous l’avez dit, monsieur le ministre, lors de la présentation de ce projet de loi en conseil des ministres, le 2 mai dernier, ce texte n’a pas l’intention de réformer la LME dans son ensemble : nous sommes tous d’accord ici pour dire que la stabilité législative est essentielle à l’activité économique et que les acteurs en présence ne doivent pas être perturbés par des réglementations trop fluctuantes ou imprécises.

L’article 61 traite d’un sujet important pour la trésorerie des entreprises : les délais de paiement. Rappelons tout de même que la trésorerie entre entreprises représente aujourd’hui près de 600 milliards d’euros, que les retards de paiement, de douze jours en moyenne, représentent un manque à gagner de 12 à 13 milliards d’euros et que près d’un quart des faillites d’entreprises sont plus ou moins directement la conséquence de ces retards ! À ce titre, l’article 61 instaure notamment le principe d’un délai net de 45 jours à compter de l’émission d’une facture périodique pour la régler.

Autre sujet fondamental traité par l’article 61 : les conditions générales de vente. Il s’agit avant tout, et c’est d’ailleurs le leitmotiv du texte, de veiller à la bonne et complète application des dispositions légales existantes. Je vous ai entendu évoquer, monsieur le ministre de l’économie, un engagement fort. Aussi l’article 61 réécrit-il en partie le début de l’article L. 441-6 pour réaffirmer très clairement que les CGV constituent le socle de la négociation commerciale et non les CGA comme certains acteurs de la distribution semblent pourtant le penser.

De plus, la commission des affaires économiques a adopté un amendement qui fixe au 1er décembre au plus tard la date à laquelle les producteurs doivent fournir leurs CGV, ce qui permettra de les dédouaner totalement en cas d’échec des négociations commerciales : certains acteurs de la grande distribution ne pourront plus leur reprocher d’avoir reçu les CGV au dernier moment !

Quant à l’article 62, il est essentiel pour deux raisons. D’une part, il réécrit une partie de l’article L. 441-7 du code de commerce pour clarifier la définition de la convention unique, qui rassemble les différents éléments concourant à la détermination du prix correspondant au point d’accord entre fournisseurs et distributeurs. Il importe notamment de rappeler que la convention unique est bien applicable dès le 1er mars de chaque année – ni avant ni après – et qu’elle n’a pas à être renégociée, notamment à l’initiative des distributeurs, dès les semaines voire les jours qui suivent sa théorique mise en oeuvre. Je saisis l’occasion qui m’est offerte pour évoquer, messieurs les ministres, les fameux nouveaux instruments promotionnels qui semblent constituer un véritable enjeu de l’équilibre des relations commerciales. Ne sont-ils pas en passe de constituer un détournement de la convention cadre annuelle ? Une grande enseigne ne propose-t-elle d’ailleurs pas de les intégrer dans la convention unique ? Qu’en pensez-vous, monsieur le ministre ?

D’autre part, et c’est là l’autre grand apport de cet article 62, il prévoit explicitement, dans des conditions fermement définies afin d’éviter tout abus, que des renégociations pourront être organisées en cas de variation importante des cours des matières premières. Or, on sait que lorsque l’évolution des cours leur est favorable, les acteurs de la grande distribution savent rouvrir de force, le cas échéant, les relations commerciales pour renégocier certaines clauses à leur avantage. Désormais, la réouverture pourra se faire si les cours sont à la hausse et bien entendu s’ils sont à la baisse. Là aussi, la commission a adopté un dispositif complémentaire afin de permettre aux produits transformés comme la charcuterie, la biscuiterie, les produits à base de lait, d’être concernés par les fluctuations de matière première. Dans un court délai, messieurs les ministres, je compte sur vous pour que la publication du décret qui précisera la liste des produits transformés concernés le soit effectivement car l’attente est forte.

De plus, je vous fais confiance pour assurer la fiabilité des indicateurs utilisés. Ceux-ci doivent évidemment être construits avec le concours des partenaires des filières, être sûrs et irréprochables, et placés sous le contrôle public de l’Observatoire des prix et des marges, de FranceAgrimer, ou de l’INSEE par exemple.

Concernant les contrôles et les sanctions, le texte renforce les pouvoirs de la DGCCRF et je serais très intéressée, comme tous mes collègues de la commission des affaires économiques, je pense, de pouvoir bénéficier, dès que ce texte aura été voté, des remontées de terrain des brigades LME, pourquoi pas devant la commission des affaires économiques ?

Voilà, mes chers collègues, en quoi ce projet de loi affecte la LME. Il souhaite renforcer l’effectivité de la loi existante et mettre définitivement fin à ce type de relations commerciales inéquitables et insoutenables.

Pour terminer, monsieur le président, et je reconnais que j’ai un peu dépassé mon temps de parole…

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