Intervention de Sébastien Denaja

Séance en hémicycle du 24 juin 2013 à 16h00
Consommation — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Denaja, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Vingt euros sur une facture de téléphone, quinze euros sur la lessive, trente euros sur un contrat d’assurance, vingt euros sur un contrat bancaire, je pourrais compléter cet inventaire à la Prévert – la poésie en moins – mais restons à l’essentiel. La création de l’action de groupe, c’est du pouvoir d’achat rendu aux ménages.

On le mesure donc, la création de cette nouvelle voie de droit constitue une avancée considérable dont il faut mesurer la portée. Elle renforcera la protection des consommateurs et conduira à assainir notre économie, en dissuadant plus fortement les pratiques illicites. L’action de groupe est nécessaire pour réparer les préjudices subis par les consommateurs lorsque le montant individuel de ces litiges est trop faible pour que les consommateurs lésés intentent une action en justice. Ces contentieux de masse peuvent porter, par le nombre élevé de victimes, sur des montants considérables, et ils se prêtent la plupart du temps, par leur homogénéité, à un recours collectif.

L’idée n’est certes pas nouvelle. Elle a été proposée par des spécialistes du droit, les associations de consommateurs et des responsables politiques depuis les années 1970. Les deux précédents présidents de la République avaient même pris l’engagement de créer une telle action de groupe, qui ne vit cependant jamais le jour.

François Hollande, lors de sa campagne présidentielle, a également pris cet engagement. Mais à la différence de ses prédécesseurs, son engagement sera tenu car le présent projet de loi concrétise cette promesse.

L’action de groupe a longtemps été repoussée au motif qu’elle conduirait nécessairement aux dérives des class actions américaines. Cette crainte infondée est un mauvais prétexte pour refuser ce progrès, car les facteurs ayant conduit à de telles dérives outre-Atlantique sont absents de notre droit. Il n’y a pas de dommages et intérêts punitifs en droit français, or ce sont ceux-ci qui entraînent des condamnations d’un montant considérable aux États-Unis. Il n’y a pas non plus de rémunération exclusive des avocats aux résultats de l’action en justice, ni de procédure de discovery.Il faut noter que l’action de groupe est d’ailleurs pratiquée avec succès et sans qu’aucun impact négatif sur l’économie n’ait été constaté dans huit autres États membres de l’Union européenne ou dans des pays tiers comme le Canada. De plus, elle est en voie de généralisation dans l’Union européenne, la Commission européenne ayant adopté une recommandation en ce sens le 11 juin dernier.

Les opposants à la présente loi, peu nombreux ce soir, pourraient nous rétorquer que le droit existant permet déjà une forme de recours collectif appelé l’action en représentation conjointe. Mais les conditions dans lesquelles elle est enserrée ont cependant entraîné son échec. Les chiffres en témoignent : elle n’a été utilisée que cinq fois depuis 1992. Cela dispense de commentaires sur l’efficience de cette procédure.

Il était donc nécessaire d’aller plus loin. Le dispositif proposé par le Gouvernement est encadré afin de se prémunir contre tout risque de recours abusif ou de déstabilisation de notre économie. Le texte est issu d’une large concertation sur laquelle il s’est appuyé et dont il reprend les principales orientations.

Le champ d’application de l’action de groupe est certes limité au droit de la consommation ou au droit de la concurrence. Mais c’est un champ d’application déjà très significatif, qui permettra de réparer les préjudices subis par les consommateurs. L’inclusion du droit de la concurrence permettra aussi de réparer les préjudices nés de sa violation.

Seuls les préjudices matériels résultant d’une atteinte au patrimoine des consommateurs seront concernés. Les préjudices corporels et moraux sont par conséquent exclus, car ils nécessitent une individualisation qui en rend l’indemnisation difficile dans le cadre d’une action de groupe.

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