Néanmoins, les consommateurs conservent naturellement le droit de mener des actions individuelles pour obtenir la réparation des préjudices autres que matériels.
La qualité pour agir, c’est-à-dire le droit d’introduire une action de groupe, est réservée aux associations agréées de consommateurs représentatives au niveau national. Ce choix vise - à juste titre - à éviter les demandes fantaisistes ou abusives. Il a été contesté par certains représentants des avocats. Ceux-ci n’en sont pas moins présents tout au long de la procédure, et mêmes indispensables, puisque les actions de groupe devront être portées devant certains tribunaux de grande instance spécialisés. Les avocats joueront donc un rôle central en matière d’action de groupe.
La procédure retenue est simple et efficace. Dans un souci de célérité, elle ne comportera pas une phase distincte de recevabilité : l’essentiel du litige faisant l’objet d’un seul jugement. Le groupe de consommateurs lésés n’aura pas à être constitué avant l’introduction du recours : les consommateurs s’identifieront une fois le jugement sur la responsabilité devenu définitif. Ils en auront connaissance grâce aux mesures de publicité ordonnées par le juge, aux frais du professionnel.
C’est un gage d’efficacité de la procédure, puisque ce système est fortement incitatif pour les consommateurs et qu’il facilite l’introduction de l’action de groupe. En outre, une provision ad litem, permettant de couvrir une partie des frais engagés par l’association, pourra être prononcée par le juge. Enfin, l’association pourra être assistée par un ou des tiers, avec l’autorisation du juge, pour l’aider dans la gestion des demandes d’indemnisation, qui sera une tâche très lourde. Le recours à la médiation est encouragé.
S’agissant du droit de la concurrence, certaines spécificités procédurales ont été prévues. L’action ne pourra être engagée que sur le fondement d’une décision définitive de l’Autorité de la concurrence, d’une autorité de la concurrence d’un autre État membre ou de la Commission européenne. Cette disposition est pleinement justifiée : le manquement sera ainsi considéré comme établi devant le juge, ce qui allégera considérablement la charge de la preuve de l’association requérante.
En conclusion, je veux dire quelques mots de l’esprit dans lequel j’ai cherché à travailler en tant que rapporteur pour avis de la commission des lois. Je n’ai pas souhaité remettre en cause l’équilibre général du texte. J’ai bien entendu les critiques de certains, qui estiment que le dispositif serait trop encadré, trop restreint dans son champ d’application. L’exclusion des préjudices corporels, qui rend cette action de groupe peu adaptée en matière de santé, et des préjudices environnementaux a notamment été contestée ; il en est de même du monopole réservé aux associations agréées de consommateurs. À l’inverse, d’autres estiment – les amendements déposés par certains groupes en témoignent – que le dispositif proposé serait trop étendu, trop ouvert. Ces critiques croisées illustrent à mon sens le caractère parfaitement équilibré de ce texte, qui répond aux attentes fortes des consommateurs tout en préservant la sécurité juridique et économique dont les entreprises ont besoin.
Vous l’avez rappelé, monsieur le ministre : ce projet de loi est une première étape, destinée à expérimenter ce nouveau mécanisme avant de réfléchir à de possibles extensions, en matière de santé en particulier. S’agissant d’une procédure nouvelle aux potentialités considérables, cette démarche est la plus responsable.
En tant que rapporteur pour avis de la commission des lois, j’ai surtout examiné avec soin la constitutionnalité du dispositif. Les exigences de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sont pleinement respectées. L’action de groupe ne remet aucunement en cause le droit au recours, puisque chaque consommateur conserve le droit d’agir individuellement en justice pour assurer la défense personnelle de ses intérêts. Par ailleurs, la limitation de la réparation aux préjudices matériels est pleinement justifiée par la nécessité de limiter le dispositif aux cas dans lesquels une indemnisation type, susceptible d’être dupliquée, est possible.
Les amendements proposés par la commission des lois ont été adoptés, pour l’essentiel, par la commission des affaires économiques, dont je salue le travail des rapporteurs Annick Le Loch et Razzy Hammadi. Ils ont pour objet d’améliorer la procédure et l’efficacité du dispositif.
Le débat a été particulièrement approfondi : je vous en ferai donc l’économie.
En résumé, nous avons ici un texte ambitieux, équilibré, applicable et simple dans ses procédures, préventif, porteur de sécurité et de pouvoir d’achat pour les consommateurs. Pour toutes ces raisons, la commission des lois vous invite à adopter le présent projet de loi qui vise à donner non seulement de nouveaux droits aux consommateurs – vous l’avez dit, monsieur le ministre –, mais surtout de nouveaux pouvoirs aux Français.