Intervention de Noël Mamère

Séance en hémicycle du 12 juin 2013 à 15h00
Respect de l'exception culturelle — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNoël Mamère :

Monsieur le président, madame la ministre du commerce extérieur, mes chers collègues, bien entendu, la défense de l’exception culturelle fait l’unanimité, sur les bancs de droite et de gauche.

Comme cela a été expliqué par les orateurs qui m’ont précédé, l’enjeu n’est pas simplement français, il est européen : il s’agit de défendre la diversité de notre vieux continent. Beaucoup d’entre nous ont en mémoire, de par leurs lectures ou leurs études, ce qui est arrivé à certains moments de notre histoire ; ils se rappellent qu’on a qualifié d’allemands des auteurs tels que Kafka, issu de cette Mitteleuropa qui avait grandement participé au rayonnement de la culture européenne.

Tout à l’heure, notre collègue de Mazières a évoqué la question du statut des intermittents, qui est l’un des éléments de notre exception culturelle. Je voudrais, à ce propos, saluer notre collègue Jacques Ralite, qui a beaucoup contribué, avec Étienne Pinte et moi-même, à l’action menée par le comité de suivi des intermittents lorsque leur statut était menacé par le gouvernement de M. Fillon.

Nous avons, les uns et les autres, notre part de combat. Limiter la discussion de ce traité euratlantique à la simple question de l’exception culturelle serait irresponsable et ce serait une faute politique. En effet, nous sommes un certain nombre à considérer qu’au-delà de l’exception culturelle, ce traité transatlantique masque la volonté des États-Unis de reproduire ce qu’ils ont créé en 1993, avec l’ALENA – l’accord de libre-échange nord américain –, qui réunit les États-Unis, le Canada et le Mexique. Or, nous voyons bien, aujourd’hui, la manière dont les États-Unis se servent de cette zone de libre-échange pour imposer leur loi. Il suffit, pour s’en convaincre, de regarder ce qu’il s’est passé il y a quinze jours, lorsque la société pétrolière Chevron a attaqué directement l’État canadien.

Il suffit aussi de se souvenir des initiatives qui ont été prises pour ouvrir ce marché du libre-échange. On a cité, tout à l’heure, la position adoptée par le Président Mitterrand en 1993, lors de la négociation du GATT. Mais rapprochons-nous de la période contemporaine.

En 1998, nous avons lutté contre un projet, défendu par l’Organisation mondiale du commerce et la Commission européenne : l’accord multilatéral sur l’investissement, l’AMI. Socialistes, communistes ou écologistes, nous pratiquions ce que nous avions appelé la « stratégie de Dracula », qui consistait à braquer le projecteur sur toutes les zones d’ombre de cet accord multilatéral d’investissement. Nous avons harcelé le Gouvernement à coups de questions écrites, de questions au Gouvernement et de questions orales et nous avons organisé des manifestations et des réunions pour éclairer l’opinion sur ce sujet.

Nous étions alors en période de cohabitation ; Lionel Jospin était Premier ministre. La France, sur son initiative et en accord avec le Président Chirac, a refusé cet accord multilatéral d’investissement. Les États-Unis n’en sont pas restés là puisqu’en 2011, ils ont tenté de conclure avec l’Europe un accord bilatéral portant sur les services, la propriété intellectuelle, l’investissement et les produits, en vain.

Plus récemment, en 2012, il a fallu la mobilisation des écologistes, et d’autres, contre un projet sur la contrefaçon, l’ACTA – l’accord commercial anticontrefaçon –, qui avait été signé et ratifié par vingt-deux pays de l’Union européenne pour le faire échouer.

Il n’y a donc pas de fatalité à ce que s’impose l’accord transatlantique entre l’Union européenne et les États-Unis, même s’il est préparé d’une certaine manière dans le dos des citoyens et que le Parlement européen n’a qu’un avis consultatif. En outre, nous savons, les uns et les autres, parce qu’il ne faut pas se voiler la face, que le président de la Commission a des visées professionnelles et politiques qui justifient le fait qu’il veuille avancer à marche forcée en la matière. Nous savons en effet qu’il regarde vers l’Organisation des Nations unies.

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