Intervention de Roger-Gérard Schwartzenberg

Séance en hémicycle du 12 juin 2013 à 15h00
Respect de l'exception culturelle — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoger-Gérard Schwartzenberg :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais d’emblée exprimer le soutien du groupe RRDP à la proposition de résolution européenne relative au respect de l’exception culturelle présentée par nos collègues Danielle Auroi et Patrick Bloche.

J’écoutais, ce matin, sur une radio de service public, Bérénice Bejo évoquer l’avantage fourni par le système français d’aide à la production cinématographique et expliquer que jamais le film The Artist très apprécié aux États-Unis et oscarisé, n’aurait pu être produit par les Américains eux-mêmes, compte tenu des règles qui sont les leurs.

Cette exception doit, à l’évidence, être maintenue. L’accord intitulé « Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement entre l’Union européenne et les États-Unis » s’inscrit, certes, dans une démarche logique de rapprochement des deux continents. En plus de valeurs communes telles que l’attachement aux droits de l’homme, aux libertés fondamentales et à la démocratie, nous partageons avec nos amis américains des relations économiques privilégiées.

Les États-Unis sont en effet notre deuxième partenaire commercial, ce qui représente 13,9 % de nos échanges de marchandises.

Ce texte aspire à dépasser les engagements précédents qui ont été pris dans le cadre de l’OMC entre les États-Unis et l’Europe en vue d’une libéralisation des échanges et des investissements par la suppression des obstacles non tarifaires et l’harmonisation des régulations.

Selon une analyse commandée par la Commission, cet accord serait bénéfique à l’Union européenne, tant sur le plan de la croissance de son PIB que de ses exportations et de son niveau d’emploi.

La réciprocité des intérêts est évidemment la condition indispensable d’un accord économique solide et stable. À cet égard, le secteur de l’audiovisuel et des services culturels constitue l’élément négatif qui déséquilibre ces négociations.

D’après les chiffres figurant dans l’excellent rapport présenté par Mme Danielle Auroi le 11 avril dernier, en 2010, le montant des exportations de services audiovisuels des États-Unis vers l’Union européenne est estimé à 7,5 milliards de dollars, contre seulement 1,8 milliard de dollars de l’Union européenne vers les États-Unis. Une telle asymétrie des échanges de biens culturels pose un réel problème dans la négociation de l’accord global. Le mandat de la Commission en la matière n’est pas satisfaisant. L’attitude de la Commission et de son président ne l’est pas davantage, comme il arrive, encore moins en matière de culture, comme on pouvait s’y attendre.

L’Union européenne s’est pourtant déjà engagée à défendre le principe de diversité culturelle, du moins de la diversité des expressions culturelles comme l’on dit maintenant, dans l’article 22 de la Charte des droits fondamentaux, adoptée en décembre 2000 à Nice. Contrairement aux États-Unis, qui ne l’ont pas fait, l’Union européenne a signé la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’UNESCO en octobre 2005, confirmant, selon la formule consacrée, que « la culture ne peut être considérée comme une marchandise comme les autres ». Formule consacrée, mais inexacte : la culture n’est pas une marchandise du tout. La qualifier de marchandise qui n’est pas identique ni analogue ou comparable aux autres, c’est, au fond, une facilité que nous employons tous. Nous n’en devons pas moins cesser de traiter la culture de marchandise.

Quoi qu’il en soit, les engagements de notre pays – dont celui que je citais, pris dans le cadre de l’UNESCO – nous imposent des obligations particulières. Le partenariat transatlantique promouvant le respect des politiques appliquées par l’Union européenne ne doit donc pas faire écueil à ses engagements internationaux. Le point 8 de la recommandation de décision du Conseil de l’Union européenne précise que « les parties ne favoriseront pas les échanges ou les investissements directs à l’étranger assouplissant les normes fondamentales du travail ou les politiques et la législation visant à protéger et à promouvoir la diversité culturelle ». Il y a là un engagement pris envers nos partenaires européens de respecter nos acquis sociaux et politiques.

Notre attachement à certains principes fondamentaux, parmi lesquels précisément le respect de la diversité des expressions culturelles, est fédérateur de notre Union. À cet égard, le rapport de Mme Seybah Dagoma est particulièrement éloquent. Il faut se méfier des velléités de contournement de cette promesse par les États-Unis d’Amérique. Les dispositions sectorielles prises dans le cadre d’une harmonisation réglementaire incluent le secteur des technologies de l’information et de la communication. Il est nécessaire de rappeler le principe de neutralité technologique établissant que la nature du support ne modifie pas le contenu de l’oeuvre dans les négociations de l’accord, conformément à la proposition de résolution européenne.

Le partenariat transatlantique ne doit pas être le premier pas vers une menace de notre industrie culturelle et artistique. Le projet est ambitieux, mais ne doit pas inciter l’Union européenne à contredire ses engagements et ses textes fondateurs. C’est pourquoi nous approuvons pleinement l’exigence formulée par la proposition de résolution d’exclure explicitement les services audiovisuels du mandat de négociation, mettant à part ce qui concerne la culture et exprimant l’idée qu’elle est en pareil cas ce qui reste quand on a tout négocié.

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