Intervention de Marie-Louise Fort

Séance en hémicycle du 12 juin 2013 à 15h00
Respect de l'exception culturelle — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Louise Fort :

Monsieur le président, madame la ministre, madame et monsieur les présidents de commissions, mes chers collègues, lors de l’examen de la proposition de résolution européenne sur le mandat de négociation de l’accord de libre-échange entre les États-Unis et l’Union européenne, alors que je revenais des États-Unis, j’avais indiqué que l’Union européenne était perçue outre-Atlantique comme plus demandeuse de cet accord que les États-Unis, aux yeux desquels il ne présentait guère d’actualité.

Je regrette donc que nous ne débattions que du respect de l’exception culturelle. Non seulement cela limite – même si nous les affirmons avec force – l’impact de nos exigences dans cette étape préalable à la négociation mais cela tend surtout à museler l’Assemblée nationale et ipso facto la France.

La défense de la diversité culturelle est l’un des fondements de la construction européenne. De fait, sa devise n’est-elle pas « Unie dans la diversité » ?

À cet égard, je rappelle que l’Europe a ratifié en 2005 la convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Par ailleurs, nous le savons, l’audiovisuel européen est subventionné. Le maintien d’une industrie cinématographique et audiovisuelle en Europe est le gage, dans une certaine mesure, de son rayonnement, de sa capacité à se représenter en donnant une voix à ses artistes et de sa faculté d’entrer avec succès dans l’ère numérique en créant de l’activité et des emplois.

L’exclusion des services culturels et audiovisuels et la défense de l’exception culturelle ont constitué une position constante de l’Europe en matière commerciale. Les services audiovisuels n’ont donc en aucune façon à entrer dans le champ de cette négociation sur le commerce des services et l’investissement.

Notre position en la matière a été exprimée de manière très explicite : le parti populaire européen a voté, le 23 mai dernier au Parlement européen, lors du vote sur le projet de mandat, une résolution tendant à en exclure les services audiovisuels, y compris en ligne.

Cette position doit être défendue avec d’autant plus de force que les États-Unis – on le sait bien – promeuvent de manière très offensive leurs intérêts dans le secteur audiovisuel, en particulier dans le domaine des nouvelles technologies de l’information et de la communication.

La force de frappe de l’industrie américaine en matière cinématographique mettrait en péril l’industrie cinématographique européenne. Aussi le fait d’inclure ce secteur dans le champ des négociations reviendrait à mettre en concurrence deux productions de poids inégal et fragiliserait les politiques européennes d’aides aux secteurs créatifs originaux que, d’ailleurs, les États-Unis nous envient.

On peut regretter la position du président Barroso, qui, tout en reconnaissant qu’il fallait respecter l’exception culturelle et le droit des États à légiférer dans ce domaine, n’a pas pour autant accédé à la demande française d’exclusion des services audiovisuels. En validant les propos du commissaire Karel de Gucht, qui a balayé d’un revers de main la résolution du Parlement européen, il prend surtout le risque de mettre en péril l’avenir de la création et l’identité des peuples européens.

Alors que treize ministres européens de la culture, dont les ministres allemand, espagnol, italien et français, ont cosigné une lettre demandant que le secteur audiovisuel soit exclu de l’accord de libre-échange, le Conseil doit tenir compte de l’avis des États membres et de celui du Parlement européen.

Cette exclusion doit constituer un préalable inconditionnel à la négociation. Surtout, si l’Europe se livrait, dès le début des négociations, à cette concession majeure, qu’en serait-il de la défense de ses autres intérêts d’importance majeure, en matière agricole par exemple ?

Jacques Ruffié affirmait qu’aucune culture, aucune religion, aucune civilisation n’était à l’abri de la destruction. Chers collègues, baisser la garde sur la question essentielle de l’exception culturelle portrait un coup fatal à notre culture, dont le statut serait alors ravalé à celui de marchandise, aussi noble soit-elle. Faisons en sorte que la défense de l’exception culturelle constitue notre règle au cours de cette négociation et – soyons fous – efforçons-nous de lui conférer un caractère universel.

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