Intervention de Estelle Grelier

Séance en hémicycle du 12 juin 2013 à 15h00
Respect de l'exception culturelle — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEstelle Grelier :

Face à sa tentation hasardeuse de se précipiter sans garde-fous – c’est le coeur du sujet – dans les négociations avec notre partenaire américain, l’Union européenne doit défendre avec conviction ses spécificités, ses préférences collectives et son modèle social.

Un certain nombre de priorités fortes, voire essentielles, sont absentes du texte du 12 mars. Les deux entités négociatrices n’ont pas les mêmes intérêts à défendre ou à développer, en fonction de leurs objectifs, de leurs autres partenaires commerciaux, mais aussi de leur culture politique ou sociétale. La limitation claire des domaines négociables est d’autant plus fondamentale que les États membres de l’Union eux-mêmes peuvent parfois avoir des cultures et des intérêts divergents.

Le gouvernement français a, pour sa part, fixé trois lignes rouges pour la définition du mandat de négociation et nous y souscrivons : la non-remise en cause des préférences collectives qu’expriment les consommateurs européens ; l’exclusion des marchés de défense du champ de la négociation ; enfin, le refus d’assimiler les biens et services culturels à des marchandises comme les autres, refus que notre assemblée réitère, par la présente proposition de résolution.

Préférences collectives, défense, culture : par leur spécificité, leur caractère sensible, la différence d’approche dont ils font l’objet de part et d’autre de l’Atlantique, ces domaines doivent être préservés d’une libéralisation à marche forcée. Sans citer l’ensemble des arguments qui ont été avancés par les précédents orateurs, rappelons qu’aux États-Unis la culture relève avant tout d’une industrie, alors qu’elle constitue pour l’Europe l’un des fondements de son histoire, de sa construction et de son identité.

D’autres conditions strictes doivent être rappelées à la Commission pour une défense efficace de nos intérêts face à un interlocuteur rompu aux négociations. Il s’agit notamment de s’assurer que la réciprocité et l’équilibre des engagements soient respectés, étant entendu que si l’accord s’applique à l’ensemble des États membres de l’Union, il devra s’appliquer aussi aux cinquante États fédérés américains. De plus, les divers volets de négociation devront être évoqués de manière égale, sans faire l’impasse sur les sujets épineux ; je pense notamment ici au souhait de l’administration américaine de sortir du champ des négociations les services financiers pour contourner l’application des normes dites « Bâle III ». Enfin, et, surtout, le temps de la négociation devra être respecté, sans précipitation ni date butoir prédéfinie.

Au vu des précédentes négociations commerciales, au vu des travaux liminaires, compte tenu de la tendance de la Commission européenne à la rétention d’information – une tendance naturelle et sans doute inhérente à toutes les négociations commerciales – et de sa vision strictement libérale du projet d’accord, il faut impérativement que la représentation nationale, avec les élus européens, puisse assurer un suivi des négociations et être pleinement associée à ce dialogue transatlantique. Madame la ministre, nous comptons sur vous.

Si ces négociations aboutissent, vraisemblablement dans plusieurs années, et sous réserve du respect de l’exclusion culturelle, comme l’a rappelé le Premier ministre, elles auront, de par la puissance économique et commerciale des parties prenantes, un impact majeur sur l’ensemble des négociations commerciales dans le monde.

À nous de nous assurer qu’elles se dérouleront dans le respect le plus strict de nos valeurs et de nos convictions européennes. Nous souhaitons que l’éclairage particulier porté sur ce partenariat transatlantique serve aussi l’avancée attendue des travaux, aujourd’hui bloqués, des institutions européennes sur la réciprocité commerciale.

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